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26/03/2013 | FRANCE | N°12-12111

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mars 2013, 12-12111


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 novembre 2011), que la société Volvo construction équipement Europe (la société Volvo) a consenti le 16 mai 2003 un contrat de concession exclusive à la société Boulogne et Huard (la société Boulogne) prorogé jusqu'au 31 décembre 2012 ; que reprochant à la société Volvo d'avoir refusé, en décembre 2010, de lui livrer des machines commandées et estimant que ce refus constituait un trouble manifestement illicite l'exposant à un dommage imminent, la soc

iété Boulogne a assigné en reféré celle-ci afin d'obtenir sa condamnation à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 novembre 2011), que la société Volvo construction équipement Europe (la société Volvo) a consenti le 16 mai 2003 un contrat de concession exclusive à la société Boulogne et Huard (la société Boulogne) prorogé jusqu'au 31 décembre 2012 ; que reprochant à la société Volvo d'avoir refusé, en décembre 2010, de lui livrer des machines commandées et estimant que ce refus constituait un trouble manifestement illicite l'exposant à un dommage imminent, la société Boulogne a assigné en reféré celle-ci afin d'obtenir sa condamnation à procéder à cette livraison sous astreinte ; que, le 26 janvier 2011, le juge des référés a fait droit à cette demande à concurrence d'un million d'euros sous astreinte ; que, le 13 juillet 2011, le tribunal, saisi au fond par la société Boulogne, a débouté celle-ci de ses demandes ; que, statuant sur l'appel de l'ordonnance du 26 janvier 2011, par arrêt du 14 septembre 2011, la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur l'incidence du jugement du 13 juillet 2011 sur la procédure de référé ; que, le 25 août 2011, la société Boulogne a été mise en redressement judiciaire, M. X... et la SCP Y...- Z... étant respectivement désignés mandataire et administrateur judiciaires ; qu'en cause de cassation, le 6 juin 2012, la société Boulogne a été mise en liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur ;

