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14/05/2013 | FRANCE | N°11-88663

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mai 2013, 11-88663


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Marie-Antoinette X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2011, qui, pour harcèlement moral, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, L. 1152-

1 du code du travail, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Marie-Antoinette X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2011, qui, pour harcèlement moral, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 du code pénal, L. 1152-1 du code du travail, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de harcèlement moral à l'encontre de Mme Y... ;

"aux motifs propres que le 15 mai 2007, Mme Y..., aide-soignante au bloc opératoire du centre hospitalier de Nevers, se constituait partie civile entre les mains du juge d'instruction de cette ville, imputant à Mme X..., cadre de santé et sa supérieure hiérarchique, des faits de harcèlement moral ; qu'elle relatait qu'ayant intégré l'équipe des aides-soignantes du bloc opératoire, le 1er juillet 2006, elle avait fini par quitter son service le 20 mars 2007, en position d'arrêt maladie et même tenté, quelques semaines plus tard, de se suicider par absorption médicamenteuse, que son médecin traitant, le docteur Z..., rapportait qu'il connaissait bien sa patiente, personne dépourvue de failles psychologiques, affectée au départ en gériatrie, puis au bloc opératoire, en raison de douleurs au dos la rendant inapte au levage de malades et qu'il avait constaté l'apparition progressive d'un délabrement psychologique qui lui paraissait directement imputable à ses nouvelles conditions de travail ; qu'il ajoutait qu'il avait, lui-même, ce que sa cliente ignorait, travaillé comme vacataire de nuit aux urgences et croisé Mme X... pendant quelques mois et avait pu constater la manière de faire de cette dernière qui, lorsqu'elle entrait en conflit avec un subalterne, ne le lâchait plus, le suivait partout dans son travail pour chercher la faille et le pousser à bout, le contraignant à l'arrêt de travail puis au départ ; qu'il ajoutait que Mme Y... n'était pas un cas isolé et qu'il y avait eu beaucoup de départs dans le service de Mme X... ; que l'expertise psychologique de Mme Y... n'a pas relevé l'existence de facteurs en faveur d'une vindicte particulière contre sa cadre hiérarchique, d'une incapacité à entendre des reproches fondés, non plus que d'un sentiment particulier de persécution ; qu'elle a établi l'existence d'un état anxio-dépressif réactionnel à l'état de stress, soulignant que d'éventuels rebonds avec des soucis personnels ne seraient que secondaires ; que l'enquête établissait qu'il avait été procédé, en 2003, à l'unification, par regroupement de trois unités différentes, du bloc opératoire du centre hospitalier de Nevers, lors de l'installation sur le nouveau site "Pierre Bérégovoy", ce qui avait modifié les habitudes professionnelles du personnel et entraîné des dysfonctionnements, face auxquels la direction avait mené une réorganisation, en 2005, après un audit, en faisant appel à Mme X..., cadre de santé, réputée ferme et autoritaire, à qui il avait été donné, comme faisant fonction de cadre supérieur, carte blanche pour faire fonctionner le service avec rigueur, le cadre de santé du bloc, Mme A..., dépressive, et le cadre de santé d'anesthésie, Mme B..., étant progressivement évincées ; que les enquêteurs établissaient, aisément, l'existence d'un malaise importun, touchant principalement aides-soignantes et les agents de services hospitaliers, objectivé par des départs massifs du service ; qu'entendus, la plupart rapportaient des problèmes relationnels avec Mme X..., dénonçant des brimades, du mépris, des pressions ou des invectives ; qu'à titre d'exemple, Mme C..., A.S.H, a évoqué le harcèlement auquel se livrait Mme X... contre les personnes pour lesquelles elle ressentait de l'animosité, par des sarcasmes répétitifs, la surveillance de leurs moindres faits et gestes, des reproches ininterrompus, relatant des départs du service, des arrêts maladie, des dépressions, des tentatives de suicide médicamenteuses, elle-même connaissant des crises d'angoisse ; que les infirmiers, auditionnés, confirmaient majoritairement, quant à eux, l'ambiance détestable et très tendue que faisait régner Mme X..., même s'ils étaient moins vulnérables et donc moins visés que le personnel subalterne ; qu'on notera, en illustration et au milieu de plusieurs autres de même nature, le témoignage de Mme D..., relatant que, si les débuts de Mme X... en 2005 avaient été prometteurs, la situation s'était rapidement dégradée et qu'elle exerçait, sur les aides soignantes, une pression incroyable, les harcelant de reproches, les menaçant de les changer de service, se focalisant parfois sur une personne pendant des jours ; que le témoin ajoutait qu'en cercle restreint, Mme X... était considérée comme une « allumée », qui « fumait la