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27/03/2007 | FRANCE | N°06-82272

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 2007, 06-82272


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION ALBERTO ET ANNETTE X...,

contre l'arrêt n° 11 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 8 février 2006, qui a déclaré irrece

vable sa constitution de partie civile des chefs d'infraction à la loi sur les fraudes ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION ALBERTO ET ANNETTE X...,

contre l'arrêt n° 11 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 8 février 2006, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile des chefs d'infraction à la loi sur les fraudes en matière artistique et contrefaçon d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 2 , du code de procédure pénale ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 11, 13, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel n° 1 de ladite Convention, L. 111-1, L. 112-2, L. 121-1, L. 121-3, L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 441-1 du code pénal, 2, 3, 85, 87, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a infirmé l'ordonnance prononçant la recevabilité de l'action de l'association "Alberto et Annette X..." ;

"aux motifs que l'action civile devant les tribunaux répressifs est, sauf dérogation légale, un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, est strictement renfermé dans les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ; considérant, sur le délit de contrefaçon, que l'association a reconnu dans ses écritures qu'elle n'était titulaire d'aucun droit moral ou patrimonial sur l'oeuvre de l'artiste ; que "l'intérêt légitime et juridiquement protégé" dont elle se prévaut ne peut être assimilé aux droits précités ; que l'atteinte portée à cet intérêt n'est pas en relation directe avec le délit susmentionné ; qu'en conséquence, l'association ne justifie, devant la juridiction d'instruction, d'aucun préjudice possible, personnel et direct, causé par cette infraction ; considérant, sur les délits de faux artistique et de faux, que l'atteinte à la mission statutaire, dont l'association s'estime investie, ne lui cause pas un préjudice possible, direct et personnel, en relation avec les faits allégués d'usurpation du nom de l'artiste ou d'altération frauduleuse de la vérité, en ce qu'elle se confond avec le trouble social que le ministère public a seul qualité pour poursuivre ; considérant, enfin, que l'association n'a pas été autorisée, par dérogation à l'article 2 du code de procédure pénale, à exercer les droits reconnus à la partie civile ; considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance dont appel est infirmée et l'association déclarée irrecevable à se constituer partie civile (arrêt pages 5 et 6) ;

"1 ) alors que, d'une part, pour que la constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et sa relation directe avec les infractions poursuivies ; que l'article 1er des statuts de l'association "Alberto et Annette X...", créée en 1989 par la veuve d'Alberto X..., décédé en 1966, et dont elle a été la présidente jusqu'à sa mort en 1993, stipule qu'elle a pour objet "la protection, la diffusion, la divulgation de l'oeuvre d'Alberto X...", son article 2 énonçant que ses moyens d'action sont : "l'organisation de la protection de l'oeuvre en France et à l'étranger par tous les moyens légaux", notamment "la saisie et la poursuite des faux et faussaires dans tous les pays et en toutes circonstances, les procédures civiles et pénales subséquentes, puis le retrait des contrefaçons" ; que l'association demanderesse est actuellement le seul expert mondialement reconnu de l'oeuvre d'Alberto X... ; que ces circonstances suffisent à caractériser l'existence d'un préjudice possible en relation avec son objet social à raison des contrefaçons et des faux artistiques dénoncés ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les textes cités au moyen ;

"2 ) alors que, d'autre part, l'article 2 des statuts de l'association "Alberto et Annette X..." lui donne également mission d'établir le catalogue raisonné de l'artiste, l'actuelle directrice de l'association, Mme Y..., devant en être, aux termes mêmes du testament d'Annette X..., le coauteur avec l'association ; que l'existence d'oeuvres fausses ou contrefaites d'Alberto X... dont des tiers demanderaient qu'elles soient mentionnées dans le catalogue raisonné compromet nécessairement l'établissement de ce catalogue qui doit inclure les seules oeuvres authentiques d'Alberto X... ; qu'en refusant de reconnaître le préjudice certain directement causé à l'association du fait des délits susvisés, la chambre de l'instruction a derechef violé les articles cités au moyen ;

