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11/07/2007 | FRANCE | N°07-83007

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2007, 07-83007


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juillet deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Mohamed,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 23 janvier 2007, qui, dans l'information suivie contre lui pour

infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa requête en annulation ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juillet deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Mohamed,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 23 janvier 2007, qui, dans l'information suivie contre lui pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté sa requête en annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 24 mai 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de renseignements mettant en cause un certain Y..., une information a été ouverte le 28 novembre 2005 pour détention, cession et transport de stupéfiants ; que l'enquête sur commission rogatoire, notamment les interceptions de communications téléphoniques, a révélé, d'une part, que le dénommé Y... s'approvisionnait aux Pays-Bas, d'autre part, l'implication d'un certain Ahmed Z..., en réalité Mohamed X..., comme son possible fournisseur ; que ces renseignements, qui ont été consignés dans des procès-verbaux, en date des 13 janvier et 2 février 2006, ultérieurement versés au dossier, ont été portés à la connaissance du juge d'instruction, qui, par ordonnance de soit- communiqué du 9 février suivant, a transmis le dossier au ministère public, lequel a pris des réquisitions supplétives visant les faits d'importation de produits stupéfiants ; que, le 23 mars 2006, à 12 heures 50, le service des douanes a interpellé Mohamed X... à un péage autoroutier, alors qu'il transportait dans son véhicule treize kilogrammes de cocaïne et deux kilogrammes d'héroïne ;

que celui-ci a été placé, dans un premier temps, en retenue douanière jusqu'à 18 heures, puis en garde à vue dans le cadre de l'enquête de flagrance ouverte sur ces faits ; que des rapprochements ayant permis d'identifier Mohamed X... comme étant l'individu recherché en exécution de la commission rogatoire, le procureur de la République a donné pour instructions, le 24 mars à 14 heures, de lever la garde à vue en cours pour l'infraction flagrante ; que les policiers, chargés de l'exécution de la commission rogatoire, ont alors immédiatement replacé l'intéressé en garde à vue dans le cadre de ce dossier ; que cette garde à vue a été levée le 27 mars 2007, à 12 heures 50, Mohamed X... ayant été présenté au juge d'instruction saisi ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 51, 80, 152, 573, ensemble violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, violation des règles et principes qui gouvernent la saisine, excès de pouvoir, violation des exigences de la défense et violation de l'article 6 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté une requête en nullité du réquisitoire supplétif du 9 février 2006 ;

"aux motifs qu'il résulte de la procédure que, suite à des renseignements obtenus par les gendarmes permettant de considérer qu'un trafic de stupéfiants avait lieu sur la région de Montpellier et pouvait mettre en cause un individu nommé Y..., le procureur de la République de Montpellier a requis le 28 novembre 2005 l'ouverture d'une information pour trafic de stupéfiants (transport, détention, cession) ; que le juge d'instruction régulièrement désigné a délivré le 28 novembre 2005 et le 16 janvier 2006 deux commissions rogatoires dont l'exécution a permis aux enquêteurs de découvrir que le trafic, sur lequel ils enquêtaient, portait sur des drogues venant notamment des Pays-Bas ; que ces éléments d'information ont été portés à la connaissance du juge mandant par les officiers de police judiciaire chargés de l'exécution de la commission rogatoire et le juge d'instruction les a, quant à lui, soumis à l'appréciation du ministère public par ordonnance de soit-communiqué du 9 février 2006 ; que, au pied de l'ordonnance de soit-communiqué, le procureur de la République a requis qu'il soit informé supplétivement sur des faits d'importation de stupéfiants ;

qu'il se déduit nécessairement de la typographie même de l'ordonnance de soit-communiqué et du réquisitoire supplétif au pied de cette ordonnance que le réquisitoire supplétif ne visait que l'importation des stupéfiants objet du trafic dont le juge était saisi et qu'il résulte des pièces de la procédure, qu'au moment où le juge d'instruction a pris son ordonnance de soit- communiqué, les procès-verbaux de renseignements sur l'importation étaient rédigés mais ne figuraient pas au dossier puisque l'exécution de la commission rogatoire n'était point terminée ; que cependant, le procureur de la République tient des articles 40, 41 et 80 du code de procédure pénale le droit de requérir l'ouverture d'une information au vu de tout renseignement, dont il est destinataire, quelle que soit la forme de ce renseignement, et qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction d'annuler un réquisitoire pris au visa d'un renseignement, fût-il téléphonique ou verbal, transmis par un juge, dès lors que le réquisitoire répond aux conditions essentielles de son existence légale, à savoir qu'il est écrit, daté et signé et qu'en l'espèce ces conditions existent, si bien que le moyen tiré de la nullité du réquisitoire supplétif du 9 février 2006 sera rejeté ;

