La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2015 | FRANCE | N°14-80213

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 juin 2015, 14-80213


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Entreprise Carvalho,
- La société Eiffage Construction Nord Aquitaine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2013, qui, pour homicide involontaire, les a condamnées, la première à 15 000 euros d'amende, la seconde à 30 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la diffusion de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'au

dience publique du 12 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La société Entreprise Carvalho,
- La société Eiffage Construction Nord Aquitaine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2013, qui, pour homicide involontaire, les a condamnées, la première à 15 000 euros d'amende, la seconde à 30 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la diffusion de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Finidori, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., chef d'équipe de la société Entreprise Carvalho, a fait une chute mortelle, à partir d'une petite trémie donnant sur le vide, lors d'une prise de cotes sous toiture, alors qu'il travaillait sur un chantier où cette entreprise intervenait en qualité de sous-traitant de la société Eiffage Construction Nord Aquitaine, titulaire du marché de construction ; qu'au moment de l'accident, Manuel X...assistait le conducteur de travaux de son entreprise, les deux hommes ayant accédé sous le toit en utilisant des pans d'échafaudage en guise d'échelle, sans équipement individuel de sécurité prévenant les chutes en hauteur et après avoir constaté sur place l'absence de protection collective autour du lieu qui présentait un danger évident ;

Attendu qu'une information a été ouverte pour homicide involontaire et qu'à l'issue de celle-ci, le juge d'instruction a renvoyé de ce chef les sociétés Entreprise Carvalho et Eiffage Construction Nord Aquitaine devant le tribunal correctionnel ; que le tribunal a relaxé la société Entreprise Carvalho et déclaré la société Eiffage Construction Nord Aquitaine coupable du délit ; que cette dernière et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini pour la société Entreprise Carvalho, pris de la violation des articles 121-2, 221-7 du code pénal, 6, 188, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société entreprise Carvalho coupable d'homicide involontaire ;