moquette » et que, quant à elle, elle connaissait bien Mme Y..., qui était une bonne collègue et faisait très bien son travail mais avait, sans doute, le tort d'exposer son point de vue, lorsque les ordres donnés par Mme X... lui paraissaient mal orientés ; que Mme D... relate encore que Mme X..., en un refrain journalier, n'arrêtait pas de dire : « j'ai les pleins pouvoirs, je fais ce que je veux » ; qu'il apparaît que même les témoignages les plus favorables à Mme X..., sensibles à l'efficacité de sa gestion, aboutissaient rapidement à la conclusion qu'elle faisait preuve, au moins, d'une immense maladresse dans la gestion du personnel ; que les médecins hospitaliers entendus, se montraient partagés, certains, comme le Dr E..., coordonnateur du bloc, défendant Mme X..., d'autres incriminant son comportement, la plupart émettant l'appréciation que si Mme X... avait bien encadré le personnel soignant et mis fin aux dérives, elle avait appliqué des méthodes désastreuses de gestion, créant un stress permanent, l'un des médecins, le Dr F..., craignant un risque de conflit majeur avec le personnel du bloc, ayant même pris l'initiative d'alerter l'administration ; que la médecine du travail avait, de son côté, pris la même initiative de saisir la direction, par un courrier du 9 février 2007, après contacts avec les représentants du personnel ; que le docteur G..., médecin du travail, rapportait qu'elle connaissait bien Mme Y... et avait favorisé son affectation dans un service qui excluait la manutention de patients mais qu'il lui était apparu qu'assez rapidement une tension s'était installée et qu'elle avait reçu à plusieurs reprises cette personne, qui était dans un état psychique très préoccupant, avec perte totale de l'estime de soi et incapacité morale de faire face au stress permanent généré par Mme X... ; qu'elle a rapporté la tenue d'une réunion de concertation pour faire le point de la situation, réunion où Mme X... avait répondu que l'indiscipline généralisée et le manque de respect des règles d'hygiène élémentaires la contraignaient à faire, en permanence, des rappels aux agents ; que le Dr G... concluait, comme la plupart de ses confrères, que si Mme X... était bien dans son rôle, son type de management était totalement inadapté ; que l'inspection du travail avait, elle-même, délivré un courrier officiel au directeur du centre hospitalier, le 11 avril 2007, émue de la gravité des faits qui lui avaient été rapportés par différents interlocuteurs, concernant les conditions de travail au bloc opératoire, lui rappelant qu'il lui appartenait, en tant que chef d'établissement, de prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé mentale de ses salariés, ce qu'elle le mettait en demeure de faire et de la tenir informée et qu'il fallait d'autant plus vite traiter ce contexte de travail difficile que trois organisations syndicales (CGT, FO, CFDT) étaient plaignantes ; que le directeur du centre hospitalier, M. H..., dont il résulte des éléments ci-dessus exposés qu'il avait été saisi cumulativement de la situation par des médecins hospitaliers, la médecine du travail et l'inspection du travail, décidait, à l'occasion d'une réunion de concertation avec les syndicats et les responsables, de faire procéder à un audit par un cabinet spécialisé ; qu'il s'agira, en fait, de sa seule réaction, à l'exception toutefois d'un avertissement infligé à Mme Y..., sur la foi du rapport de Mme I..., directrice en charge de la coordination des soins, qui, saisie de la plainte en harcèlement, avait totalement soutenu Mme X... et suite à la démarche maladroite du concubin de Mme Y..., lequel, inquiet de la dégradation de l'état de santé de son amie, avait eu une violente explication téléphonique avec elle ; que Mme J..., mandatée pour l'audit, a finalement conclu, après diverses interventions menées en immersion au sein du bloc opératoire, à l'existence, chez le personnel, d'un manque de reconnaissance de la part de l'encadrement direct, d'un sentiment d'humiliation et de non-respect de la personne, d'un sentiment d'injustice et de dévalorisation, à l'existence de pressions ressenties et à une démotivation ; qu'entendue par les enquêteurs, elle ira cependant très au-delà de ces conclusions lisses et abstraites, commandées par la nature de son travail, en mettant en cause directement Mme X..., avec qui elle n'avait jamais pu avoir un entretien, cette dernière se plaignant de n'avoir pas été entendue à titre personnel mais ayant esquivé les deux rendez-vous prévus, dont en dépit d'un ordre exprès du directeur de l'hôpital ; qu'elle a relaté avoir ressenti, à des degrés divers, beaucoup de souffrance, d'incompréhension et de peur concernant le personnage de Mme X..., personne dotée d'une haute estime d'elle-même et abusant du pouvoir hiérarchique que lui donnait son statut, défoulant sa violence interne sur le personnel subalterne et plutôt sur les femmes que sur les hommes ; qu'elle a ajouté que la directrice, Mme I..., s'était montrée extrêmement étonnée de la situation