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09/07/2013 | FRANCE | N°12-20387

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juillet 2013, 12-20387


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2012), que la société Cap transit international (la société) dont Mme X... et M. Y... étaient cogérants, a ouvert, le 20 décembre 2005, un compte courant dans les livres de la société HSBC France (la banque) avec autorisation de découvert à durée indéterminée ; que, le 29 décembre 2006, la banque a consenti à la société un crédit de trésorerie de 100 000 euros, dont Mme X... s'est

rendue caution à concurrence de 60 000 euros ; que, le 24 janvier 2008, la banqu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2012), que la société Cap transit international (la société) dont Mme X... et M. Y... étaient cogérants, a ouvert, le 20 décembre 2005, un compte courant dans les livres de la société HSBC France (la banque) avec autorisation de découvert à durée indéterminée ; que, le 29 décembre 2006, la banque a consenti à la société un crédit de trésorerie de 100 000 euros, dont Mme X... s'est rendue caution à concurrence de 60 000 euros ; que, le 24 janvier 2008, la banque ayant accepté de porter temporairement le découvert autorisé à la somme de 220 000 euros, Mme X... et M. Y... (les cautions) se sont rendus cautions solidaires de tous les engagements de la société respectivement à concurrence de 120 000 euros et 50 000 euros ; que, la société n'ayant pas respecté ses engagements, la banque a dénoncé l'autorisation de découvert et prononcé la déchéance du terme du prêt ; que, la société ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance et assigné en paiement les cautions qui ont recherché sa responsabilité, Mme X... invoquant en outre la nullité de ses engagements ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme de 154 588,65 euros à Mme X... et de 47 787,82 euros à M. Y... à titre de dommages-intérêts et d'avoir ordonné la compensation judiciaire entre les obligations réciproques d'une part de la banque et de Mme X..., d'autre part, de la banque et de M. Y..., à concurrence de la créance la plus faible, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de mise en garde qui pèse sur le banquier n'existe qu'au profit des cautions non averties ; que, pour retenir à l'encontre de la banque un manquement à son obligation de mise en garde à l'égard des cautions, la cour d'appel a énoncé que la qualité de « cogérants » de la société de Mme
X...
et de M. Y..., cautions, ne saurait suffire à en faire des professionnels avertis ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que Mme X... et M. Y... auraient été des cautions non averties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que tout jugement doit être motivé et qu'un motif dubitatif ou hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour retenir que la banque était tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de Mme X... et de M. Y..., la cour d'appel a énoncé qu'ils étaient des professionnels dans le déménagement mais semblaient peu avertis des problèmes financiers ; qu'en justifiant sa décision par de tels motifs dubitatifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'établissement fournisseur de crédit, auquel il appartient de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde, est dispensé de cette obligation s'il établit que son client a la qualité d'emprunteur averti ; qu'après avoir relevé que la banque ne pouvait ignorer la fragilité structurelle de la société, à laquelle elle avait elle-même accordé un crédit excessif compte tenu de ses capacités financières, l'arrêt retient que la banque avait méconnu son obligation de mise en garde vis-à-vis des cautions, dont la seule qualité de cogérants de la société ne pouvait suffire à en faire des professionnels avertis ; qu'en l'état de ces seules appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de rechercher si les cautions étaient averties, quand aucun élément des conclusions de la banque n'offrait de le prouver, et abstraction faite du motif dubitatif mais surabondant critiqué à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société HSBC France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société HSBC France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société HSBC France à payer une somme de 154.588,65 ¿ à Madame X... et de 47.787,82 ¿ à Monsieur Y... à titre de dommages et intérêts et d'AVOIR ordonné la compensation judiciaire entre les obligations réciproques d'une part de la banque et de Madame X..., d'autre part, de la banque et de Monsieur Y..., à hauteur de la créance la plus faible ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort de l'instruction que si la société Cap Transit International a connu une forte croissance dans les trois ans précédant sa liquidation et si sa structure financière était caractérisée par un montant de fonds propres s'accroissant en fonction des résultats non distribués et couvrant le montant des valeurs immobilisées, il sera néanmoins observé- ainsi que les premiers juges l'ont pertinemment relevé- que la décomposition de l'endettement d'origine bancaire démontrait que celui-ci était essentiellement à court terme, ce qui témoignait en tout état de cause d'une particulière vulnérabilité et fragilité financières à l'égard des établissements bancaires ; que l'appelante a ainsi participé à l'inadéquation de concours bancaires mis en