La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2012 | FRANCE | N°11-24730

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 novembre 2012, 11-24730


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2011), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, économique et financière, 19 décembre 2006, pourvois n° 03-21.155 et 03-21.042), que Mme Marie-José X..., épouse Y..., M. Robert Y..., Mmes Elodie et Valérie Y... et M. X... (les consorts Y...) ainsi que la société Sodix, actionnaires de la société Sodimer, exploitant un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc, ont, le 3 mars 1994, conclu avec la société de distributio

n Camblizarde, exerçant sous l'enseigne Sodicamb (la société Sodicamb), ac...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2011), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, économique et financière, 19 décembre 2006, pourvois n° 03-21.155 et 03-21.042), que Mme Marie-José X..., épouse Y..., M. Robert Y..., Mmes Elodie et Valérie Y... et M. X... (les consorts Y...) ainsi que la société Sodix, actionnaires de la société Sodimer, exploitant un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc, ont, le 3 mars 1994, conclu avec la société de distribution Camblizarde, exerçant sous l'enseigne Sodicamb (la société Sodicamb), actionnaire minoritaire, une convention prévoyant que tout projet de cession de tout ou partie de ses titres par un actionnaire à un tiers qui ne serait pas adhérent de l'association des centres distributeurs E. Leclerc (l'ACDLec) ou agréé par celle-ci, devrait faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires ; qu'à la suite de la démission, au mois d'avril 1996, de Mme Marie-José Y... de l'ACDLec et du retrait de la société Sodimer des sociétés coopératives d'achat du Mouvement Leclerc, la société ITM Nord, devenue ITM alimentaire Nord, appartenant au groupe Intermarché, et MM. Z..., A..., B..., C... et D..., ont acquis la totalité des actions qui appartenaient aux consorts Y... et à la société Sodix ; que la société Sodicamb, à laquelle ces actions n'avaient pas été proposées, a fait assigner les cédants et les cessionnaires afin de voir prononcer la nullité des cessions ; que ces derniers ont conclu à l'annulation du pacte de préférence pour indétermination du prix ;
Attendu que la société Sodicamb fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande et rejeté la sienne, alors, selon le moyen :
1°/ que comme la cour d'appel l'a constaté, le pacte de préférence stipulait que "tout projet par un actionnaire de cession… des actions dont il est titulaire… devra faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires… le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert" (v. acte intitulé "offre préalable et droit de préemption", p. 2) ; que c'est donc uniquement à défaut de fixation du prix de gré à gré, entre le cessionnaire des actions et le(s) bénéficiaire(s) du droit de préférence intéressé(s), qu'il était convenu de recourir à un tiers expert pour déterminer le prix de cession ; qu'en affirmant cependant que les parties ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions "en dehors de toute contestation", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du pacte de préférence et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que, selon le pacte litigieux, le prix de cession serait fixé par un tiers expert "à défaut d'accord amiable" ; que, dès lors, en affirmant que les parties au pacte de préférence ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions en dehors de toute contestation, pour en déduire qu'elles ont voulu se conformer à l'article 1592 du code civil et que l'article 1843-4 du code civil, qui concerne seulement les cas où survient une contestation que l'expert est alors chargé de trancher, n'était pas applicable en l'espèce, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1592, 1843-4 et 1134 du code civil ;
3°/ que la prédétermination du prix de la vente envisagée, laquelle ne sera conclue que s'il advient que le promettant en décide ainsi, n'est pas une condition de validité du pacte de préférence, et que par suite, la nullité de la clause du pacte de préférence fixant le prix ou prévoyant la manière dont le prix sera déterminé n'affecte pas la validité du pacte de préférence en son entier ; qu'en retenant que le caractère indéterminable du prix n'a pas pour seul effet de rendre nulle la clause fixant la méthode d'évaluation que doit suivre le tiers expert, mais affecte aussi la validité du pacte de préférence en son entier, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1582, 1591 et 1592 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a dû se livrer à une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes de l'acte du 3 octobre 1994, qui n'étaient ni clairs ni précis, a retenu qu'il en résultait que les parties avaient entendu confier à des tiers la mission de fixer le prix des actions, en dehors de toute contestation, par application des dispositions des articles 1591 et 1592 du code civil ; qu'ainsi, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations qu'elle s'est prononcée comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, d'un côté, que le pacte de préférence conférait à ses bénéficiaires le droit d'acquérir les titres objets de l'offre de vente à un prix laissé à l'arbitrage de tiers, ce dont il résultait que le cédant avait perdu, par l'effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession, et, de l'autre, que les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable, la cour d'appel en a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société de distribution Camblizarde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 1 500 euros aux consorts Y... et à la société Sodix et la somme globale de 1 500 euros à la société ITM alimentaire Nord et à MM. Z..., A..., B..., C... et D... ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société de distribution Camblizarde.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le pacte de préférence signé le 3 mars 1994 entre tous les actionnaires de la société SODIMER et d'avoir, en conséquence, débouté la société SODICAMB de sa demande tendant à voir déclarer nulle la cession des actions de la société SODIMER et à obtenir la mise en oeuvre de la procédure définie au pacte de préférence ;
