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13/07/2010 | FRANCE | N°09-67983

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juillet 2010, 09-67983


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 2 juillet 2009), que, le 8 mars 2005, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Cambrai a autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans des locaux sis à Thun-Lévêque, Cambrai, Fontaine Notre-Dame et Neuvillle-Saint-Rémy, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Calitex, au titre de l'impôt sur

les sociétés et de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) ; qu'usant de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 2 juillet 2009), que, le 8 mars 2005, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Cambrai a autorisé des agents de l'administration des impôts à effectuer une visite et une saisie de documents dans des locaux sis à Thun-Lévêque, Cambrai, Fontaine Notre-Dame et Neuvillle-Saint-Rémy, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Calitex, au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) ; qu'usant de la faculté offerte par l'article 164 IV de la loi 2008-776 du 4 août 2008, la société Calitex a relevé appel de cette décision ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Calitex fait grief à l'ordonnance d'avoir confirmé l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention alors, selon le moyen, que la loi du 4 août 2008 qui régularise a posteriori des procédures juridictionnelles irrégulières, en instaurant la voie de l'appel à l'encontre d'une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires, précédemment objet d'un pourvoi en cassation définitivement jugé à la date de son entrée en vigueur sans que le justiciable ait pu bénéficier d'un recours de pleine juridiction, constitue une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dès lors que ce même justiciable se trouve par voie de conséquence privé de la possibilité d'invoquer, en tant que de besoin, l'irrégularité consécutive de la procédure de redressement fiscal fondée sur les pièces saisies en exécution d'une ordonnance devenue définitive, aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifiant cette validation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance confirmative attaquée que l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 8 mars 2005 a été frappée d'un pourvoi en cassation qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation le 31 janvier 2007 ; que, par ailleurs, la société Calitex faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives d'appel qu'elle avait invoqué devant la Cour de cassation le moyen selon lequel l'article L. 16 B n'était pas conforme aux exigences des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, aucun recours de pleine juridiction, en particulier, un appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'étant alors prévu, critique ultérieurement jugée pertinente par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision «Ravon» du 21 février 2008 ; que, dans ces conditions, en refusant de considérer que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 n'avait pu régulièrement introduire la voie de l'appel à l'encontre des ordonnances d'autorisation précédemment objet d'un pourvoi en cassation définitivement jugé au moment de son entrée en vigueur et en refusant de censurer l'ordonnance du 8 mars 2005 qui a été prise sur le fondement d'un texte resté contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'ordonnance attaquée viole elle-même ce dernier texte ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, qui introduisent la possibilité d'un appel devant le premier président de la cour d'appel en matière de droit de visite des agents de l'administration des impôts, permettent d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite ; qu'ainsi elles ne constituent pas une immixtion du législateur dans un litige en cours et ne contreviennent pas à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que la société Calitex fait le même grief à l'ordonnance alors, selon le moyen, que l'exigence d'un recours effectif défini par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales diffère de l'exigence de garanties contre les abus à l'atteinte portée aux libertés individuelles et à l'inviolabilité du domicile au sens de l'article 8 de cette même Convention ; que le droit d'accès à un tribunal inclut l'assistance du justiciable par un avocat ; que, dans sa rédaction en vigueur en 2005, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que les opérations de visites et saisies s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a ordonnées, lequel peut les suspendre ou les arrêter, mais n'offre pas un accès effectif à ce juge pendant le déroulement de ces opérations puisqu'il ne précise pas les modalités de saisine du juge pendant lesdites opérations et qu'à tout le moins, il ne permet pas aux justiciables de s'y faire assister d'un conseil, lequel serait en mesure de saisir le juge en tant que de besoin ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance du 8 mars 2005 ne mentionnait pas elle-même la possibilité pour la société Calitex de saisir le juge des libertés et de la détention pendant le déroulement des opérations de visites et saisies ni les modalités de cette saisine ou encore la possibilité pour eux de se faire assister d'un conseil ; que, dans ces conditions, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales alors en vigueur n'étant pas conforme aux exigences des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'ordonnance du 8 mars 2005 ne comportant pas elle-même les mentions susvisées, l'ordonnance attaquée se trouve privée de base légale au regard des exigences de ces derniers textes ;