place pour accompagner la croissance de la société Cap Transit International ; que par ailleurs, après avoir autorisé une augmentation temporaire du découvert bancaire consenti de 50.000 à 220.000 euros jusqu'au 30 avril 2008, elle a accepté l'échéancier de remboursement proposé par l'entreprise sans s'interroger sur la plausibilité financière de l'opération pour l'entreprise avant de dénoncer l'ensemble de ses concours ; qu'en apurant ainsi ceux-ci sans proposer des mesures de restructuration à la société créditée, alors qu'elle ne pouvait ignorer la fragilité structurelle sus rappelée de cette dernière et après qu'elle lui eût elle-même accordé un crédit excessif, compte tenu des capacités financières de l'intéressée, la banque HSBC doit être regardée comme ayant ainsi directement méconnu son obligation de conseil et de mise en garde vis-à-vis de la société Cap Transit International, ainsi que des intimés, dont la seule qualité de ¿cogérants' de cette dernière ne saurait suffire à en faire des professionnels avertis ; que l'appelante a, de la sorte, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la cour fait sienne l'évaluation du préjudice en résultant à laquelle ont procédé les premiers juges et correspondant au montant en capital des cautions appelées ; que ledit préjudice sera, dès lors, justement réparé par le paiement de dommages-intérêts de 154.588,65 euros à Madame X... et de 47.787,82 euros à Monsieur Y... ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Cap Transit International est une société qui a connu une très forte croissance dans les trois ans précédant sa liquidation (le chiffre d'affaires était de 1.717.725 ¿ pour 2005, 3.424.741 ¿ pour 2006, donc multiplié par 2 en un an, et de 10.037.170 ¿ au 30 juin 2008, donc multiplié à nouveau par 3 durant ces dix huit mois), que cette croissance très forte s'est faite dans des conditions d'exploitation satisfaisantes : le résultat d'exploitation a été de 87.008 ¿ en 2005, de 189.112 ¿ en 2006 et de 324.438 ¿ au 30 juin 2008 ; que la structure financière de cette société était caractérisée par un montant de fonds propres qui s'accroissait au rythme des résultats non distribués et couvrait le montant des valeurs immobilisées de telle sorte que le fonds de roulement était quasi nul, ce qui reflétait une situation financière tendue mais supportable, et que l'ensemble de l'endettement d'origine bancaire (239.954 ¿ au 31 décembre 2006, 728.754 ¿ au 30 juin 2008) n'a pas cru démesurément mais au même rythme que le chiffre d'affaires ; que la décomposition de l'endettement d'origine bancaire montre que l'endettement était très majoritairement à court terme (au 30 juin 2008, la dette à plus d'un an est de 112.618 ¿, la dette à moins d'un an de 619.389 ¿), ce qui démontrait une structure d'endettement peut orthodoxe et une grande vulnérabilité à l'égard des établissements bancaires ; que dans ce contexte, HSBC France a accepté d'augmenter temporairement le découvert qu'elle avait consenti à Cap Transit International de 50.000 ¿ à 220.000 ¿ jusqu'au 30 avril 2008, qu'elle s'étonne ensuite de constater que la défenderesse n'a pas respecté ses engagements alors ¿qu'elle lui avait demandé de revenir sans délai' au montant autorisé ; qu'elle précise même que, le 28 mai 2008, la société Cap Transit International proposait un échéancier de remboursement permettant le retour au montant autorisé de 50.000 ¿ à la date du 30 octobre 2008 et que ces modalités de remboursement donnaient lieu à la rédaction d'un protocole d'accord, qui n'a finalement pas été signé par la société Cap Transit International ; qu'en conséquence, elle dénonçait avec préavis de 60 jours les autorisations de découvert, ainsi que la convention de compte courant, le tout suivant courrier du 1er juillet 2008, ¿votre compte courant¿présente à ce jour un solde débiteur de 201.120,95 ¿, en dépassement de votre autorisation de découvert de 50.000 ¿. Nous n'avons pas convenance à voir perdurer cette situation¿ ¿ ; que le tribunal considère que HSBC : -en participant à l'inadéquation totale des concours bancaires mis en place (entre long terme et court terme) pour accompagner la croissance de Cap Transit International), - en acceptant l'échéancier de réduction du découvert proposé par cette société, sans demander d'explications complémentaires sur les moyens que la société entendait mobiliser alors que le niveau d'activité et la structure financière de la société rendait cette hypothèse totalement irréaliste, et qu'un examen un tant soit peut attentif des documents financiers l'aurait clairement démontré, - en tirant prétexte du fait que le protocole d'accord portant sur la réduction du découvert n'a pas été signé par la société défenderesse pour ensuite dénoncer l'ensemble de ses concours alors que les défendeurs soutiennent, sans en produire la preuve, que HSBC France leur aurait fait croire, après la réunion du 28 mai 2008, qu'un prêt de 350.000 ¿ allait être mis en place, ce qui, vu la situation financière de la société, semblait à tout le moins une mesure de bon sens, a manqué à son obligation de conseil, de professionnel diligent, de mise en garde vis-à-vis des défendeurs qui étaient des professionnels dans le domaine du déménagement mais semblaient peu avertis des problèmes financiers, manquements qui ont contribué à provoquer la mise en redressement judicaire de la société Cap Transit International, créant un préjudice à l'encontre des cautions