qu'elle lui décrivait et lui paraissait très surprise devant l'évocation des problématiques d'humiliation et de non-respect de la personne, ajoutant : « Mais pourquoi les agents ne viennent-ils pas me voir ? », interpellation quelque peu décalée au regard de l'avertissement infligé à Mme Y... par le directeur de l'hôpital, sur sa propre recommandation ; qu'enfin, l'enquête établissait qu'à l'occasion de ses précédentes fonctions, comme cadre de santé à l'hôpital Felleries-Liessies, dans le Nord, Mme X... avait été suspendue, en interne, par le directeur de l'établissement, à la suite de plaintes collectives et d'une enquête interne confiée à un cadre supérieur de santé, le rapport mettant en évidence une personne manipulatrice, non fiable, omniprésente, désirant tout régenter, sachant monter les gens les uns contre les autres, évinçant les membres du personnel placés sous son autorité au moindre problème bénin, créant un stress permanent dans son équipe ; qu'entendu, l'ancien directeur de l'hôpital, aujourd'hui à la retraite, évoquait des écarts comportementaux et des excès de pouvoir de Mme X... à l'égard du personnel, des patients et de leur famille ; que le professeur K..., employeur de Mme X... de 1980 à 1992, soulignait, de son côté, que s'il s'agissait d'une personne travailleuse et d'une grande exigence professionnelle, elle avait besoin d'être encadrée, n'était pas apte à commander et avait un désir de supériorité, alors qu'elle ne savait pas mener les gens ; que la perquisition effectuée au domicile de Mme X... a montré l'existence de documents illustrant son caractère inquisiteur, dans la mesure où elle avait établi des dossiers peu flatteurs concernant le personnel et des fiches comportant de nombreux détails sur la vie privée ; qu'il a, encore, été trouvé un rapport dénonçant une coalition à son encontre ; que les examens psychologiques et psychiatriques de Mme X... ont conclu à une personnalité pleine d'orgueil, psychorigide et méfiante, incapable d'admettre les problèmes que son attitude pouvait susciter mais exempte de troubles psychiques ou neuropsychiques ; que l'examen psychologique souligne que, face à des données complexes, le sujet, d'intelligence moyenne, (QI : 100) est paniqué et montre des difficultés de planification de l'action, que l'on ne s'attendrait pas à trouver chez une personne ayant eu à tenir des tâches d'organisation ; qu'on ne peut que rapprocher cette incapacité de fond de l'autoritarisme manipulateur incriminé, le second terme servant de béquilles pour masquer le premier et permettant de s'affirmer à bon compte ('j'ai les pleins pouvoirs ...", l'argument d'autorité suppléant la compétence réelle ; que, face à un faisceau d'éléments nombreux et convergents, Mme X... soutient tour à tour et cumulativement, pour sa défense, que Mme Y..., personne non fiable dans la mesure où "elle prenait des anxiolytiques" (sic), n'a fait qu'une parodie de tentative de suicide et simulé un état dépressif dont l'origine éventuelle doit, en tout état de cause, être cherchée ailleurs, que le juge d'instruction a mal fait son travail, que l'enquête a été menée de façon partiale et avec brutalité envers elle, notamment au regard d'une garde à vue qu'elle estime déplacée en son principe, que l'audit final a été réalisé par une personne dépourvue de compétence réelle (Mme J..., qui, de surcroît, aurait menti sur les rendez-vous manqués...), que des pressions ont été exercées sur des témoins et leurs propos travestis au travers de dépositions stéréotypées, que l'hôpital de Felleries-Liessies dans le Nord fonctionnait de façon pitoyable jusqu'à ce qu'elle y mette un peu d'ordre, avant d'en partir volontairement, que le professeur K..., lui-même, a été sous influence et, globalement, qu'il s'agit d'un complot monté contre elle par un médecin hospitalier, le Dr L..., sanctionné pour avoir orienté de manière privilégiée des patients vers son service privé et pour manquement aux règles d'hygiène et de sécurité ; qu'elle considère, sur le fond, que ce médecin, qui la considérait à l'origine de ses déboires, en raison des dénonciations faites par ses soins, se trouve à l'origine des poursuites pénales et les a fait prospérer, bénéficiant d'un réseau relationnel très dense lui permettant, tour à tour, d'influencer l'instruction et l'enquête qu'il suivait en temps réel grâce à des complicités internes, de manipuler le personnel et de le monter à son encontre par le biais de faux témoignages, d'amener, enfin, le professeur K... à faire une déposition ne correspondant pas à son sentiment réel ; que, cependant, cette théorie du complot, qui, par son étendue et la multitude des personnes qu'elle met en cause, dans le temps et dans l'espace, alors que n'existe le plus souvent entre elles aucune connexion apparente, frise au délire, ne repose que sur de simples allégations et ne se trouve étayée par aucun élément objectif ; que si la cour peut volontiers croire qu'une prise en main ferme mais maladroite, comme l'admettent les meilleurs défenseurs de Mme X..., a pu susciter, dans le personnel des aides-soignants, des infirmiers, voire chez certains médecins, (accusés par cette dernière d'avoir pu trouver leur compte financièrement dans une certaine désorganisation favorisant des interventions en dehors des heures normales donc sous un tarif accru...), une réaction négative, la convergence indiscutable des éléments ci-dessus évoqués ne peut qu'amener à considérer comme réels et établis les faits dénoncés ; qu'il apparaît donc, à la cour, que c'est à juste titre et par des motifs pertinents qu'elle adopte totalement, que le premier juge a considéré que la prévenue devait être retenue dans les liens de la prévention et que la décision déférée doit être confirmée sur ce point ;