Sur le premier moyen :
Attendu que la société Boulogne fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à référé et d'avoir en conséquence rejeté sa demande tendant à voir ordonner sous astreinte à la société Volvo de procéder à la livraison à son profit de machines commandées à concurrence de la somme d'un millions d'euros, alors, selon le moyen, que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en s'abstenant d'exposer, fût-ce succinctement, l'ensemble des prétentions et moyens exposés dans le quatrième et dernier jeu d'écritures de la société Boulogne, signifié le 7 juin 2011, et en omettant de viser ces conclusions avec indication de leur date, contrairement à ce qu'elle a fait pour les autres parties de la cause, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la prise en compte de l'ensemble des prétentions et moyens invoqués par la société Boulogne dans ses dernières écritures, a violé les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, dès lors qu'il vise explicitement dans son dispositif l'arrêt du 14 décembre 2011, lequel mentionne succinctement les prétentions respectives des parties en visant notamment les dernières écritures de la société Boulogne signifiées le 7 juin 2011 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Boulogne fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à référé, et d'avoir en conséquence rejeté sa demande tendant à voir ordonner sous astreinte à la société Volvo de procéder à la livraison à son profit de machines commandées à concurrence de la somme d'un millions d'euros, alors, selon le moyen, que, la chose jugée ne porte que sur ce qui a été tranché dans le dispositif d'une décision antérieure, l'autorité de la chose jugée par cette décision ne pouvant être utilement invoquée que dans une instance dans laquelle les demandes soumises au juge sont identiques à celles tranchées par le juge du principal ; que la société Boulogne, qui demandait au Juge des référés de condamner sous astreinte la société Volvo à lui livrer dix-sept machines en exécution du contrat de concession, dont la commande avait été acceptée par cette dernière, sollicitait, dans l'instance au fond ayant conduit au jugement rendu le 13 juillet 2011 par le tribunal de commerce de Marseille, la résiliation du contrat de concession aux torts exclusifs du concessionnaire et l'indemnisation par ce dernier du préjudice qu'elle a subi du fait de cette résiliation fautive et de la rupture brutale de la relation commerciale la liant au concédant ; qu'en retenant que le trouble manifestement illicite invoqué par la société Boulogne à l'appui de sa demande ne pouvait être caractérisé, et que la société Volvo lui opposait à tout le moins une contestation sérieuse, dès lors qu'il résultait des motifs du jugement rendu le 13 juillet 2011 par le tribunal de commerce de Marseille qu'il n'y avait pas eu de modification unilatérale des conditions de paiement et d'encours par la société Volvo et que cette dernière était fondée à ne pas livrer les machines litigieuses, motifs qui s'imposaient au juge des référés dès lors que « ce qui a été ainsi apprécié par le juge du fond s'impose à la juridiction des référés » et que le jugement du 13 juillet 2011 avait « dès son prononcé, autorité de la chose jugée », la cour d'appel, qui a conféré autorité de la chose jugée aux simples motifs d'une décision qui tranchait des demandes distinctes, a violé l'article 1351 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 872 et 873 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il ressort des énonciations du jugement du 13 juillet 2011 que la société Boulogne a fait valoir les mêmes moyens à l'appui de sa demande tendant à faire « dire et juger que la société Volvo a modifié de manière brutale, injustifiée et abusive les conditions de paiement et d'encours » qui lui étaient accordées dans le cadre du contrat de concession conclu à effet du 1er janvier 2003 et « a rompu brutalement la relation commerciale qu'elle poursuivait (avec elle) depuis 1992 », ainsi que d'obtenir réparation du préjudice en découlant ; que, par ses seuls motifs faisant ressortir que les prétentions formulées à l'encontre de la société Volvo par la société Boulogne, en référé comme au fond, avaient pour fondement la modification unilatérale des conditions de paiement et d'encours par la société Volvo, la cour d'appel en a exactement déduit que le jugement du 13 juillet 2011 statuant au principal, qui avait dès son prononcé autorité de la chose jugée même en cas d'appel, avait tranché la contestation soumise au juge des référés ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Boulogne, la SCP Y...- Z... et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour les sociétés Boulogne et Huard et Y...- Z... et M. X..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé, et d'AVOIR en conséquence rejeté la demande de la Société BOULOGNE ET HUARD tendant à voir ordonner sous astreinte à la Société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE de procéder à la livraison à son profit de machines commandées à concurrence de la somme d'un millions d'euros ;
Alors que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en s'abstenant d'exposer, fût-ce succinctement, l'ensemble des prétentions et moyens exposés dans le quatrième et dernier jeu d'écritures de la Société BOULOGNE ET HUARD, signifié le 7 juin 2011, et en omettant de viser ces conclusions avec indication de leur date, contrairement à ce qu'elle a fait pour les autres parties de la cause, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la prise en compte de l'ensemble des prétentions et moyens invoqués par la Société BOULOGNE ET HUARD dans ses dernières écritures, a violé les articles 455, alinéa 1er et 954, alinéa 3 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé, et d'AVOIR en conséquence rejeté la demande de la Société BOULOGNE ET HUARD tendant à voir ordonner sous astreinte à la Société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE de procéder à la livraison à son profit de machines commandées à concurrence de la somme d'un million d'euros ;