Madame X... et Monsieur Y..., a ainsi engagé sa responsabilité civile délictuelle envers ceux-ci ; le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, estime que le préjudice correspond au montant en capital des cautions appelées et sera réparé par le paiement de dommages intérêts de 154.588,65 ¿ à Madame X... et de 47.787,82 ¿ Monsieur Y... ; le tribunal ordonnera la compensation judicaire entre les obligations réciproques d'une part de HSBC et Madame X... et d'autre part de HSBC et de Monsieur Y... à hauteur de la créance la plus faible ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'obligation de mise en garde qui pèse sur le banquier n'existe qu'au profit des cautions non averties ; que, pour retenir à l'encontre de la société HSBC France un manquement à son obligation de mise en garde à l'égard des cautions, la cour d'appel a énoncé que la qualité de « cogérants » de la société Cap Transit International de Madame X... et de Monsieur Y..., cautions, ne saurait suffire à en faire des professionnels avertis ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que Madame X... et Monsieur Y... auraient été des cautions non averties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE tout jugement doit être motivé et qu'un motif dubitatif ou hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société HSBC France était tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de Madame X... et de Monsieur Y..., la cour d'appel a énoncé qu'ils étaient des professionnels dans le déménagement mais semblaient peu avertis des problèmes financiers ; qu'en justifiant sa décision par de tels motifs dubitatifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la société HSBC France faisait valoir que le prêt de 100.000 ¿ et le découvert de 50.000 ¿ accordés le 29 décembre 2006 n'étaient pas démesurés, qu'ils étaient en phase avec l'entreprise (conclusions récapitulatives p.11), qu'il en était de même pour le dépassement de l'autorisation de 50.000 ¿ jusqu'à un plafond de 220.000 ¿ consenti pour une durée déterminée de trois mois s'échelonnant du 28 janvier 2008 au 30 avril 2008 dès lors que pour 2007, l'entreprise, aux termes d'un document préparatoire au bilan du 31.12.2007, confirmé ultérieurement par les comptes de résultat de l'exercice, justifiait d'un chiffre d'affaires de 5.798.067 ¿ et que le résultat avant impôt de cet exercice avait été de 770.170 ¿, qu'il n'existait à cette date aucune inscription sur le fonds, hormis l'inscription conventionnelle de 46.000 ¿ au profit de la Société Générale et celle de 110.000 ¿ profitant à la société HSBC (conclusions récapitulatives p.12), que des entretiens étaient immédiatement intervenus dès que le découvert avait dépassé le plafond autorisé et que la banque avait été très active entre les mois de février et juin 2008 (conclusions récapitulatives p.12 et 13), que les états financiers, de même que les prévisionnels produits par les dirigeants, démontraient que la situation financière n'était pas compromise (conclusions récapitulatives p.13) ; qu'en se bornant à affirmer que la société HSBC France avait consenti à la société Cap Transit International un crédit excessif compte tenu de ses capacités financières, sans s'en expliquer davantage et sans préciser les éléments qui auraient permis d'apprécier le caractère excessif du crédit au regard des capacités financières de la société Cap Transit International, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la cour d'appel qui a constaté que la société Cap Transit International, au jour du jugement déclaratif, se serait révélée débitrice de la société HSBC France pour un montant de 316.230,60 ¿ et qui a donné acte à la banque de ce qu'elle réduisait de 20.000 ¿ le montant de sa créance initialement déclarée à hauteur de 316.230,62 ¿, ne pouvait retenir qu'en dénonçant ses concours, la banque les avait apurés ; qu'en omettant ainsi de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QU' à son échéance, une banque est libre de ne pas renouveler un crédit consenti à durée déterminée ; que le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu, lorsqu'il se prévaut d'une exigibilité contractuelle née de l'arrivée du terme du prêt ou d'une dénonciation d'une ouverture de crédit avec préavis, de proposer de nouvelles mesures de restructuration ; qu'en condamnant la société HSBC France à payer à Madame X... la somme de 154.588,65 euros et à Monsieur Y... celle de 47.787,82 euros au motif qu'elle avait dénoncé l'ensemble de ses concours sans proposer de mesures de restructuration à la société créditée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la société HSBC soulignait qu'il lui aurait été nécessairement reproché d'avoir accordé un prêt de 350.000 ¿ en mai-juin 2008, fût-il de restructuration, dès lors qu'il lui était déjà imputé à faute l'octroi d'un prêt de trésorerie à moyen terme et le découvert en compte courant (conclusions récapitulatives signifiées le 30 janvier 2012 p.11) ; qu'en omettant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions de la société HSBC France de nature à écarter tout manquement de la banque pour ne pas avoir proposé des mesures de restructuration, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-20387
Date de la décision : 09/07/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2013, pourvoi n°12-20387


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.20387
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