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12/05/2015 | FRANCE | N°12-86776

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mai 2015, 12-86776


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Martial X...,
- Mme Sophie Y..., épouse X...,
- M. Stéphane X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 11 septembre 2012, qui a condamné, le premier et le troisième, pour travail dissimulé, à 10 000 euros d'amende, et la deuxième, pour travail dissimulé et harcèlement moral, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statu

ant après débats en l'audience publique du 17 mars 2015 où étaient présents dans la formation...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Martial X...,
- Mme Sophie Y..., épouse X...,
- M. Stéphane X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 11 septembre 2012, qui a condamné, le premier et le troisième, pour travail dissimulé, à 10 000 euros d'amende, et la deuxième, pour travail dissimulé et harcèlement moral, à six mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 1152-1, L. 1155-2, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 82224-3 et L. 8224-4 du code du travail, des articles 222-33-2, 222-44 et 222-50-1 du code pénal, des articles 1382 et 1850 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant déclaré Mme Sophie Y...épouse X... et de MM. Stéphane X... et Martial X... coupables des faits qui leur étaient reprochés, a condamné Mme X... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros et MM. Stéphane X... et Martial X... au paiement, chacun, d'une amende de 10 000 euros et les a condamnés, solidairement, à payer à Mme Z...épouse A..., la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts, à M. B..., la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts et à l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs qu'à bon droit les premiers juges ont retenu chacun des prévenus dans les liens de la prévention de travail dissimulé par dissimulation d'heures travaillées, les prévenus intervenant MM. Martial puis Stéphane X... successivement comme gérants de droit et Mme X... comme gérante de fait puisqu'elle recrutait et payait les salariés, le dépassement des horaires de travail par rapport à ceux stipulés aux contrats de travail étant établi par deux témoignages concordants confirmant les déclarations des plaignants l'un d'un ancien salarié, le second par la personne considérée comme responsable du magasin en ce qu'elle était chargée de l'ouverture et la fermeture du magasin et selon les déclarations à la cour de M. Martial X...comme étant chargé de passer les commandes, étant relevé qu'aucun dispositif de contrôle des horaires effectués n'était mis en place de sorte qu'aucune trace de dépassement des horaires déterminés par voie conventionnelle ne pouvait être détectés en cas d'inadvertance par omission de pointage au moment de la terminaison officielle du temps de travail déclaré ; que le fait qu'il soit stipulé contractuellement que les heures supplémentaires doivent être autorisées et que lors de la remise de la paye un reçu pour solde de tout compte était signé systématiquement-pratique curieuse puisqu'un solde de tout compte n'est établi qu'à la clôture définitive des relations contractuelles entre employeur et salarié-, comme le font plaidé les consorts X..., est sans emport puisqu'il ne s'agit que de subterfuges frauduleux mis en oeuvre afin d'éviter la déclaration officielle des heures supplémentaires effectuées au détriment d'une part des salariés concernés soucieux de conserver leur emploi dans un contexte de chômage endémique d'autant qu'il s'agissait d'un travail n'imposant pas de qualification spéciale et pour lequel un remplaçant pouvait être trouvé avec extrême facilité, ce qui explique par ailleurs la non dénonciation de la situation à l'inspection du travail même si les coordonnées de cette administration étaient affichées dans les locaux du magasin, mais aussi d'autre part des organismes collecteurs de cotisations sociales ; qu'il est imputé à Mme X... différents faits réitérés (conditions de travail difficiles sans pose, remontrances publiques diffusées par le réseau de communication public interne) commis au préjudice des plaignants lesquels justifient d'arrêts de travail à la suite desquels ils n'ont pas repris leurs activités au sein de la société Cash Du Soleil ; que les déclarations des plaignants sont concordantes et corroborées par le témoignage d'un ancien salarié mais encore par les constatations réalisées par les policiers lors de la surveillance du magasin et qui accréditent le défaut de pose méridienne des salariés du magasin qui étaient tenus d'interrompre « leur repas » pour se mettre au service de la clientèle et qui travaillaient, avec leur légère tenue de travail en hiver dans des locaux ouverts aux quatre vents, les obligeant à se réchauffer les mains au moyen de leur propre souffle ; que s'il n'est pas établi que les plaignants aient été injuriés par Mme X... qui usait du réseau interne de surveillance et de communication des magasins, il n'en demeure pas moins que les remarques et rappels à l'ordre ainsi adressés de façon délibérée aux plaignants constituaient à leur égard des attitudes vexatoires et humiliantes dès lors que, selon les propres déclarations des prévenus, la diffusion des propos était opérée au même instant dans tous les magasins du groupe X... et ainsi portée à la connaissance des autres salariés et au-delà de la clientèle même ; que de tels agissements, qui dépassaient le cadre des pouvoirs d'encadrement et de direction de Mme X... laquelle agissait comme gérante de fait, ont eu pour effet une dégradation manifeste des conditions de travail des plaignants qui a porté atteinte à leur dignité de salarié et a altéré leur état de santé et les a amené compte tenu de leurs caractères insupportables à ne plus pouvoir reprendre leurs activités au sein de la société Cash Du Soleil ; qu'à bon droit, les premiers juges ont retenu Mme X... dans les liens de la prévention pour harcèlement moral ; qu'au regard des faits commis et des éléments de personnalité recueillis pour chacun des prévenus, il y a lieu d'infliger à MM. Martial X... et à Stéphane X... chacun une amende de 10 000 euros et à Mme Sophie Y...épouse X... une peine de six mois d'emprisonnement assorti du sursis simple ainsi qu'une amende de 10 000 euros ;