AUX MOTIFS QUE la convention dénommée « offre préalable et droit de préemption » signée le 3 mars 1994 par les consorts Y...-X..., la société SODIX et la société SODICAMB, contient la clause suivante : « Tout projet par un actionnaire de cession totale ou partielle des actions dont il est titulaire, ou dont il viendrait à être titulaire, devra faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires … le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert. L'offre de vente … indiquera le nombre d'actions que l'actionnaire offre de vendre et le nom et l'adresse de l'expert désigné par le cédant pour déterminer le prix. Cette offre de vente engage définitivement le cédant à vendre et à se soumettre au prix déterminé par l'expertise et ne peut donc être rétractée avant l'acceptation ou le refus … par le bénéficiaire. Dans le délai de dix jours …, les actionnaires bénéficiaires de l'offre … désigneront leur expert dont ils notifieront l'identité au cédant ... Les experts auront pour mission de fixer le prix de cession … ils devront veiller plus particulièrement, en ce qui concerne l'évaluation du fonds de commerce, à rechercher tous éléments de comparaison avec des fonds similaires dans la région ou des régions comparables, mais plus spécialement à l'intérieur du Mouvement LECLERC et devront s'inspirer des critères habituellement retenus dans le Mouvement pour d'autres cessions » ; que les parties ont confié la mission de fixer le prix de vente des actions à un tiers tenu de faire application de critères d'évaluation ; que les critères habituellement retenus dans le Mouvement LECLERC ne sont pas définis par la société SODICAMB, qu'ils n'étaient pas connus des parties au jour de la signature de la convention et qu'à défaut d'être suffisamment précis, ils rendent, pour le tiers expert, le prix indéterminable ; qu'en outre, la référence à ces critères ne garantit pas que le prix des actions sera fixé en fonction d'éléments extérieurs à la volonté du cessionnaire, dès lors que la consistance des règles posées par le Mouvement LECLERC en matière d'évaluation des fonds de commerce et des droits sociaux, n'est pas précisée ; que le tiers expert étant ainsi chargé de fixer le prix en référence à des critères indéterminés, le prix n'était, par suite, pas déterminable ; que la société SODICAMB fait valoir que même si la clause du pacte de préférence comporte des critères d'évaluation illicites, la nullité ne porte que sur ces critères et non sur le pacte de préférence lui-même ; qu'il résulte toutefois des dispositions des articles 1591 et 1592 du code civil que le caractère indéterminable du prix n'a pas seulement pour effet de rendre nulle la clause fixant la méthode de détermination du prix que doit suivre le tiers expert, mais affecte la vente dans son entier, l'article 1592 disposant, en effet, que si le tiers ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente ; que la société SODICAMB fait également valoir que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil sont applicables et que, dans ce cadre, l'expert chargé de fixer le prix des actions n'est pas tenu par les critères d'évaluation convenus par les parties ; mais qu'il résulte de l'examen de la clause du pacte de préférence que les parties ont entendu confier par convention à un tiers expert la mission de fixer le prix des actions par application des dispositions des article 1591 et 1592 du code civil ; que l'article 1843-4 du code civil n'est pas applicable en l'espèce puisque les parties ont convenu, en cas de cession, l'intervention du tiers expert pour parvenir à la fixation du prix en dehors de toute contestation, conformément aux dispositions de l'article 1592 qui prévoit un mode autonome de fixation du prix, en disposant que si le tiers ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente ; que le pacte de préférence doit donc être déclaré nul et de nul effet ;
ALORS, d'une part, QUE, comme la cour d'appel l'a constaté, le pacte de préférence stipulait que « tout projet par un actionnaire de cession … des actions dont il est titulaire … devra faire l'objet d'une offre préalable de cession aux autres actionnaires … le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert » (v. acte intitulé « offre préalable et droit de préemption », p. 2) ; que c'est donc uniquement à défaut de fixation du prix de gré à gré, entre le cessionnaire des actions et le(s) bénéficiaire(s) du droit de préférence intéressé(s), qu'il était convenu de recourir à un tiers expert pour déterminer le prix de cession ; qu'en affirmant cependant que les parties ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions « en dehors de toute contestation », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du pacte de préférence et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE la cour d'appel a elle-même constaté que, selon le pacte litigieux, le prix de cession serait fixé par un tiers expert « à défaut d'accord amiable » ; que, dès lors, en affirmant que les parties au pacte de préférence ont entendu confier à un tiers expert la mission de fixer le prix de cession des actions en dehors de toute contestation, pour en déduire qu'elles ont voulu se conformer à l'article 1592 du code civil et que l'article 1843-4 du code civil, qui concerne seulement les cas où survient une contestation que l'expert est alors chargé de trancher, n'était pas applicable en l'espèce, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1592, 1843-4 et 1134 du code civil ;
ALORS, en toute hypothèse, QUE la prédétermination du prix de la vente envisagée, laquelle ne sera conclue que s'il advient que le promettant en décide ainsi, n'est pas une condition de validité du pacte de préférence, et que par suite, la nullité de la clause du pacte de préférence fixant le prix ou prévoyant la manière dont le prix sera déterminé n'affecte pas la validité du pacte de préférence en son entier ; qu'en retenant que le caractère indéterminable du prix n'a pas pour seul effet de rendre nulle la clause fixant la méthode d'évaluation que doit suivre le tiers expert, mais affecte aussi la validité du pacte de préférence en son entier, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1582, 1591 et 1592 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-24730
Date de la décision : 06/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 01 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 nov. 2012, pourvoi n°11-24730


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.24730
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award