Aux motifs que : « pour soutenir que la décision prise en décembre 2010 par la Société VCE EUROPE de refuser de lui livrer 17 machines qu'elle lui avait commandées, au motif qu'elle avait dépassé sa limite d'encours, est constitutive d'un trouble manifestement illicite, la Société BOULOGNE ET HUARD fait valoir que celle-là ne pouvait, le 18 novembre 2010, remettre brutalement en cause les conditions de paiement et l'encours fournisseur qu'elle lui consentait jusqu'alors en le limitant à deux millions d'euros, encours qui constituait un élément essentiel de leurs relations commerciales et du contrat de concession, ni justifier cette remise en cause par l'évolution de la " limite de couverture " de son assureur crédit, Euler Hermès, seuls les termes du contrat de concession faisant la loi des parties ; qu'à cet égard, elle dénie avoir accepté une telle contrainte, dont elle n'a pas eu connaissance ; qu'il ressort cependant des énonciations du jugement rendu le 13 juillet 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille qu'elle a fait valoir les mêmes moyens à l'appui de sa demande tendant à " faire dire et juger que la Société VCE EUROPE a modifié de manière brutale, injustifiée et abusive les conditions de paiement et d'encours " qui lui étaient accordées dans le cadre du contrat de concession conclu à effet du 1er janvier 2003 et " a rompu brutalement la relation commerciale qu'elle poursuivait (avec elle) depuis 1992 ", ainsi que d'obtenir réparation du préjudice en découlant ; que cette juridiction l'a déboutée de cette demande comme de ses autres prétentions formées à l'encontre de la Société VCE EUROPE en ayant notamment retenu, dans les motifs de sa décision, que " le courriel du 18 novembre 2010 (de la Société VCE EUROPE) ne constitue en rien une modification unilatérale des conditions de paiement et d'encours … ", que face à la situation de la Société BOULOGNE ET HUARD " qui se dégradait, aux impayés qui se répétaient et voyant qu'aucune des actions de fond suggérées n'étaient en place, il devenait sage pour VCE EUROPE de limiter son risque financier en plafonnant l'encours dont bénéficiait BOULOGNE ET HUARD tout en maintenant un niveau d'activité compatible avec cet encours " et que " la modification de l'encours de même que le droit de ne pas livrer les machines correspondant à un dépassement d'encours, étaient en l'occurrence justifiés pour VOLVO eu égard à la situation obérée de son concessionnaire et au risque important qu'elle encourait " ; que, contrairement à ce que soutiennent la Société BOULOGNE ET HUARD que ses administrateur et mandataire judiciaires, ce qui a été ainsi apprécié et décidé par le juge du fond s'impose à la juridiction des référés dont les décisions sont, par nature, provisoires, même si ce jugement, par ailleurs assorti de l'exécution provisoire et qui, dès son prononcé, a autorité de la chose jugée, fait l'objet d'un appel ; qu'en l'état de ces énonciations et de cette décision, et dès lors que le juge du fond a retenu qu'il n'y avait pas eu de " modification unilatérale des conditions de paiement et d'encours " par la Société VCE et estimé justifié le droit pour cette dernière de " bloquer " ou ne pas livrer les machines litigieuses, le refus de livraison invoqué par la Société BOULOGNE ET HUARD n'a pu constituer une violation évidente d'une obligation contractuelle ou légale susceptible d'avoir été à l'origine d'un trouble manifestement illicite au jour où le premier juge a statué ; qu'en outre, la Société VCE est fondée à faire valoir que, dans ces conditions, l'obligation de livraison dont se prévaut à son encontre la Société BOULOGNE ET HUARD se heurte, à tout le moins, à une contestation sérieuse de sa part ; qu'il en résulte que la demande de la Société BOULOGNE ET HUARD ne pouvait être accueillie sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile ni davantage sur celui de l'article 872 du même code, également visé dans l'assignation délivrée par cette société, étant ici à nouveau observé que, contrairement à ce que prétendent les intimée et assignés en intervention forcés, la Société VCE a toujours intérêt à poursuivre l'infirmation de l'ordonnance entreprise qui l'a condamnée à procéder à la livraison " de machines commandées à concurrence d'un million d'euros " puisque, même si depuis lors les relations contractuelles ont été rompues et a été ouvert le redressement judiciaire de la Société BOULOGNE ET HUARD, ceux-là n'ont pas expressément renoncé au bénéfice de cette condamnation » ;
Alors que, la chose jugée ne porte que sur ce qui a été tranché dans le dispositif d'une décision antérieure, l'autorité de la chose jugée par cette décision ne pouvant être utilement invoquée que dans une instance dans laquelle les demandes soumises au juge sont identiques à celles tranchées par le juge du principal ; que la Société BOULOGNE ET HUARD, qui demandait au Juge des référés de condamner sous astreinte la Société VOLVO CONSTRUCTION EQUIPMENT EUROPE à lui livrer 17 machines en exécution du contrat de concession, dont la commande avait été acceptée par cette dernière, sollicitait, dans l'instance au fond ayant conduit au jugement rendu le 13 juillet 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille, la résiliation du contrat de concession aux torts exclusifs du concessionnaire et l'indemnisation par ce dernier du préjudice qu'elle a subi du fait de cette résiliation fautive et de la rupture brutale de la relation commerciale la liant au concédant ; qu'en retenant que le trouble manifestement illicite invoqué par la Société BOULOGNE ET HUARD à l'appui de sa demande ne pouvait être caractérisé, et que la Société VOLVO CE EUROPE lui opposait à tout le moins une contestation sérieuse, dès lors qu'il résultait des motifs du jugement rendu le 13 juillet 2011 par le Tribunal de commerce de Marseille qu'il n'y avait pas eu de modification unilatérale des conditions de paiement et d'encours par la Société VOLVO CE EUROPE et que cette dernière était fondée à ne pas livrer les machines litigieuses, motifs qui s'imposaient au Juge des référés dès lors que « ce qui a été ainsi apprécié par le juge du fond s'impose à la juridiction des référés » et que le jugement du 13 juillet 2011 avait « dès son prononcé, autorité de la chose jugée », la Cour d'appel, qui a conféré autorité de la chose jugée aux simples motifs d'une décision qui tranchait des demandes distinctes, a violé l'article 1351 du Code civil et l'article 480 du Code de procédure civile, ensemble les articles 872 et 873 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-12111
Date de la décision : 26/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mar. 2013, pourvoi n°12-12111


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.12111
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