"3 ) alors que, de troisième part, les poursuites invoquées dans la présente procédure entrant entièrement dans l'objet défini par les statuts de l'association demanderesse, l'association "Alberto et Annette X..." a donc bien un intérêt légitime et juridiquement protégé pour agir sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur la dévolution non définitivement résolue à ce jour du droit moral d'Alberto X... ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a subordonné l'intérêt légitime de l'association à des conditions inopérantes en l'état d'une constitution de partie civile portant indivisiblement sur des faits de contrefaçon et de faux artistique ;

"4 ) alors qu'en tout état de cause, la diffusion d'une oeuvre en violation du droit de divulgation de l'auteur constitue une contrefaçon ; que l'article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle, qui protège le droit de divulgation post-mortem, permet à toute personne qui a un intérêt légitime à agir pour le respect de ce droit au service de l'oeuvre, dont le ministre de la culture ; que l'article 1er des statuts de l'association ayant pour objet la protection, la diffusion et la divulgation de l'oeuvre d'Alberto X..., l'association a nécessairement un intérêt à agir dans le cadre des délits poursuivis, contrairement à ce qu'a affirmé la chambre de l'instruction en violation des articles cités au moyen ;

"5 ) alors qu'enfin, l'association demanderesse étant seule à pouvoir continuer à défendre et à protéger l'oeuvre d'Alberto X... en cas d'annulation par le juge civil du legs à l'origine de la reconnaissance d'utilité publique de la fondation -réserve expressément exprimée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 27 février 2006- l'intérêt à agir de l'association devait derechef être reconnu" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'association Alberto et Annette X... a été créée le 20 décembre 1989, à l'initiative de la veuve de l'artiste, dans le but d'assurer la protection, la diffusion et la divulgation de l'oeuvre d'Alberto X... ; que, selon ses statuts, elle était "destinée, après agrément administratif, à être transformée en Fondation Alberto et Annette Giacometti" ; qu'Annette X... est décédée le 19 septembre 1993 en laissant un testament où elle confiait à son exécuteur testamentaire la mission de "poursuivre la reconnaissance d'utilité publique de l'oeuvre et transmettre à la Fondation Alberto et Annette X..., une fois reconnue, les biens légués" ; que la Fondation Alberto et Annette X... a été reconnue d'utilité publique par un décret du 10 décembre 2003 aux termes duquel le président de son conseil d'administration a été autorisé à accepter, "en vue de constituer la partie inaliénable de la dotation", le legs universel d'Annette X..., portant notamment sur "les droits indivis d'auteur d'Alberto X... s'élevant à 5/8ème de l'indivision avec les consorts Z...", autres héritiers de l'artiste ;

Attendu que l'association Alberto et Annette X... a, le 10 février 2005, porté plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d'infraction à la loi sur les fraudes en matière artistique et contrefaçon par représentation d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, en faisant valoir que son expertise, à la demande de la maison de vente aux enchères Camard et associés, d'un dessin à la mine de plomb sur un papier plié représentant cinq têtes et deux personnages, portant la signature "Alberto X..." et la date "Paris 1961", lui avait permis d'établir qu'il s'agissait d'une contrefaçon, dont la saisie avait été effectuée à sa demande, le 24 janvier 2005, par un commissaire de police ; que la recevabilité de cette constitution de partie civile a été contestée par le ministère public ;

Attendu que, pour déclarer la constitution de partie civile de l'association Alberto et Annette X... irrecevable, l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir rappelé que l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, retient que l'association Alberto et Annette X..., qui n'est titulaire d'aucun droit moral sur l'oeuvre de l'artiste, ne justifie pas d'un préjudice personnel et direct, distinct du préjudice social, que lui auraient causé les infractions ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque les dispositions, étrangères à la cause, de l'article L. 121-3 du code de la propriété intellectuelle, applicable à l'abus notoire dans l'usage ou le non-usage du droit de divulgation, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-82272
Date de la décision : 27/03/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, 08 février 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 2007, pourvoi n°06-82272


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FARGE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.82272
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