"et aux motifs adoptés que l'élément matériel de l'infraction reprochée à Mme X... repose sur des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'outre les déclarations de la victime, des témoignages directs de plusieurs personnes viennent confirmer la réalité de ces agissements répétés, notamment Mmes C..., A..., Prudomme, D..., Detchepare, Finot ; qu'il est notamment décrit une multitude de remontrances et des propos dévalorisants, des cris, des menaces répétées de changement de service ; que plusieurs personnes ont assisté au changement brusque de l'état psychologique de Mme Y..., non seulement les témoins déjà cités qui, pour certains, la voyaient pleurer dans le service, mais également son compagnon, le médecin du travail, et le médecin traitant ; que les doléances de Mme Y... quant aux autres formes de harcèlement qu'elle déclare avoir subies sont étayées par les multiples témoignages des personnes ayant travaillé avec Mme X..., qui ont eu à subir ce type de brimades ou en ont été témoin ; qu'ainsi, il est vérifié que Mme X... avait pour habitude de dénigrer tour à tour une personne du service auprès des autres et de déclarer à sa victime qu'elle était mal perçue par les autres ; qu'elle se livrait à des pratiques de nature à tester la résistance physique des agents, comme par exemple en coupant le chauffage de la salle où ils travaillaient, ou en donnant des missions prolongées pour retarder les repas de la personne visée, ou encore en la faisant travailler seule alors qu'habituellement le travail se faisait en binôme ; que la concentration temporaire de ces méthodes sur une personne particulièrement visée ne pouvait être excusée par les nécessités du service auquel cas tous les agents en auraient subi les effets en même temps ; que Mme X... était responsable de l'évaluation professionnelle de Mme Y... et il n'est pas indifférent de constater que les seules appréciations négatives que cette dernière a eu sur son travail pendant sa carrière se sont produites sous l'autorité de Mme X... ; que ceci rejoint l'appréciation générale portée par la cadre de santé, qui estimait que les aides soignantes du service n'étaient pas à leur place et pas propres ; qu'or, la lecture des nombreux témoignages ne permet de relever que quelques exceptions qui indiquent que les personnels devaient être dynamisés sans pointer des problèmes d'hygiène particuliers ; que parmi les agissements répétés mentionnés dans la prévention figurent des journées laissées sans consignes, ce qui ne concernait semble-t-il pas précisément Mme Y..., et des plannings comprenant de nombreux horaires de nuit ; que, sur ce dernier point, il s'agit d'une erreur, puisque les faits qui ont été évoqués concernent principalement des modifications d'horaires pour imposer des horaires d'après-midis et non des nuits ; que la partie civile a communiqué en cours d'instruction des tableaux particulièrement éloquents où l'on peut constater que la préparation du planning de janvier 2007 par Mme M... avait été rectifiée par Mme X... pour imposer un plus grand nombre d'après-midis à Mme Y... qu'à ses collègues ; que les effets sur la carrière des agissements de Mme Y... étaient graves, puisque non seulement elle a modifié de façon sensible l'appréciation portée sur elle dans le cadre de son évaluation annuelle de 2006, étant ici observé que sa défense consistant à soutenir qu'elle reprenait l'auto-évaluation de l'intéressée, ne tient pas, puisque cette dernière était manifestement écrite de la même main que l'évaluation finale ; qu'en outre, le processus de harcèlement s'est traduit par une sanction administrative, puisque la direction a soutenu la cadre de santé dans le cadre du litige qui les opposait ; que les conséquences sur la santé de Mme Y... comme sur celle de nombreuses personnes sont établies ; que l'arrêt de travail pour maladie fait suite à la dégradation de l'état général constatée par les témoins et le compagnon de Mme Y... ; que le médecin du travail et le médecin traitant le rattache directement au stress dans le travail ; que, quant à la tentative de suicide, dont Mme X... doute de la sincérité, il suffit de se reporter aux analyses toxicologiques réalisées lors de l'hospitalisation de la victime, pour constater qu'il y a bien eu intoxication aux benzodiazépines ; que, comme le relevait déjà Mme N... dans son témoignage tiré de son expérience avec Mme X... dans le Nord, cette dernière est dans un déni total des conséquences de son comportement ; que celui-ci est pourtant bien réel et ce n'est pas un hasard si le professeur K... précisait dans son témoignage qu'il ne lui a jamais confié aucune responsabilité de management parce qu'il la jugeait incapable de les assumer ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la culpabilité de Mme X... doit donc être considérée comme établie ;