Mais attendu que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 introduit dans l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales la possibilité d'un recours devant le premier président de la cour d'appel contre le déroulement des opérations de visite et de saisies ; que, lorsque le procès-verbal ou l'inventaire prévus par l'article L. 16 B a été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, le recours peut être formé dans les mêmes cas et délais et selon les mêmes modalités que l'appel contre l'ordonnance ayant autorisé ces opérations ; que, dès lors, le premier président ne peut être saisi de la contestation des conditions dans lesquelles celles-ci ont été effectuées que dans le cadre du recours spécifiquement prévu par ladite loi ; que la société Calitex, qui a déclaré relever appel de l'ordonnance du 8 mars 2005 et non former un recours contre le déroulement desdites opérations, n'est pas recevable à le critiquer ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Attendu que la société Calitex fait encore le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que si le juge peut se fonder sur une déclaration anonyme, pour autoriser une visite et saisie domiciliaire, c'est à la condition qu'une telle déclaration soit corroborée par d'autres éléments d'information fournis par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, décrits et analysés par lui ; qu'en l'espèce, il résulte de l'attestation des agents des impôts du 19 novembre 2004, produite par l'administration à l'appui de sa requête au juge des libertés et de la détention que, selon une déclaration anonyme, la société Calitex verserait d'importantes commissions pour dissimuler les achats non comptabilisés à un intermédiaire de nationalité turque M. Gery X... sur un compte ouvert en Suisse et que ces achats seraient utilisés pour alimenter le circuit des ventes non comptabilisées et le train de vie en espèces de M. Y... ; qu'en estimant que la dissimulation d'achats dénoncée par cette déclaration anonyme était corroborée par le fait que dans le cadre d'une vérification de comptabilité au titre de la période de juin 1999 à mai 2003 l'inspecteur des impôts avait constaté le versement par la SARK Vent du Nord dont M. Y... est associé à 50 %, d'honoraires à M. X... par virement sur un compte bancaire en Suisse, sans préciser les pièces produites par l'administration fiscale justifiant ce point et sans indiquer en quoi le versement d'honoraires par la SARL Vent du Nord à M. X... était de nature à justifier des présomptions d'achats non comptabilisés à l'encontre de la société Calitex, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard des exigences de l'article L.. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il n'est pas interdit au juge de faire état d'une déclaration anonyme, dès lors que cette déclaration lui est soumise au moyen d'un document établi par les agents de l'administration et signé par eux, permettant ainsi d'en apprécier la teneur, et qu'elle est corroborée par d'autres éléments d'information décrits et analysés par lui ; qu'en l'espèce, l'ordonnance se fonde, par motifs propres et adoptés, outre sur l'attestation d'un inspecteur et d'un contrôleur des impôts relatant des faits rapportés par une personne désirant conserver l'anonymat, sur les pièces n° 3-1, 3-2 et 3-3 de l'administration dont il résulte qu'à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société Calitex, pour la période du 1er juin 1999 au 31 mai 2003, l'inspecteur des impôts a constaté que celle-ci avait versé des honoraires à M. X... en l'absence de contrat écrit, au titre d'une activité déployée en Turquie, que l'exercice d'un droit de communication auprès des douanes a fait apparaître des discordances sur le montant des importations en provenance de ce pays ainsi qu'en matière d'acquisitions et de livraisons intracommunautaires ; qu'appréciant souverainement ces éléments, le premier présidant retient qu'ils corroborent les informations anonymes selon lesquelles des achats et ventes n'étaient pas comptabilisés et en déduit l'existence d'une présomption de fraude ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, abstraction faite du motif surabondant que critique le moyen, le premier président a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Calitex aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Calitex

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies domiciliaires prise le 8 mars 2005 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Cambrai,

