La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2013 | FRANCE | N°12-18949

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 juin 2013, 12-18949


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme X... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 mars 2012), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Gironde, aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la caisse), a consenti à la société Peyrieras-Thevenoux, pour l'acquisition d'un fonds de commerce, un prêt

d'un certain montant, garanti notamment par un nantissement sur ce fonds et le c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme X... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 mars 2012), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Gironde, aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la caisse), a consenti à la société Peyrieras-Thevenoux, pour l'acquisition d'un fonds de commerce, un prêt d'un certain montant, garanti notamment par un nantissement sur ce fonds et le cautionnement de M. et Mme Y... (les cautions) ; que la société Peyrieras-Thevenoux, devenue la société Boutique à pain (la société), a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que, les locaux commerciaux ayant été détruits par un incendie, la caisse, après avoir déclaré sa créance, a assigné en paiement les cautions qui ont recherché sa responsabilité ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation des cautions à lui payer la somme de 180 722,36 euros, outre intérêts à 4,85 % sur 147 032,85 euros et au taux légal sur le surplus, alors, selon le moyen :

1°/ que la caution ne peut être déchargée de ses obligations que lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, en raison d'un fait fautif exclusivement imputable au créancier à l'origine du dommage invoqué par la caution ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de décharge des cautions, la caisse soutenait qu'elle n'avait jamais été informée de la survenance de l'incendie par l'assureur ; qu'il s'ensuit que, quand bien même elle aurait omis de se faire communiquer le bail et le contrat d'assurance, ces négligences, à les supposer fautives, étaient dépourvues de tout lien causal avec le dommage allégué par les cautions, puisque la caisse, dès lors qu'elle était dans l'ignorance du sinistre, aurait de toute façon été placée dans l'impossibilité de faire opposition au versement de l'indemnité d'assurance ou d'en réclamer l'attribution ; que la cour d'appel, après avoir pourtant expressément constaté que la caisse soutenait n'avoir pas été informée de la survenance de l'incendie, s'est bornée à affirmer que la banque ne contestait pas qu'elle n'avait pas accompli les diligences nécessaires et qu'elle avait laissé perdre par sa négligence le bénéfice du droit préférentiel accordé par l'article L. 121-13 du code des assurances ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la question de la connaissance par la caisse de la survenance de l'incendie ni caractériser, en conséquence, l'existence d'un lien de causalité entre les prétendues négligences imputées à la caisse et le dommage invoqué par les cautions pour solliciter leur décharge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;

