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12/06/2007 | FRANCE | N°06-87361

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juin 2007, 06-87361


N° 2930

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par X... Frédéric, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 18 septembre 2006, qui, pour recel, l'a condamné à 800 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mai 2007 où étaient présents : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guér

in conseillers de la chambre, Mmes Ménotti, Lazerges conseillers référendaires ;

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N° 2930

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par X... Frédéric, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 18 septembre 2006, qui, pour recel, l'a condamné à 800 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mai 2007 où étaient présents : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin conseillers de la chambre, Mmes Ménotti, Lazerges conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 du code de procédure pénale, 321-1, 321-3, 321-10 du code pénal, 38 de la loi du 29 juillet 1881, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Frédéric X... coupable de recel de violation de secret professionnel, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs qu'"il était loisible à la partie civile de le poursuivre du chef de recel de violation du secret de l'instruction, infraction prévue et réprimée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 modifié interdisant de publier des actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant toute lecture en audience publique, n'emportant pas l'impossibilité de poursuivre les présents faits qui comportent la détention matérielle des écrits litigieux, sous une qualification de droit commun" (arrêt, p. 4 et 5) ;
"alors que l'infraction à l'interdiction de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique, prévue et réprimée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, ne peut être poursuivi et réparé sur le fondement de l'article 11 du code de procédure pénale ; qu'au cours de l'émission "Argent Public" du 23 octobre 2000 sur France 2, divers extraits d'une procédure d'instruction ouverte au tribunal de grande instance de Nanterre, furent présentés à l'écran lors du reportage, ayant pour auteur Frédéric X..., consacré aux conditions de la privatisation de la société publique de la Compagnie générale maritime et au rachat de celle-ci par la Compagnie maritime d'affrètement ; que Jacques Y..., se plaignant d'une violation du secret de l'instruction le concernant, a déposé plainte avec constitution de partie civile ; qu'au terme de l'instruction, le juge a rendu une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi de Frédéric X... du chef de recel de violation du secret de l'instruction devant le tribunal correctionnel ; que Frédéric X... a été poursuivi sur le fondement de l'article 11 du code de procédure pénale ; qu'en jugeant qu'il était loisible à la partie civile de poursuivre Frédéric X... du chef de recel de violation du secret de l'instruction sous une qualification de droit commun et non sous la qualification prévue et réprimée par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 modifié, la cour a violé les textes précités, de sorte que sa décision ne satisfait aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacques Y... a porté plainte et s'est constitué partie civile pour violation du secret de l'instruction et recel, à la suite de la présentation à l'écran, lors d'un reportage télévisé, de procès-verbaux extraits d'un dossier dans lequel il était mis en examen ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur cette plainte, Frédéric X..., auteur du reportage, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de recel de violation du secret de l'instruction ; qu'il a relevé appel du jugement l'ayant déclaré coupable de ce délit ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu faisant valoir que les faits, constituant l'infraction prévue par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, ne pouvaient être poursuivis que sur ce seul fondement, l'arrêt retient notamment que le texte précité, qui interdit de publier des actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant toute lecture en audience publique, n'emporte pas, pour la partie civile, l'impossibilité de poursuivre l'auteur de la publication pour recel de violation du secret de l'instruction dès lors que, comme en l'espèce, ces faits comportent la détention matérielle des écrits litigieux ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui répondent aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, les juges ont justifié leur décision ;
Que, si une information échappe aux prévisions de l'article 321-1 du code pénal qui réprime le seul recel d'une chose, et ne relève, le cas échéant, que des dispositions légales spécifiques à la liberté de la presse, tel n'est pas le cas du recel de documents provenant d'une violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 du code de procédure pénale, 321-1,321-3,321-4,321-9,321-10 du code pénal, 38 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Frédéric X... coupable de recel de violation de secret professionnel, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que "l'infraction de recel de violation de secret de l'instruction est une infraction (...) qui est constituée dès lors que la personne, détentrice de ces documents, ne pouvait ignorer qu'ils provenaient d'une instruction en cours ; qu'en l'espèce, (...) Frédéric X... avait préparé son reportage à partir de multiples documents, dont ceux qui sont cause des présentes poursuites, sélectionné ceux qu'il souhaitait voir afficher à l'écran et matériellement travaillé à son reportage courant septembre et octobre 2000 jusqu'à sa diffusion le 23 octobre ; que si l'auteur des faits de violation du secret de l'instruction n'a pas pu être identifié pas plus que n'ont pu être déterminés les moyens mis en oeuvre pour obtenir les pièces couvertes par le secret, aucun élément du dossier ne permet d'accréditer l'hypothèse d'une divulgation accidentelle de celles-ci et l'information a établi qu'outre le Conseil de Jacques Y..., deux cabinets d'avocats, tenus au secret professionnel et au secret de l'instruction en vertu de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991, avaient reçu en copie les cotes incriminées et que le journal le Canard Enchaîné avait été en possession