" 1°) alors que la direction de fait d'une société ne peut résulter que de constatations démontrant que l'intéressé a eu une activité positive de direction et de gestion de la société qu'il a exercée en toute indépendance ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Mme Sophie X... au motif qu'elle était gérante de fait puisqu'elle recrutait et payait les salariés sans rechercher si elle suivait en cela les instructions du gérant de la société ou si ces actes avaient été accomplis en toute indépendance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 2°) alors que la délégation de pouvoir confère à son bénéficiaire les pouvoirs qui lui sont délégués et opère transfert de responsabilité pénale sur la seule personne du délégataire à l'exclusion de celle du délégant ; que MM. Martial et Stéphane X... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que M. D...avait attesté avoir été le seul en charge de la gestion du personnel et qu'il bénéficiait d'une délégation de pouvoir concernant la gestion du personnel ce qu'il avait confirmé par une attestation ; qu'en entrant en voie de condamnation contre MM. Martial et Stéphane X..., intervenus successivement comme gérant de droit de la société, sans répondre à ce chef péremptoire de leurs conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;

" 3°) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. Martial X... a été gérant de la société Cash Du Soleil jusqu'en mars 2004 date à laquelle son fils M. Stéphane X... lui a succédé jusqu'au 3 juillet 2007 ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. Martial X... pour des faits de travail dissimulé commis du 17 juillet 2004 au 24 janvier 2007 au motif que les prévenus MM. Martial puis Stéphane X... sont intervenus successivement comme gérants de droit tout en constatant que M. Martial X... n'était pas gérant de droit de la société durant la période de la prévention, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;

" 4°) alors que le harcèlement moral suppose que soient établis des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail ; que les conditions de travail difficiles auxquelles est soumis un employé dès son embauche ne permettent pas de caractériser un harcèlement moral ; qu'en entrant en voie de condamnation du chef de harcèlement moral en raison de conditions de travail difficiles sans pose dès lors que les salariés étaient tenus d'interrompre leur repas pour se mettre au service de la clientèle et de travailler en hiver dans des locaux ouverts aux quatre vents alors que la pénibilité du travail pour lequel les salariés ont été embauchés ne peut caractériser un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé la qualité de gérant de fait de Mme Y..., épouse X..., ainsi qu'en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 1152-1, L. 1155-2, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 82224-3 et L. 8224-4 du code du travail, de l'article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a condamné Mme Sophie Y...épouse X... et MM. Stéphane X... et Martial X..., solidairement, à payer à Mme Z...épouse A..., la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts, à M. B..., la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts et à l'URSSAF des Bouches du Rhône, la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs qu'à bon droit les premiers juges ont accueilli en leur constitution de parties civiles Mme Z...épouse, A..., M. B...et L'URSSAF des Bouches du Rhône ; quant au préjudice de l'URSSAF, qu'il convient de rappeler que le versement des cotisations relève de la seule responsabilité de la société Cash Du Soleil, les dirigeants pénalement responsables ne peuvent donc être condamnés qu'aux dommages-intérêts réparant le préjudice causé à l'organisme, à ce titre une indemnité de 6 000 euros sera mise à la charge de Mme et MM X... qui y sont tenus solidairement ; qu'en réparation du préjudice subi par Mme Z...épouse, A... et M. B..., Mme et MM. X... leur régleront solidairement, à chacun, la somme de 3 500 euros ;

" alors que l'indemnité due aux parties civiles en réparation du préjudice causé par l'infraction est déterminée, par les juges du fond, dans les limites des conclusions des parties ; qu'il résulte des conclusions d'appel de l'URSSAF que celle-ci sollicitait, à titre de dommages-intérêts, le paiement des cotisations éludées à hauteur de 32 355, 13 euros ; qu'en affirmant que le versement des cotisations relevait de la seule responsabilité de la société Cash Du Soleil tout en condamnant les prévenus à payer, solidairement, à l'URSSAF la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés " ;

Vu les articles 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 du même code et 1382 du code civil ;

Attendu que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, d'autre part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'après avoir débouté l'URSSAF de sa demande en paiement des cotisations éludées à hauteur de 32 355, 13 euros, l'arrêt condamne solidairement les prévenus à lui verser une somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, dans les conclusions déposées par l'URSSAF devant les juges du second degré, celle-ci ne sollicitait que le paiement des cotisations éludées, sans réclamer aucune autre indemnité à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 septembre 2012 en ses seules dispositions relatives à la réparation du préjudice subi par l'URSSAF, partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze mai deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-86776
Date de la décision : 12/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mai. 2015, pourvoi n°12-86776


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:12.86776
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