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22/01/2014 | FRANCE | N°13-80257

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 2014, 13-80257


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Yvan B...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 mai 2011, n° 10-87. 768), l'a condamné, pour confirmation d'informations mensongères et complicité d'escroquerie et de banqueroutes, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 décembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'a

rticle 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme de la Lance, c...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Yvan B...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2012, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 mai 2011, n° 10-87. 768), l'a condamné, pour confirmation d'informations mensongères et complicité d'escroquerie et de banqueroutes, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 décembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller de la LANCE, les observations de Me SPINOSI, et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-7 et 313-1 du code pénal, L. 654-2 et L. 820-7 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. B... coupable de complicité d'escroquerie, de complicité de banqueroute par tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière et augmentation frauduleuse du passif du débiteur et du délit de diffusion d'informations mensongères sur la situation d'une personne morale par commissaire aux comptes ;
" aux motifs que la société Rieux, grossiste en vins, a été mise en redressement judiciaire le 7 février 2007, puis en liquidation judiciaire, le 1er juillet 2007, ses dirigeants M. X...gérant de droit et M. Y...gérant de fait, ont été condamnés pour banqueroute et escroquerie ; que M. Z..., comptable de la société, et M. B..., commissaire aux comptes, ont été déclarés coupables de complicité et pour le dernier de confirmation d'informations mensongères ; que les comptes de cette société présentaient depuis au moins 2002 de graves anomalies (dettes non comptabilisées, stocks surévalués) qui avaient permis de masquer d'importants déficits et d'obtenir le maintien des concours accordés par les banques ; que des procédures pour fraudes avaient également abouti à la condamnation des dirigeants qui vendaient des vins locaux sous des appellations d'origine géographique bien différentes et plus prestigieuses ; que l'instruction et les débats ont montré que dès septembre 2002 la SARL Rieux devenue ensuite société des vins des vignobles du sud, présentait une perte de 11 000 000 euros ; que des dettes fournisseurs étaient reportées artificiellement après clôture de l'exercice, et une surévaluation très nette de la valeur des stocks était systématique. Sans ces faux bilans la société aurait du déposer son bilan dès 2002 car elle était en cessation de paiements, mais dans le même temps les dirigeants bénéficiaient d'augmentations de salaires excessives ; que les faux bilans permettaient à la société d'obtenir notamment de la Banque populaire du Sud le maintien d'une ligne d'escompte de deux millions d'euros et un crédit de trésorerie de un million et demi d'euros, outre un contrat d'affacturage, faits sanctionnés par la déclaration de culpabilité pour des faits d'escroqueries et complicité aujourd'hui définitive, prononcée contre les trois autres prévenus ; que M. B... a été déclaré coupable par le tribunal de confirmation d'informations mensongères en sa qualité de commissaire aux comptes, délits prévu et puni par l'article L. 820-7 du code de commerce, et de complicité d'escroquerie commise au moyen de ces faux comptes qu'il approuvait en connaissance de cause ; que la cour de Montpellier l'a relaxé au motif qu'il n'avait pas commis de faits positifs de complicité, sa relative incompétence professionnelle, son manque de curiosité professionnelle et sa passivité ne pouvant à eux seuls constituer ces actes positifs de complicité ; qu'il était pourtant établi que son prédécesseur M. A...(démissionnaire) avait porté à sa connaissance qu'il avait refusé de certifier les comptes de 1997 et 1999, avait émis des réserves en 1998 et avait constaté en 2000 des incohérences dans les mouvements de stocks, ses avis au parquet n'avaient pourtant pas eu de suite judiciaire ; que, plus précisément, dans sa réponse à M. B..., M. A..., après avoir évoqué les bilans suscités terminait par ce paragraphe : " ces positions (refus de certification et réserves) résultent des difficultés que nous avons rencontrées pour vérifier la cohérence des mouvements de stock par nature de produit sur l'exercice. Nous en avons tiré toutes les conséquences sur l'exercice de notre mandat compte tenu des obligations qui sont les nôtres " ; qu'au-delà de la prudence et de la courtoisie dans l'expression, ce commissaire aux comptes démissionnaire ne pouvait pas être plus clair sur le caractère suspect, pour le moins, de la comptabilité qu'il avait examinée ; qu'en effet, les investigations ultérieures ont montré une facturation décalée des ventes de vins par les coopératives qui étaient payées par un " complément de prix " dans l'exercice suivant, procédé permettant le report de dettes d'un exercice sur l'autre et en outre les stocks étaient très largement surévalués, par un prix à l'hectolitre allant jusqu'au double de la valeur moyenne du prix courant pour ces types de vin, ou pour reprendre l'expression de M. A...selon " la nature des produits " ; que cette valeur moyenne étant, pour vérification, très facile à obtenir de l'office national des vins ; que M. B... doit être déclaré coupable du délit de confirmation d'informations mensongères alors qu'il devait, comme son prédécesseur, refuser la certification de comptes qui contenaient des inexactitudes et falsifications qui ne devaient pas lui échapper dans l'exercice de sa mission légale de commissaire aux comptes ; qu'à