" aux motifs que le non-lieu en l'absence de toute mise en examen du chef d'emploi de travailleur sans mesure de protection contre les chutes de personne n'a aucun effet sur le renvoi du chef d'homicide involontaire dans le cadre du travail, au regard de certains éléments constitutifs communs aux deux infractions et d'un cumul idéal éventuel d'infractions au profit de l'incrimination absorbante la plus grave ; que l'absence de poursuites contre les personnes physiques n'a aucun effet sur les poursuites contre les personnes morales, car il faut et il suffit pour que les personnes morales soient condamnées que l'infraction ait été commise pour leur compte, par leurs organes ou représentants, sans qu'il soit nécessaire que les personnes physiques soient poursuivies ou condamnés des faits et infractions reprochés aux personnes morales, en application des dispositions de l'article 121-2 du code pénal ; que les infractions au code du travail et l'homicide involontaire dans le cadre du travail, et non spécifiquement du contrat de travail, sont susceptibles d'être commis par d'autres que l'employeur direct de la victime notamment à partir du moment où cet employeur travaille en sous-traitance pour la société ayant notamment en charge la sécurité générale du chantier, et réalise un travail expressément demandé par cette société et prévu par le plan contractuel général des travaux ; que la présente prévention d'homicide involontaire dans le cadre du travail retient le fait, contre la société Eiffage de ne pas avoir maintenu en place les protections des trémies du plancher supérieur, ni interdit l'accès à cette partie du chantier alors que la société avait en charge les protections collectives du chantier, et contre la société Carvalho d'avoir fait intervenir un chef d'équipe dans une zone non sécurisée sans être équipé de mesures de protection individuelle personnelle contre les chutes de personnes ; que les dispositions retenues du code du travail imposent de manière totale et absolue dans les zones et pour les travaux dangereux des protections temporaires collectives, individuelles, de délimitation signalisation et interdiction, durant tout le temps des travaux et jusqu'à leur achèvement total ; que selon l'enquête de l'inspection du travail et l'enquête pénale, le lieu de l'accident n'était ni interdit d'accès, ni inaccessible, ni doté d'une protection collective, ni le salarié doté d'une protection individuelle, alors que des travaux étaient en cours et qu'aucun achèvement n'avait été constaté ; qu'en effet, étaient présents sur les lieux divers salariés et matériels, dont des entreprises de carrelage et plomberie sous traitants d'Otv et d'Eiffage, en plus de M. X...et M. Y..., alors que le directeur des travaux d'Eiffage avait demandé au conducteur de travaux de l'entreprise Carvalho la réalisation d'un travail conforme au plan général des travaux, et qu'aucun élément n'interdisait l'accès à ce lieu, ni obstacle ni signalisation matériels, ni document contractuel ou notifié ; que l'accès à la partie supérieure du bâtiment n'était pas condamné et que si Eiffage avait installé une porte, celle-ci était ouverte et permettait l'accès à divers ouvriers et le dépôt de leur matériel ; que devant la cour, le représentant d'Eiffage précisait même ignorer comment était organisée la fermeture de cette porte et le contrôle de l'accès à la clef, alors que la procédure ne contient aucun élément sur ce point ; que de plus, la victime avait matériellement pu accéder au dernier niveau du bâtiment en utilisant des éléments d'échafaudage laissés sur place par le personnel d'un autre sous-traitant ; que les trémies étaient entièrement ouvertes, les sécurités collectives ayant été retirées huit jours avant l'accident alors que le travail de la victime concernait non le gros oeuvre en béton, mais la toiture ; qu'enfin, M. X...et M. Y...n'étaient munis d'aucune mesure de protection individuelle personnelle contre les chutes de personnes ; que selon le plan général de coordination et le plan particulier de sécurité et de protection de la santé établi par les sociétés Eiffage et Otv, la société Eiffage était en charge des protections collectives sur l'ensemble du chantier et ce jusqu'à la mise en place des protections définitives ; que ces éléments sont confirmés par l'ensemble des documents du marché dont les conditions particulières de sous traitance de génie civil Otv/ Eiffage, ainsi que par les déclarations constantes des sociétés Otv, Qualiconsult Securite, Carvalho ; qu'ils ne sont pas niés par la société Eiffage ; que c'est la société Eiffage qui avait installé puis démonté les protections autour des trémies lesquelles relevaient de son travail de gros oeuvre en béton ; que la société Carvalho indiquait que la brièveté de l'intervention des salariés expliquait l'absence d'équipement individuel de sécurité ; mais qu'il apparaît que le dirigeant M. Z...ne s'était pas occupé de ce chantier et donc n'avait pas évalué les risques, alors que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé de l'entreprise était un document type, donc les risques évalués n'étaient pas propres au chantier ; que de plus, dans cette société, les formations en matière de sécurité étaient peu nombreuses, internes, et souvent animées, le cas échéant hors la présence du dirigeant M. Z..., par M. Y..., sans formation théorique en matière de conduite de travaux comme de sécurité et d'utilisation d'échafaudage, et sans délégation de pouvoir ; qu'ainsi, le dirigeant M. Z...a délibérément choisi de confier à un salarié non formé à cet effet la responsabilité de la formation des salariés de l'entreprise en matière de sécurité ; que c'est ce salarié de la société Carvalho, conducteur de travaux sans délégation de pouvoir, qui a demandé à la victime de l'accompagner sur le lieu des faits sans matériel de protection individuel, alors que l'intervention n'était pas programmée, sans avertir quiconque, en utilisant un matériel d'accès inapproprié, en constatant l'absence de protections collectives autour d'un lieu dangereux d'évidence, et de surcroît sans matériel de mesure également emprunté sur place ; que M. Y...a reconnu qu'il n'aurait pas dû accéder ainsi à l'endroit des trémies non protégées, alors qu'il connaissait ces règles puisqu'il les a respectées antérieurement puis postérieurement ; que par ailleurs il apparaît que les sociétés Eiffage et Qualiconsulte Securite ont fait plusieurs rappels de sécurité sur les protections individuelles, ce que confirmait la veuve de la victime, à la société Carvalho ayant déjà connu un accident mortel par chute en 2000 ; que tandis que le coordonnateur de la sécurité avait été amené à rappeler à plusieurs reprises à Eiffage ses obligations sur les protections collectives, le non respect de ces règles, tant en ce qui concerne les protections collectives qu'en ce qui concerne les protections individuelles, constitue une faute caractérisée, cause directe de la chute du salarié et en conséquence de son décès ; qu'ainsi, les faits et les éléments constitutifs de la prévention sont établis, comme la culpabilité des prévenues les sociétés Eiffage et Carvalho, qui doivent être condamnés du chef de la prévention ;