2°/ que, ce faisant, la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé l'existence d'une faute exclusive de la banque à l'origine du préjudice invoqué par les cautions, et a privé de ce chef encore sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3°/ que la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait du créancier ; qu'en l'espèce, la caisse faisait valoir que la compagnie d'assurance n'avait été condamnée à verser qu'une somme indemnitaire forfaitaire de 4 000 euros entre les mains du débiteur principal en sorte que l'indemnité effectivement due par l'assurance au titre de l'incendie avait à peine permis de couvrir les frais de justice, comme l'établissait la lettre du 15 juin 2011, régulièrement produite aux débats devant la cour d'appel, que lui avait adressée le liquidateur judiciaire du débiteur principal ; que la cour d'appel, après avoir pourtant constaté que, selon la banque, l'indemnité d'assurance avait seulement permis de régler les frais de justice, a déchargé les cautions de l'intégralité de leurs obligations, au motif que la caisse ne contestait pas ne pas avoir accompli les diligences nécessaires aux fins de se voir attribuer l'indemnité d'assurance due en cas d'incendie ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la valeur des droits dont les cautions avaient prétendument été privés et qui représentait la mesure de la décharge de ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la caisse, à laquelle les cautions reprochaient de ne pas s'être fait produire annuellement la justification de la couverture d'assurance incendie et de l'acquit des primes, ni communiquer la police d'assurances et le bail pour permettre un désintéressement effectif en cas de sinistre, ainsi que de n'avoir pas formé opposition au paiement de l'indemnité d'assurance, s'est bornée à répondre qu'elle n'avait pas été informée de l'incendie par l'assureur, et n'a pas contesté ne pas avoir accompli les diligences nécessaires ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la caisse, faute d'avoir fait connaître l'existence de son droit préférentiel à l'assureur, n'avait pas mis celui-ci en mesure de l'informer de la survenance du sinistre et s'était dès lors trouvée, par sa négligence, dans l'impossibilité de former opposition au paiement de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a pu déduire que la caisse avait, par son fait exclusif, empêché les cautions d'être subrogées dans ce droit ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, devant laquelle la caisse s'est bornée à indiquer que la somme forfaitaire de 4 000 euros versée par l'assureur avait été entièrement affectée au règlement de frais de justice, n'avait pas à répondre à des énonciations qui ne tiraient pas de conséquences juridiques des faits qu'elles affirmaient ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE de sa demande de condamnation des époux Y... à lui payer la somme de 180.722,36 €, outre intérêts à 4,85 % sur 147.032,85 € et au taux légal sur la différence du 28 mars 2007 au jour du complet paiement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 2314 du Code civil dispose que "la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite". Il revient au créancier de justifier des diligences qu'il a effectuées pour préserver les droits de ce caution. Il appartient en revanche à la caution de démontrer le manquement du créancier qui empêche la subrogation d'opérer ses effets et lui permet d'être déchargé. En ce sens, M. et Mme Y... reprochent au Crédit Agricole de ne pas avoir accompli les diligences indispensables à la garantie de la créance en qualité de créancier privilégié et nanti et d'empêcher ainsi la subrogation légale qui bénéficie aux cautions. Aux termes de l'article L. 121-13, alinéa 1er, du Code des assurances, "Les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie… sont attribuées sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés ou hypothécaires suivant leur rang" ; et l'alinéa 2 dispose : « Néanmoins, le paiement fait avant opposition est valable". Alors que le Crédit Agricole bénéficiait ainsi, en application de cet article, du transport de l'indemnité d'assurance en cas de sinistre et pouvait agir directement contre la compagnie d'assurances, M. et Mme Y... lui reprochent de ne pas justifier avoir accompli les diligences nécessaires pour se faire produire annuellement la justification de la couverture d'assurance incendie et de l'acquit des primes ni les diligences qu'il devait effectuer après l'incendie survenu le 25 janvier 2007 ; de ne s'être jamais fait communiquer la police d'assurance et le bail pour permettre un désintéressement effectif en cas de sinistre incendie ; et de n'avoir pas formé opposition au paiement de l'indemnité d'assurance. Il appartenait en effet au Crédit Agricole de faire connaître à la compagnie d'assurance sa qualité de créancier privilégié et de faire opposition. Mais, sur ces divers griefs, le Crédit Agricole se borne à répondre qu'il n'a pas été informé de l'incendie par la compagnie d'assurances, que les sommes versées par celle-ci ont seulement permis de régler les frais de justice et qu'aucun règlement n'a permis de diminuer sa créance, qu'en raison du secret professionnel, même si une telle démarche, non imposée par les textes, avait été accomplie, la compagnie d'assurances aurait refusé de communiquer des documents contractuels entre elle et son assuré, que de même le contrat de bail est un pièce contractuelle liant locataire et propriétaire et n'a pas à être communiquée à un créancier, et que M. et Mme Y... pouvaient eux-mêmes communiquer les pièces qu'ils réclament aujourd'hui et reconnaissent que la police d'assurance souscrite ne garantissait pas l'intégralité des conséquences du sinistre. Par ces arguments, le Crédit agricole ne conteste pas qu'il n'a pas accompli les diligences nécessaires. Il a donc laissé perdre par sa négligence le bénéfice du droit préférentiel accordé par l'article L. 121-13 ci-dessus qui aurait permis aux cautions de bénéficier de l'effet de cette subrogation. En conséquence, le tribunal a justement retenu que, par application de l'article 2314 du Code civil, M. et Mme Y... devaient être totalement déchargés de tout paiement au profit du Crédit Agricole » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il appartient au créancier au créancier d'établir que le droit perdu n'aurait pu être invoqué utilement, à savoir que le droit perdu n'aurait pas permis à la caution de venir en rang utile pour être payée ou aurait été inefficace pour toute autre raison. Si le créancier n'allègue, ni ne démontre aucune cause de limitation de la décharge, celle-ci ne peut être que totale. La banque n'ayant fait valoir aucune explication sur l'application de l'article 2314 du Code civil, elle ne démontre pas que l'impossibilité pour les cautions de se prévaloir de l'attribution de l'indemnité d'assurance suite au sinistre incendie par application de l'article L. 121-13 du Code des assurances par subrogation ne leur cause pas de préjudice. En conséquence, il convient de décharger totalement Monsieur et Madame François Y... à l'égard de la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE en application de l'article 2314 du Code civil » ;