"alors que, d'une part, le juge d'instruction n'instruit que sur les faits expressément indiqués dans l'acte qui le saisit - fût-ce un réquisitoire supplétif - ; que lorsque des faits, non visés au réquisitoire introductif, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République notamment le ou les procès-verbaux qui les constate, le procureur de la République pouvant alors notamment requérir par un réquisitoire supplétif qui est pris au vu notamment du ou des procès-verbaux et pièces qui sont transmis par le juge d'instruction ; qu'un réquisitoire supplétif pris au visa d'un simple renseignement téléphonique ou encore verbal transmis par le juge d'instruction ne remplit pas les conditions requises par la loi, d'où la violation des textes et principe cités au moyen ;

"alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, le juge d'instruction est saisi in rem, il est saisi de faits singuliers susceptibles de recevoir une qualification pénale ; qu'un réquisitoire supplétif qui se borne à faire état de l'importation de produits stupéfiants, faits prévus et réprimés par l'article 222-35 du code pénal, ne comporte aucun fait particulier puisqu'il s'agit d'une simple référence à des dispositions légales ; qu'ainsi le réquisitoire supplétif du 9 février 2006 ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le réquisitoire supplétif du 9 février 2006, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, n'est pas annulable le réquisitoire supplétif qui fait suite à la communication du dossier par ordonnance du juge d'instruction portant à la connaissance du ministère public des faits nouveaux d'importation en provenance des Pays-Bas, découverts lors de l'exécution d'une commission rogatoire dans l'information ouverte pour trafic de stupéfiants, et dont la teneur est relatée dans des procès- verbaux antérieurement établis par les policiers, peu important qu'ils aient été versés dans le dossier de la procédure postérieurement audit réquisitoire supplétif ;

Que, d'autre part, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que ce réquisitoire supplétif, qui vise, après communication du dossier par le juge d'instruction, des faits d'importation révélés par l'enquête conduite sur commission rogatoire dans l'information ouverte pour trafic de stupéfiants et qui comporte la mention du texte incriminant ces faits, répond aux conditions essentielles de son existence légale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 19, 63 et 152 du code de procédure pénale, ensemble méconnaissance des exigences de la défense et violation de l'article 6 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande tendant à voir annuler le placement en garde à vue de Mohamed X..., sa mise en examen et tous les actes d'information subséquents pour des faits non visés dans l'acte de saisine du magistrat instructeur ;

"aux motifs que Mohamed X... a d'abord été placé en retenue douanière le 23 mars 2006 à 12 heures 50 au moment de son interpellation avec plusieurs kilogrammes de cocaïne et d'héroïne ; que l'enquête sur les commissions rogatoires délivrées avait permis de mettre en cause Mohamed X... alias Ahmed Z... comme étant un fournisseur de Y... et que notamment il importait ces stupéfiants ; que par les réquisitoires susvisés des 28 novembre 2005 et 9 février 2006, le juge d'instruction était régulièrement saisi des faits, notamment de l'importation de stupéfiants trouvés dans le véhicule de Mohamed X... lors de son interpellation puisque ces faits entraient dans le cadre de sa saisine in rem ; que, toutefois, lors de l'interpellation, les services de douanes, puis les policiers, ignoraient l'existence de cette information ; que dès lors Mohamed X... a été, après la retenue douanière, placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête flagrante le 23 mars 2006 à 18 heures ;

qu'une prolongation de cette garde à vue a été accordée le 24 mars 2006 à 12 heures 50 mais qu'à 14 heures le même jour cette garde à vue a pris fin sur instruction du ministère public qui avait alors eu connaissance de l'instruction en cours ; que, dans le cadre de l'exécution des commissions rogatoires délivrées, Mohamed X... a été immédiatement replacé en garde à vue le 24 mars 2006 à 14 heures et a d'ailleurs eu, à nouveau, notification de ses droits ; que la garde à vue a été levée le 27 mars 2006 à 12 heures 50, lors de la présentation au juge d'instruction ; qu'il résulte de ces éléments que la durée totale de la garde à vue de Mohamed X... a été de 96 heures et n'a donc pas excédé le délai légal prévu en la matière ; que, par ailleurs, le 26 mars 2006 à 9 heures 15, conformément à sa demande, Mohamed X... a pu s'entretenir avec Me Sylvie A..., avocat ; qu'il est ainsi établi que Mohamed X... n'a subi aucun grief du fait que la garde à vue a été basculée d'une enquête de flagrance sur la procédure sur commission rogatoire, en sorte que le moyen tiré de la nullité de la garde à vue sera rejeté ;