Aux motifs qu'une loi de validation est définie comme toute intervention du législateur qui, par un texte modifiant rétroactivement l'état de droit, met un acte juridique à l'abri d'un risque de nullité ou de péremption ; que cette question est en toute hypothèse sans objet dans le cadre de la présente procédure, la modification instaurée par la loi du 4 août 2008 qui ouvre une nouvelle voie de recours, ne pouvant être cause de nullité de l'ordonnance du 8 mars 2005 dont la société Calitex a relevé appel ; que la présente juridiction n'est pas saisie d'un recours contre les opérations de visites et saisies domiciliaires du 11 mars 2005 ; que l'article L.16 B ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation ; que la circonstance que la décision soit rendue le même jour que celui de la présentation de la requête ne saurait laisser présumer que le juge n'aurait pas exercé son contrôle avec le sérieux requis ; qu'il est d'ailleurs parfaitement possible pour le juge de lire la requête de l'administration fiscale comportant cinq pages, d'examiner les seize pièces qui y étaient jointes, de les analyser et de rendre son ordonnance le même jour après avoir vérifié concrètement l'existence de présomptions d'agissements frauduleux justifiant la recherche de preuve sollicitée ; que faisant référence à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme l'appelante fait grief à l'ordonnance déférée de n'avoir pas précisé que les personnes occupant les locaux objet de la visite peuvent en cas de difficulté saisir le juge ayant autorisé les opérations ; que cependant si la cour européenne a jugé, dans son arrêt du 21 février 2008, que les personnes concernées par la visite devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif sur la régularité de la décision prescrivant la visite et sur la régularité des mesures prises sur son fondement et qu'à cet égard la possibilité de se pourvoir devant la cour de cassation, juge du droit, était insuffisante, aucune autre exigence ne ressort de cet arrêt ; que cette même cour a ultérieurement constaté dans l'arrêt «Maschino» du 16 octobre 2008 que l'ensemble de la procédure de visite et de saisie, conduit par application des dispositions spécifiques de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, était placé sous l'autorité et le contrôle du juge qui désigne spécialement un officier de police judiciaire pour assister à ces opérations et lui rendre compte, et qui peut aussi, à tout moment se rendre lui-même dans les locaux et ordonner la suspension ou l'arrêt de la visite, présentait des garanties pertinentes et suffisantes au regard de la convention européenne ; que sur ce plan l'ordonnance satisfait aux exigences de la convention européenne ; que la nécessité de mentionner dans l'ordonnance la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix (l'exercice de cette faculté n'entraînant pas la suspension des opérations de visite et de saisie) a été ajoutée à l'article L.16 B par la loi du 4 août 2008 ; que, dans sa rédaction antérieure, l'article L.16 B ne comportait pas cette obligation et l'ordonnance est donc conforme à la loi en vigueur à la date à laquelle elle a été rendue ; que l'appelante invoque une violation de l'article 6 de la convention européenne ; que cet article dispose que « tout accusé a droit notamment…à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix » ; que la personne chez laquelle est autorisée une visite domiciliaire n'est pas un accusé au sens de l'article 6 de la convention européenne ; que l'absence de mention dans l'ordonnance rendue, avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, de la faculté de faire appel à un conseil n'est pas une cause de nullité de l'ordonnance ; qu'à partir des pièces qu'il a énumérées, analysées et visées dans son ordonnance le premier juge a relevé que M. Christophe Z..., inspecteur des impôts et M. Jean-Michel A..., contrôleur des impôts, ont recueilli le 28 juin 2004 des informations communiquées par une personne désirant conserver l'anonymat, dont ils ont consigné les termes dans une attestation par eux rédigée et signée le 19 novembre 2004, relativement aux agissements de la SA CALITEX ; que selon ces informations cette société dont le siège est 70 rue de Douai à Cambrai, spécialisée dans le négoce de linge de table, de lit et d'ameublement et dirigée par M. Y..., pratiquerait des ventes sans factures, tant à destination de la SARL Vent du Nord à Aubervilliers que d'entreprises belges ; que les ventes de linge de lit, de table et d'ameublement ne seraient pas comptabilisées en produits dans leur intégralité et seraient annulées par des avoirs ou ne feraient l'objet d'aucune comptabilisation ; que selon ces informations le montant des marchandises vendues mais non comptabilisées pourrait atteindre 300.000 € par exercice, qu'une partie des ventes de la société CALITEX à destination de clients belges, payées en espèces, ne ferait l'objet de comptabilisation et la société Calitex verserait d'importantes commissions pour dissimuler les achats non comptabilisés, à un intermédiaire de nationalité turque, Jerry X..., sur un compte ouvert en Suisse, que ces achats seraient utilisés pour alimenter le circuit des ventes non comptabilisées et le train de vie en espèces du PDG, M. Y... ; que le premier juge a également relevé que la SA Calitex fait actuellement l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juin 1999 au 31 mai 2003 et qu'à l'occasion de ces opérations de contrôle il a été constaté que la SARL Vent du Nord qui figure parmi les clients de la société Calitex a versé des honoraires à M. X... pour une activité déployée en Turquie, qui se sont élevés à 227.875 € pour l'exercice 2001-2002 et à 337.800 € au titre de l'exercice 2002-2003 alors que M. B..., inspecteur des impôts, a constaté qu'il n'existait aucun contrat écrit entre les parties et que le paiement des honoraires effectué pour partie par virement sur un compte bancaire en Suisse au nom de M. X... augmente sensiblement alors même que les flux financiers à destination d'entités turques liées à ces prestations diminuent, étant précisé que les factures ne comportent pas de détail des services rendus ou de pourcentage selon le flux d'activité réalisé ; que le premier juge relève aussi que M.Campedelli a constaté que la société Calitex a comptabilisé sur les exercices 2001-2002 et 2002-2003 respectivement 2.330.091 € et 2.280.285 € d'achats en provenance de Turquie alors qu'il découle d'un droit de communication effectué auprès des douanes que les importations en provenance de Turquie se sont respectivement élevées à 2.470.542 € et 2.291.511 € et qu'ainsi apparaissent des discordances, le rapprochement entre les déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires et les informations issues de la Direction Générale des Douanes et droits indirects, en matière d'acquisitions intracommunautaires réalisées par Calitex au titre des années 2002, 2003 et des neufs premiers mois de 2004 fait ressortir des discordances pour des montants respectifs de -181.095 €, + 607.383 € et +.87.767 € ; qu'au titre de ces mêmes périodes un rapprochement identique en matière de livraisons intracommunautaires laisse apparaître des discordances pour -109.483 €, 82.282 € et -79.457 € ; que des discordances en matière d'acquisitions intracommunautaires avaient déjà été relevées lors d'une précédente procédure de vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la société Calitex, portant sur les exercices du 1er juin 1993 au 31 mai 1997; que le juge peut faire état d'une déclaration anonyme faite oralement aux agents de l'administration fiscale, dès lors que, comme en l'espèce, celle-ci lui est soumise au moyen d'un document établi et signé par les agents de l'administration permettant d'en apprécier la teneur et qu'elle est corroborée par d'autres éléments d'information que l'ordonnance décrit et analyse ; que, dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité au titre de la période de juin 1999 à mai 2003 l'inspecteur des impôts a constaté le versement par la SARL Vent du Nord dont M. Y... était associé à 50 %, d'honoraires à M. C... par virement sur un compte bancaire en Suisse et que ces honoraires augmentaient alors que les flux financiers à destination de la Turquie diminuent, ce qui corrobore la déclaration anonyme sur la dissimulation d'achats ; que l'exercice du droit de communication auprès de la direction générale des douanes a fait apparaître des discordances en matière d'acquisitions et de livraisons intracommunautaires, ce qui corrobore les informations anonymes selon lesquelles des achats et ventes n'étaient pas comptabilisés ; que les critiques apportées par la société Calitex sur ces éléments extérieurs et positifs produits par l'administration fiscale, fondés sur des contrôles et vérifications concrètes corroborant la teneur de la déclaration anonyme, ne sont pas de nature, à ce stade de la procédure où il est seulement exigé une présomption de véracité des accusations portées par l'administration à faire écarter cette déclaration ; qu'il ressort des motifs qui précèdent que le premier juge a mis en évidence, à partir des pièces produites par l'administration fiscale, des éléments concrets permettant de présumer que la société Calitex ne comptabiliserait pas l'intégralité de ses ventes et achats et ne procèderait pas à la passation régulière de ses écritures comptables et qu'ainsi elle se serait soustraite à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, ce qui justifie la recherche de preuve sollicitée ; que les moyens soulevés par l'appelante qui soutient que les commissions versées à M. C... ne dissimuleraient pas des achats non comptabilisés mais relèvent seulement de la qualification d'acte anormal de gestion et qui fait valoir que les écarts entre les sommes en possession des douanes et les achats figurant en comptabilité s'expliquent par la prise en compte par l'administration des douanes de frais de transport et de frais connexes, sont inopérants puisque le juge de l'autorisation qui n'est pas le juge de l'imposition doit seulement apprécier l'existence de présomptions d'agissements frauduleux ; qu'en se référant à l'article 8 de la convention européenne sur le droit au respect de la vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, l'appelante soutient que le premier juge ne pouvait autoriser la visite domiciliaire sans vérifier si elle était strictement nécessaire et si l'administration fiscale ne disposait pas d'autre moyen pour obtenir les preuves recherchées ; que la possibilité pour l'administration fiscale de requérir une visite domiciliaire dans un lieu privé est expressément prévue par la loi et n'est pas subordonnée au recours préalable à d'autres procédures ; que la mesure autorisée poursuit la protection du bien-être économique du pays et la prévention des infractions, qui constituent des « buts légitimes » au sens de l'article 8 §2 de la convention européenne ; que la visite des locaux était nécessaire et l'administration fiscale ne disposait pas d'autre moyen de saisir les documents susceptibles de s'y trouver ; qu'une simple demande d'information telle que suggérée par la société Calitex dans ses conclusions ne pouvait permettre de répondre à l'objectif visé ;