1°/ ALORS QUE la caution ne peut être déchargée de ses obligations que lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, en raison d'un fait fautif exclusivement imputable au créancier à l'origine du dommage invoqué par la caution ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de décharge des époux Y..., l'exposante soutenait qu'elle n'avait jamais été informée de la survenance de l'incendie par l'assureur ; qu'il s'ensuit que, quand bien même elle aurait omis de se faire communiquer le bail et le contrat d'assurance, ces négligences, à les supposer fautives, étaient dépourvues de tout lien causal avec le dommage allégué par les cautions, puisque la banque, dès lors qu'elle était dans l'ignorance du sinistre, aurait de toute façon été placée dans l'impossibilité de faire opposition au versement de l'indemnité d'assurance ou d'en réclamer l'attribution (cf. conclusions d'appel de l'exposante, p. 5 dernier § et p. 6, dernier §) ; que la Cour d'appel, après avoir pourtant expressément constaté que la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE soutenait n'avoir pas été informée de la survenance de l'incendie, s'est bornée à affirmer que la banque ne « contest ait pas qu' elle n'a avait pas accompli les diligences nécessaires » et qu'elle avait « laissé perdre par sa négligence le bénéfice du droit préférentiel accordé par l'article L. 121-13 du Code des assurances » ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la question de la connaissance par l'exposante de la survenance de l'incendie et sans caractériser, en conséquence, l'existence d'un lien de causalité entre les prétendues négligences imputées à la banque et le dommage invoqué par les cautions pour solliciter leur décharge, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE , ce faisant, la Cour d'appel n'a pas davantage caractérisé l'existence d'une faute exclusive de la banque à l'origine du préjudice invoqué par les cautions, et a privé de ce chef encore sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3°/ ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait du créancier ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la Compagnie d'assurance n'avait été condamnée à verser qu'une somme indemnitaire forfaitaire de 4.000 € entre les mains du débiteur principal en sorte que l'indemnité effectivement due par l'assurance au titre de l'incendie avait à peine permis de couvrir les frais de justice, comme l'établissait la lettre du 15 juin 2011, régulièrement produite aux débats devant la Cour d'appel, que lui avait adressée le liquidateur judiciaire du débiteur principal (cf. conclusions d'appel de l'exposante, p. 5, dernier § et prod.) ; que la Cour d'appel, après avoir pourtant constaté que, selon la banque, l'indemnité d'assurance avait seulement permis de régler les frais de justice, a déchargé Monsieur et Madame Y... de l'intégralité de leurs obligations de caution, au motif que la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE ne contestait pas ne pas avoir accompli les diligences nécessaires aux fins de se voir attribuer l'indemnité d'assurance due en cas d'incendie ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la valeur des droits dont Monsieur et Madame Y... avaient prétendument été privés et qui représentait la mesure de la décharge de ces derniers, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-18949
Date de la décision : 18/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 08 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jui. 2013, pourvoi n°12-18949


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18949
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award