"alors que, d'une part, sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice des poursuites, sont à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat, que c'est au mépris de ces dispositions violées que les enquêteurs, en clôturant une enquête de flagrance, indiquent que suivant nos instructions, la poursuite des investigations et l'audition de Mohamed X... sont étendues à l'exécution de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction ; qu'en l'espèce, en violation des dispositions de l'article 63 précité et de l'article 19 du code de procédure pénale qui précise que les officiers de police judiciaire doivent, dès la clôture de leurs opérations, faire parvenir directement l'original ainsi qu'une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu'ils ont dressés au procureur de la République, rien n'a été communiqué à ce dernier puisque la procédure de flagrance a été jointe dans sa totalité dans le dossier d'information judiciaire sans que le procureur de la République n'ait pris de réquisition ; qu'ainsi ont été de plus fort violés les textes précités ;

"alors que, d'autre part, et en tout état de cause, en l'état des dispositions de l'article 152 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire, commis pour l'exécution d'une commission rogatoire, exercent tous les pouvoirs du juge d'instruction mais dans les limites de la commission rogatoire et donc de la saisine du juge ; qu'il est constant que les faits, objet de l'enquête de flagrance ne rentraient pas dans la sphère de la saisine du magistrat instructeur au regard du réquisitoire introductif, en date du 28 novembre 2005, et même du réquisitoire supplétif du 9 février 2006, le juge d'instruction étant saisi de faits antérieurs aux réquisitoires et n'étant pas compétent à l'égard des faits commis après la date du réquisitoire, les faits ayant été commis après la mise en mouvement de l'action publique restaient nécessairement en dehors de la saisine du juge d'instruction qui ne pouvait informer et donc délivrer de commission rogatoire sans réquisitoire supplétif ; qu'en statuant comme elle l'a fait en affirmant que Mohamed X... n'avait subi aucun grief du fait que la garde à vue a été basculée d'une enquête de flagrance sur la procédure sur commission rogatoire et rejeter la demande de nullité de la garde à vue, la chambre de l'instruction ne justifie pas légalement son arrêt ;

"et alors, enfin, que les investigations réalisées dans le cadre de la commission rogatoire faisaient ressortir que les faits, objet de l'enquête de flagrance, ne pouvaient être rattachés au dossier principal, en sorte que la mise en examen et tous les actes d'informations subséquents pour des faits non visés dans la saisine du magistrat instructeur étaient nuls et d'une nullité absolue, et ce d'autant que Mohamed X... a été présenté au magistrat instructeur à l'issue de sa garde à vue et que la totalité de la procédure, en ce compris la procédure de flagrance, a été jointe au dossier de l'instruction sans même le communiquer au procureur de la République aux fins de réquisitions supplétives ; qu'ainsi, ont été de plus fort méconnus les règles et principes cités au moyen" ;

Attendu que, pour refuser d'annuler le placement en garde à vue, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un placement en garde à vue, décidé par un officier de police judiciaire en charge d'une commission rogatoire, succède immédiatement à une précédente mesure prise dans le cadre d'une enquête de flagrance et régulièrement levée sur instructions verbales du procureur de la République, dès lors que la durée totale de la mesure ne dépasse celle fixée par la loi ;

Que, d'autre part, le juge d'instruction ayant été régulièrement saisi d'infractions de détention, cession, transport et importation de produits stupéfiants déjà commises et en cours de commission, aucune irrégularité ne saurait résulter du placement en garde à vue, en exécution d'une commission rogatoire, d'une personne interpellée en flagrant délit d'importation de produits stupéfiants, s'agissant de faits commis en continuité et indivisibles du trafic objet de l'information ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-83007
Date de la décision : 11/07/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, 23 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2007, pourvoi n°07-83007


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:07.83007
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