l'audience, M. B... affirme qu'il faisait des vérifications sur les opérations et écritures concernant la taxe à la valeur ajoutée, et confirme que, pour le reste, il n'a rien remarqué d'anormal, ce qui confirmerait pour sa défense l'absence de tout acte positif de complicité en connaissance de cause ; que la notion de complicité doit s'apprécier en fonction des faits principaux et de la qualité du complice ; qu'en l'espèce, il s'agit de banqueroute et d'escroqueries au moyen d'une fausse comptabilité et c'est le commissaire aux comptes qui se voit reprocher d'en avoir été le complice en certifiant ces comptes faux ; que la certification des comptes d'une société exige du commissaire aux comptes, c'est sa mission, sa raison d'être commissaire aux comptes qu'il vérifie ces comptes avant certification, alors surtout en l'espèce qu'il sait que les bilans ont été dénoncés au parquet par son prédécesseur, qu'il possède les connaissances techniques en comptabilité pour remplir son rôle ; qu'il a le personnel nécessaire, et l'accès à tout ce qui peut être utile à sa mission ; que les pratiques de report de dettes ou de " complément de prix " ne peuvent pas échapper à un simple examen des bilans et comptes de cette société, surtout pour un comptable averti de précédents refus de certification ; qu'en outre, l'évaluation des stocks est encore un point très sensible, aussi bien en général au bilan des sociétés qu'en particulier dans une société de vente de vins, la vérification tant en matière qu'en valeur est facile et celui qui est investi d'une mission de vérification ne peut pas se contenter, comme déclare à l'audience l'avoir fait M. B..., des dires du maître de chais ; que son titre, sa fonction, sa qualification professionnelle et sa déontologie, sa mission permanente de contrôle imposent au commissaire aux comptes un rôle actif, que M. B... reconnaît ne pas avoir assumé, c'est l'élément matériel du délit de complicité qui lui est reproché, car ainsi il aidait et assistait par ses certifications les auteurs principaux dans la commission des escroqueries qui leur ont valu d'être condamnés ; que l''élément intentionnel est également constitué par la connaissance que ne pouvait pas ne pas avoir, toujours en sa qualité de commissaire aux comptes, M. B... de l'usage frauduleux qui ne manquerait pas d'être fait par les dirigeants de cette société des comptes qu'il certifiait alors qu'il ne devait pas le faire ;
" 1) alors que la complicité par abstention n'est punissable que s'il est démontré une collusion antérieure, la simple défaillance ne pouvant caractériser la connaissance de l'infraction principale ; qu'en se bornant à relever, par des motifs abstraits, la mission du commissaire aux comptes, les moyens dont il dispose pour l'accomplissement de celle-ci, que M. B... n'a pas assumé sa mission, aidant ainsi, par ses certifications, les auteurs principaux dans la commission des escroqueries, sans établir ni en quoi le prévenu avait connaissance de la fraude mise en place, ni une collusion préalable avec ses auteurs ou une implication de l'exposant dans le processus délictueux en amont, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 121-7 du code pénal ;
" 2) alors qu'en se bornant à relever que M. B... ne pouvait pas ne pas avoir, en sa qualité de commissaire aux comptes, la connaissance de « l'usage frauduleux qui ne manquerait pas d'être fait par les dirigeants de cette société des comptes qu'il certifiait alors qu'il n'aurait pas du le faire », présumant ainsi la connaissance par M. B... de la fraude des dirigeants, du seul fait de sa fonction de commissaire aux comptes, instituant de fait une présomption de culpabilité irréfragable insusceptible d'être renversée par une preuve contraire qui, par nature, n'existe pas, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence de M. B... telle qu'elle est garantie par l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3) alors que le complice n'est punissable que lorsqu'il s'abstient sciemment d'agir, avec la parfaite conscience que son inaction facilite la commission de l'infraction, cette connaissance devant être caractérisée par les juges du fond, la seule défaillance dans l'exercice de sa mission par le commissaire aux comptes ne caractérisant pas l'élément intentionnel de la complicité ; qu'en se bornant à relever que M. B... ne pouvait pas ne pas avoir, en sa qualité de commissaire aux comptes, la connaissance de « l'usage frauduleux qui ne manquerait pas d'être fait par les dirigeants de cette société des comptes qu'il certifiait alors qu'il n'aurait pas du le faire », la cour d'appel, qui a ainsi présumé la connaissance par M. B... de la fraude des dirigeants, du seul fait de sa fonction de commissaire aux comptes et sans rapporter le moindre élément matériel susceptible de la démontrer, s'est prononcée par des motifs hypothétiques ;
" 4) alors qu'en se bornant à présumer la connaissance de la fraude de la seule qualité de commissaire aux comptes du demandeur, la cour d'appel s'est totalement abstenue de répondre aux conclusions régulièrement déposées par le prévenu et qui faisaient valoir, en s'appuyant sur les circonstances factuelles et concrètes de l'espèce, l'absence de tout élément intentionnel ;
" 5) alors que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur les faits susceptibles de caractériser le délit de confirmation d'informations mensongères dont elle a pourtant déclaré le prévenu coupable " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux janvier deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-80257
Date de la décision : 22/01/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 11 décembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 2014, pourvoi n°13-80257


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Ricard, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.80257
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