de ces cotes avant la préparation du reportage ; qu'ainsi quel qu'ait été le cheminement des pièces litigieuses, celles-ci n'ont pu parvenir au prévenu qu'à l'aide d'une infraction, situation qui ne pouvait être ignorée de Frédéric X..., journaliste expérimenté ; que contrairement à ce que prétend le prévenu, le fait que partie des procès-verbaux litigieux (...) ait été sortie du secret de l'instruction par la publication d'articles parus dans le journal Canard Enchaîné, n'enlève pas à ses propres agissements leur caractère délictueux, l'article 321-1 du code pénal, conçu en termes généraux, atteignant (...) tous ceux qui par un moyen quelconque bénéficient du produit d'un délit ; que si l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaît, en son premier paragraphe, à toute personne le droit à la liberté d'expression, ce texte prévoit, en son second paragraphe, que cette liberté, comportant des devoirs et des responsabilités, peut être soumise à certaines formalités, conditions restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires, notamment à la protection des droits d'autrui au nombre desquels figure la présomption d'innocence ; qu'en l'espèce, d'une part la présentation des procès-verbaux, obtenus et détenus au mépris du respect du secret de l'instruction et donc de la présomption d'innocence, ne s'imposait pas dans la mesure où il n'est pas démontré que ces extraits constituaient un complément indispensable à la compréhension du reportage diffusé ou répondaient à une attente du téléspectateur, d'autre part la protection de la présomption d'innocence doit être assurée, alors qu'au surplus en l'espèce, Jacques Y... a, en définitive, bénéficié d'un non-lieu au terme de l'instruction ; que dès lors, les premiers juges ont, à bon droit, retenu Frédéric X... dans les liens de la prévention ;" (arrêt, p. 5 et 6) ;
"alors, d'une part, que la révélation d'informations qui constituent des faits publics et ont fait l'objet d'une précédente divulgation ne peut constituer un recel de violation du secret professionnel et du secret de l'instruction ; qu'en jugeant que le fait que partie des procès-verbaux litigieux étaient sorties du secret de l'instruction par la publication d'articles parus dans le journal Canard Enchaîné, n'enlève pas aux actes de Frédéric X... leur caractère délictueux, la cour d'appel a violé les textes précités ;
"alors, d'autre part, que la condamnation d'un journaliste qui informe le public d'informations déjà révélées, et qui par là même ont perdu leur caractère secret, ne correspond pas à une ingérence nécessaire dans une société démocratique ; que les procès-verbaux litigieux ont été sortis du secret de l'instruction par la publication d'articles parus dans le journal Canard Enchaîné ; que les informations fournies par le journaliste Frédéric X... dans son reportage du 23 octobre 2000 avaient donc déjà été fournies au public le 30 août 2000 ; que par là même, ces informations avaient perdu leur caractère secret ; qu'aux fins de la Convention européenne des droits de l'homme, l'intérêt de garder secrètes les informations n'existait plus le 23 octobre 2000 ; qu'il s'ensuit que l'ingérence dans la liberté d'expression du journaliste X... n'était ni nécessaire dans une société démocratique, ni proportionnée au but poursuivi pour garantir la protection des droits d'autrui et l'impartialité du pouvoir judiciaire ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les textes précités et en particulier l'article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu qu'en réponse aux conclusions du prévenu arguant de la parution antérieure dans la presse d'articles relatant le contenu de certains des procès-verbaux de l'instruction en cours, l'arrêt retient à bon droit que le fait que partie d'entre eux "ait été sortie du secret de l'instruction n'enlève pas à ses propres agissements leur caractère délictueux", l'article 321-1 du code pénal, conçu en termes généraux, atteignant tous ceux qui, par un moyen quelconque, bénéficient du produit d'un délit ;
Attendu que, par ailleurs, pour écarter le grief pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel, après avoir rappelé que, si le texte susvisé reconnaît en son premier paragraphe à toute personne la liberté d'expression, il prévoit en son second paragraphe, un certain nombre de restrictions qui constituent dans une société démocratique des mesures nécessaires notamment à la protection des droits d'autrui au nombre desquels figure la présomption d'innocence ; que les juges relèvent, qu'en l'espèce, la présentation des procès-verbaux obtenus au mépris du secret de l'information suivie contre Jacques Y... dont la présomption d'innocence devait être assurée, ne s'imposait pas, dans la mesure où il n'est pas démontré que ces extraits constituaient un complément indispensable à la compréhension du reportage diffusé ou répondaient à une attente du téléspectateur ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que le prévenu a été poursuivi pour avoir recélé aux fins de divulgation le contenu demeuré confidentiel de pièces issues d'une information en cours, et dès lors qu'en l'espèce, ladite poursuite était justifiée par la protection des droits d'autrui au nombre desquels figure la présomption d'innocence par la préservation d'informations confidentielles, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze juin deux mille sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-87361
Date de la décision : 12/06/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 § 2 - Liberté d'expression - Presse - Recel de violation de secret de l'instruction ou de secret professionnel - Compatibilité

Ne méconnaît pas les exigences de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable de recel, retient, à bon droit, qu'en l'espèce, la poursuite était justifiée, dès lors que la présentation des procès-verbaux obtenus au mépris du secret de l'information suivie contre une personne dont la présomption d'innocence devait être assurée, ne s'imposait pas, ces extraits ne constituant pas un complément indispensable à la compréhension du reportage diffusé ou répondant à une attente du téléspectateur


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 2007, pourvoi n°06-87361, Bull. crim. criminel 2007, N° 157
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 157

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: M. Beyer
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.87361
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