Alors, en premier lieu, que la loi du 4 août 2008 qui régularise a posteriori des procédures juridictionnelles irrégulières, en instaurant la voie de l'appel à l'encontre d'une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires, précédemment objet d'un pourvoi en cassation définitivement jugé à la date de son entrée en vigueur sans que le justiciable ait pu bénéficier d'un recours de pleine juridiction, constitue une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dès lors que ce même justiciable se trouve par voie de conséquence privé de la possibilité d'invoquer, en tant que de besoin, l'irrégularité consécutive de la procédure de redressement fiscal fondée sur les pièces saisies en exécution d'une ordonnance devenue définitive, aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifiant cette validation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance confirmative attaquée que l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 8 mars 2005 a été frappée d'un pourvoi en cassation qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation le 31 janvier 2007 ; que, par ailleurs, la société Calitex faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives d'appel qu'elle avait invoqué devant la Cour de cassation le moyen selon lequel l'article L.16 B n'était pas conforme aux exigences des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, aucun recours de pleine juridiction, en particulier, un appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'étant alors prévu, critique ultérieurement jugée pertinente par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision « Ravon » du 21 février 2008 ; que, dans ces conditions, en refusant de considérer que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 n'avait pu régulièrement introduire la voie de l'appel à l'encontre des ordonnances d'autorisation précédemment objet d'un pourvoi en cassation définitivement jugé au moment de son entrée en vigueur et en refusant de censurer l'ordonnance du 8 mars 2005 qui a été prise sur le fondement d'un texte resté contraire à l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'ordonnance attaquée viole elle-même ce dernier texte ;