"1) alors que le délit de harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la partie civile susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, la prévenue soutenait que la surveillance de Mme Y... lors de l'exécution de ses tâches et les mises en garde dont elle faisait l'objet relevaient de l'exercice normal de ses fonctions de surveillante responsable des membres du personnel du bloc opératoire et tendaient à une amélioration de la qualité du bloc opératoire exigée par ses supérieurs ; qu'en retenant qu'il ressortait de témoignages directs confirmant les déclarations de la partie civile « une multitude de remontrances et des propos dévalorisants, des cris, des menaces répétées de changement de service » et que la partie civile avait reçu des « appréciations négatives » sur son travail, sans rechercher si ces actes ne ressortissaient pas au pouvoir de direction et de contrôle de la prévenue, dont la mission était de faire cesser les dysfonctionnements du bloc opératoire dont elle avait la surveillance, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé les agissements de la prévenue ne rentrant pas dans l'exercice de son pouvoir de direction et de contrôle envers la plaignante et ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de celle-ci, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"2) alors que le délit de harcèlement moral ne peut être caractérisé que par des agissements commis à l'encontre du salarié plaignant lui-même, qu'en se fondant sur des éléments issus du vécu personnel d'autres salariés du même service ou provenant du passé de la prévenue auprès d'un autre employeur pour en déduire que celle-ci avait commis des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de Mme Y..., la cour d'appel qui n'a pas caractérisé les agissements répétés de la prévenue envers Mme Y... ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de celle-ci, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3) alors, enfin, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et indépendant ; que, pour déclarer Mme X... coupable de harcèlement moral, la cour d'appel a systématiquement évité tous les éléments de preuve favorables à Mme X... ou qui venaient contredire les accusations portées contre elle et a motivé sa décision par des propos excessifs et injurieux en retenant en particulier, s'agissant du rôle important d'un chirurgien influent qui s'était dès le départ dressé contre elle, que "cette théorie du complot, qui par son étendue et la multitude des personnes qu'elle met en cause, dans le temps et dans l'espace, alors que n'existe le plus souvent entre elles aucune connexion apparente, frise au délire, ne repose que sur de simples allégations et ne se trouve étayée par aucun élément de preuve objectif" ; qu'en statuant ainsi, en des termes manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., cadre de santé au centre hospitalier de Nevers, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir harcelé moralement Mme Y..., aide-soignante au bloc opératoire de cet hôpital, en lui faisant des remarques ou observations professionnelles incessantes, en lui imposant des plannings comportant de nombreux horaires de nuit, en lui adressant des menaces de changement de service, en la laissant sans consigne de travail, en l'isolant de ses collègues et en lui interdisant de former le nouveau personnel ; que le tribunal correctionnel ayant dit la prévention établie, Mme X... et le ministère public ont interjeté appel ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, fondées sur son appréciation souveraine des faits et éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu la disposition conventionnelle invoquée, a caractérisé le délit retenu en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, dès lors qu'elle a mis en évidence, à la charge de Mme X..., des agissements répétés étrangers à son pouvoir de direction et de contrôle et ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible d'altérer l'état de santé de la victime ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT que Mme Marie-Antoinette X... devra verser la somme de 2 000 euros à Mme Marie-Thérèse Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-88663
Date de la décision : 14/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 10 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mai. 2013, pourvoi n°11-88663


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.88663
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