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06/10/2010 | FRANCE | N°10-80156

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2010, 10-80156


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'administration des douanes, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 18 septembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre M. Abdelhak X..., du chef de transfert de capitaux sans déclaration, l'a déboutée de sa demande en confiscation des sommes saisies ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense :

Atten

du que le pourvoi, formé pour l'administration des douanes par un agent poursuivant de catégori...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'administration des douanes, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 18 septembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre M. Abdelhak X..., du chef de transfert de capitaux sans déclaration, l'a déboutée de sa demande en confiscation des sommes saisies ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense :

Attendu que le pourvoi, formé pour l'administration des douanes par un agent poursuivant de catégorie A, qui n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial, est recevable ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 392, 415 et 465 du code des douanes, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant rejeté la demande de confiscation des sommes transférées sans déclaration et ordonné leur restitution à Abdelhak X... ;

"aux motifs que l'administration des douanes estime que les dispositions répressives de l'article 465 du code des douanes n'imposent pas d'établir un lien entre le transfèrement des fonds et la participation des personnes à un trafic de stupéfiants ; que la décision de confisquer les sommes d'argent en infraction appartient aux magistrats si ceux ci estiment que l'auteur de l'infraction est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il participe ou a participé à la commission de telles infractions et qu'il y a des raisons plausibles de penser que l'auteur de l'infraction a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ; que la relaxe d'Abdelhak X... des délits de recel n'a pas pour conséquence de rendre impossible la confiscation des sommes en infraction, au titre des dispositions de l'article 465 du code des douanes ; que la cour constate qu'Abdelhak X... a été poursuivi pour des faits de blanchiment puis cité à comparaître pour recel de vol et recel de sommes provenant d'un délit de trafic de stupéfiants ; qu'il a bénéficié respectivement d'un non lieu et d'une relaxe aujourd'hui définitifs ; que toute personne physique transférant vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes supérieures à 7 600 euros à la date des faits devait satisfaire à une obligation déclarative ; que le manquement à cette obligation n'est pas contesté par Abdelhak X... qui a été condamné de ce chef ; que la confiscation des sommes est par conséquent possible puisqu'il est établi que l'auteur de l'infraction est ou a été en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes, ou qu'il participe ou a participé à telles infractions ; que cependant, l'instruction a démontré que le concluant avait une réelle activité d'import-export de matériels agricoles et de travaux publics entre la Hollande et le Maroc ; que l'axe de circulation nord-sud est une des caractéristiques de l'activité commerciale d'Abdelhak X... ; que l'origine frauduleuse des fonds transportés n'a pas été retenue par le jugement définitif ; que par conséquent il n'apparaît pas opportun de prononcer la confiscation sollicitée par l'administration des douanes ; que dès lors le jugement déféré sera confirmé ;