Alors, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute décision juridictionnelle doit être rendue dans un délai raisonnable, c'est-à-dire ni trop bref ni trop long, en fonction de la nature et de la complexité de l'affaire dont le juge est saisi ; qu'une ordonnance autorisant des visites et saisies domiciliaires doit être prise à l'issue d'un délai minimum d'instruction garantissant un examen suffisant de la requête de l'administration fiscale, compte tenu de l'atteinte portée par une telle mesure aux libertés individuelles et à l'inviolabilité du domicile ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance du 8 mars 2005 a été rendue le jour même du dépôt de la requête de l'administration fiscale, qu'elle ne comporte ni l'heure du dépôt de la requête ni l'heure à laquelle elle a été rendue par le juge des libertés et de la détention et que le dossier transmis à la première présidence de la Cour d'appel ne comporte pas lui-même ces informations ; qu'en estimant néanmoins régulière l'ordonnance du 8 mars 2005, l'ordonnance attaquée a violé l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, troisième lieu, que l'exigence d'un recours effectif défini par l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales diffère de l'exigence de garanties contre les abus à l'atteinte portée aux libertés individuelles et à l'inviolabilité du domicile au sens de l'article 8 de cette même Convention ; que le droit d'accès à un tribunal inclut l'assistance du justiciable par un avocat ; que, dans sa rédaction en vigueur en 2005, l'article L.16 B du livre des procédures fiscales prévoit que les opérations de visites et saisies s'effectuent sous le contrôle du juge qui les a ordonnées, lequel peut les suspendre ou les arrêter, mais n'offre pas un accès effectif à ce juge pendant le déroulement de ces opérations puisqu'il ne précise pas les modalités de saisine du juge pendant lesdites opérations et qu'à tout le moins, il ne permet pas aux justiciables de s'y faire assister d'un conseil, lequel serait en mesure de saisir le juge en tant que de besoin ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance du 8 mars 2005 ne mentionnait pas elle-même la possibilité pour la société Calitex de saisir le juge des libertés et de la détention pendant le déroulement des opérations de visites et saisies ni les modalités de cette saisine ou encore la possibilité pour eux de se faire assister d'un conseil ; que, dans ces conditions, l'article L.16 B du livre des procédures fiscales alors en vigueur n'étant pas conforme aux exigences des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'ordonnance du 8 mars 2005 ne comportant pas elle-même les mentions susvisées, l'ordonnance attaquée se trouve privée de base légale au regard des exigences de ces derniers textes ;

Alors, en quatrième lieu, que si le juge peut se fonder sur une déclaration anonyme, pour autoriser une visite et saisie domiciliaire, c'est à la condition qu'une telle déclaration soit corroborée par d'autres éléments d'information fournis par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, décrits et analysés par lui ; qu'en l'espèce, il résulte de l'attestation des agents des impôts du 19 novembre 2004, produite par l'administration à l'appui de sa requête au juge des libertés et de la détention que, selon une déclaration anonyme, la société CALITEX verserait d'importantes commissions pour dissimuler les achats non comptabilisés à un intermédiaire de nationalité turque M. GERY X... sur un compte ouvert en Suisse et que ces achats seraient utilisés pour alimenter le circuit des ventes non comptabilisées et le train de vie en espèces de M. Y... ; qu'en estimant que la dissimulation d'achats dénoncée par cette déclaration anonyme était corroborée par le fait que dans le cadre d'une vérification de comptabilité au titre de la période de juin 1999 à mai 2003 l'inspecteur des impôts avait constaté le versement par la SARL Vent du Nord dont M. Y... est associé à 50 %, d'honoraires à M. X... par virement sur un compte bancaire en Suisse, sans préciser les pièces produites par l'administration fiscale justifiant ce point et sans indiquer en quoi le versement d'honoraires par la SARL Vent du Nord à M. X... était de nature à justifier des présomptions d'achats non comptabilisés à l'encontre de la société Calitex, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Alors, en cinquième lieu, que, la mise en oeuvre de la procédure de visites et saisies domiciliaires prévue par l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, suppose l'existence de présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les bénéfices ou de la TVA en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ; que l'autorisation de visites et saisies domiciliaires doit donc être fondée sur la constatation par le juge à la fois de présomptions d'éléments matériels d'une fraude fiscale mais aussi d'une intention de frauder ; que, par ailleurs, dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société CALITEX faisait valoir que les discordances relevées par le juge des libertés et de la détention entre ses déclarations de chiffres d'affaires et les informations communiquées par l'administration des douanes en ce qui concerne les importations de Turquie ou les acquisitions intracommunautaires qu'elle avait réalisées en 2001-2002 et 2002-2003 s'expliquaient par les erreurs de calcul de l'administration mais aussi par la valeur des importations et acquisitions intracommunautaires retenue par les Douanes, laquelle est une valeur statistique, que les écarts constatés de + 607.383 € pour 2003 et de + 87.767 € pour 2004 au titre des acquisitions intracommunautaires et de + 82.282 € au titre des livraisons intracommunautaires attestaient au contraire de montants déclarés au titre de la taxe sur le chiffre d'affaires, supérieurs aux montants avancés par la direction des douanes et non une dissimulation de chiffre d'affaires, enfin, que les redressements qui lui avaient été notifiés au titre des années antérieures, ne résultaient nullement d'achats ou de ventes sans facture ou non comptabilisés, ce qu'elle justifiait par la production des notifications de redressements des 19 décembre 1997 et 27 mars 1998 ; qu'en estimant néanmoins qu'étaient établies des présomptions d'achats et de ventes sans facture et non comptabilisés à l'encontre de la société CALITEX, sans rechercher, comme il y était invité par cette dernière, si les discordances relevées étaient constitutives d'irrégularités comptables délibérées, destinées à éluder l'impôt sur les sociétés ou la taxe sur la valeur ajoutée, le premier président de la Cour d'appel de DOUAI a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales ;

Alors, enfin, que les visites et saisies domiciliaires qui constituent une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile, qui est garanti par l'article 8 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme, doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but recherché, en l'occurrence, la prévention des infractions pénales et, plus particulièrement, d'une fraude fiscale, ce qui suppose que d'autres mesures permettant d'atteindre le même but et moins attentatoires aux libertés ne puissent pas être utilisées par l'administration ; qu'en estimant que la possibilité pour l'administration fiscale de requérir une visite domiciliaire dans un lieu privé n'était pas subordonnée au recours préalable à d'autres procédures et en se bornant à affirmer que la mesure autorisée poursuivait la protection du bien-être économique du pays et la prévention des infractions sans rechercher si, compte tenu de l'atteinte portée à l'inviolabilité du domicile et aux libertés individuelles par les visites et saisies domiciliaires litigieuses, la vérification de la fraude présumée ne pouvait pas être réalisée par un simple contrôle fiscal diligenté au siège présumé de la société Calitex, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard des exigences de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-67983
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 02 juillet 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2010, pourvoi n°09-67983


Composition du Tribunal
Président : Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.67983
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