"1°/ alors que la confiscation des sommes transférées en infraction à l'obligation déclarative peut être prononcée soit si son auteur est trouvé en possession d'objet laissant présumer la commission d'une infraction douanière soit s'il y a des raisons plausibles de penser qu'il a commis ou participé à la commission d'une ou plusieurs infractions douanières ; qu'en refusant de prononcer la mesure de confiscation des sommes saisies au motif erroné que l'origine frauduleuse des fonds transportés n'avait pas été retenue par le jugement définitif alors que si le recel ne pouvait être établi en l'absence d'un tel lien, la confiscation des sommes transférées en infraction à l'obligation de déclaration n'est pas subordonnée à la preuve de l'origine frauduleuse des fonds transférés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°/ alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis ; que dans ses conclusions d'appel, l'administration des douanes reprenait en substance les motifs du jugement définitif sur l'action publique d'où il résultait que les investigations menées sur commission rogatoire par les autorités françaises et hollandaises mettaient en évidence le fait que le prévenu s'était trouvé impliqué à diverses reprises dans des procédures concernant des trafics de stupéfiants aux Pays-Bas, que du matériel pouvant servir à conditionner et à comprimer de la résine de cannabis et de la cocaïne se trouvait dans un vide sanitaire situé sous son logement à Rotterdam, accessible par une trappe ouverte dans le sol de ce logement, que les chiens spécialisés avaient marqué à divers emplacements à son domicile et dans son véhicule ; que le tribunal avait encore relevé que la possession des sommes très importantes trouvées dans son véhicule lors du contrôle douanier, et de celles dont il s'est reconnu détenteur précédemment (jusqu'à 400 000 euros) n'est pas justifiée par les documents commerciaux saisis dans le véhicule, à son domicile, ou auprès du représentant de la société HTB International (pour partie falsifiés), ni par les informations recueillies auprès des douanes hollandaises et que s'il apparaît plausible qu'Abdelhak X... soit intervenu en qualité d'intermédiaire dans des transactions portant sur des matériels agricoles (à hauteur de 62 550 euros), il n'est aucunement démontré que les sommes saisies dans l'Audi étaient en rapport avec ce commerce, ni que cette activité a pu générer des mouvements de fonds aussi importants ; que le premier juge avait ajouté qu'il doit d'ailleurs être observé que les déclarations d'Abdelhak X... ont considérablement varié, et qu'il n'a pu fournir d'explication cohérente au fait que les espèces provenant de clients marocains et destinées à l'acquisition de matériels en Hollande se trouvaient en sa possession alors qu'il venait de Hollande et se dirigeait vers le Maroc et que l'intéressé s'est manifestement trouvé, notamment en 1990-1991, puis entre 2001 et 2005, en rapport avec une activité de commerce de stupéfiants ; qu'en déduisant le caractère inopportun de la confiscation des sommes saisies, les motifs inopérants du jugement ayant exclu la preuve d'un lien direct entre le trafic de stupéfiants et les fonds transportés, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les éléments relevés par l'administration des douanes et le jugement ne constituaient pas des raisons plausibles de penser qu'Abdelhak X... avait participé à un trafic de stupéfiants et avait ainsi commis ou participé à la commission d'une ou plusieurs infractions douanières justifiant la confiscation des sommes saisies, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

"3°/ alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis ; que l'administration des douanes faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'Abdelhak X... avait été définitivement condamné pour le délit douanier réputé importation en contrebande de marchandises pour n'avoir pu présenter de justificatif d'origine des bijoux transportés ; qu'en refusant de prononcer la confiscation des sommes saisies au motif que l'origine frauduleuse des fonds n'avait pas été retenue par le jugement définitif sans rechercher, comme cela lui était demandé, si la condamnation d'Abdelhak X... pour un délit douanier ne justifiait pas le prononcé de la confiscation des sommes transférées sans déclaration, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 5 mars 2004, des agents des douanes ont procédé au contrôle puis à la fouille d'un véhicule automobile conduit par M. X..., ressortissant marocain circulant entre les Pays-Bas et le Maroc, et y ont saisi, dans une cache spécialement aménagée, les sommes de 201 420 euros et 1 000 dollars ainsi que des montres et bijoux ; que M. Abdelhak X... a été condamné à des amendes douanières pour détention et transport de marchandises fortement taxées sans justification d'origine et pour transfert de capitaux sans déclaration ;

Attendu que, pour refuser de faire droit à la demande de l'administration poursuivante tendant à la confiscation des sommes illicitement transférées, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, après avoir condamné le prévenu pour l'infraction d'importation réputée en contrebande de marchandises fortement taxées, réprimée par les articles 419 et 414 du code des douanes, et sans répondre, comme elle y était tenue, aux conclusions de l'administration des douanes, qui, exerçant l'action fiscale, faisait valoir que les constatations des juges constituent des raisons plausibles de penser que M. Abdelhak X... avait participé à un trafic de stupéfiants et ainsi commis ou participé à la commission d'autres infractions douanières, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 septembre 2009, mais en ses seules dispositions ayant écarté la demande de l'administration des douanes tendant à la confiscation des sommes de 201 420 euros et de 1 000 dollars, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-80156
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2010, pourvoi n°10-80156


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.80156
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