" 1°) alors que la société Entreprise Carvalho était renvoyée devant la juridiction correctionnelle pour avoir dans le cadre du travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, en faisant intervenir un chef d'équipe dans une zone non sécurisée sans être équipé de mesure de protection individuelle personnelle contre les chutes de personnes, involontairement causé la mort de la victime ; qu'en déclarant la société Entreprise Carvalho coupable du chef de prévention précité du fait du choix délibéré de son dirigeant de confier à un salarié non formé à cet effet la responsabilité de la formation des salariés de l'entreprise en matière de sécurité quand ce manquement n'était pas visé par les termes de la prévention, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine et privé sa décision de base légale ;

" 2°) alors que seul le salarié d'une société titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, et comme tel investi dans ce domaine de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission, peut être un représentant de la personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal, et engager la responsabilité de celle-ci en cas d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu'il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation ; qu'en retenant la responsabilité pénale de la société Entreprise Carvalho sur le fondement du non respect des règles concernant les protections individuelles commis par l'un de ses salariés, conducteur de travaux, dont elle avait expressément relevé qu'il n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoirs, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 121-2 du code pénal et privé sa décision de toute base légale ;

" 3°) alors qu'une ordonnance de non lieu fait obstacle à la condamnation, pour les mêmes faits, d'une personne qui a été mise en examen lors de l'information, entendue comme témoin assisté, nommément désignée par les réquisitions du ministère public ou dans une plainte avec constitution de partie civile ou qui a fait l'objet d'une mise en cause explicite lors des poursuites ; qu'expressément mise en cause par le procès-verbal de l'Inspection du travail à l'origine de l'information ouverte des chefs d'homicide involontaire dans le cadre du travail et d'emploi de travailleur sur chantier de bâtiment et travaux publics sans mesure de protection contre les chutes, la société Entreprise Carvalho n'a finalement été mise en examen que du chef d'homicide involontaire, les réquisitions aux fins de non-lieu partiel rendues par M. le procureur ayant expressément affirmé, après l'avoir visée, qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit d'emploi de travailleur sur chantier de bâtiments et travaux publics sans mesure de protection contre les chutes de personnes ; qu'en imputant néanmoins à la société Entreprise Carvalho les faits de manquement au respect des règles concernant les mesures de protection individuelle contre les chutes de personnes, quand l'information conduite sur ces mêmes faits et clôturée par une ordonnance de non-lieu partiel devenue définitive faisait nécessairement obstacle à sa condamnation du chef de ces faits, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale " ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par la société civile professionnelle Célice, Blancpain, Soltner et Texidor pour la société Eiffage Construction Nord Aquitaine, pris de la violation des articles des articles 121-2, 221-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Eiffage coupable d'homicide involontaire et l'a condamnée à une peine d'amende de 30 000 euros ;

" aux motifs propres que la présente prévention d'homicide involontaire dans le cadre du travail retient le fait, contre la société Eiffage de ne pas avoir maintenu en place les protections des trémies du plancher supérieur, ni interdit l'accès à cette partie du chantier alors que la société avait en charge les protections collectives du chantier, et contre la société Carvalho d'avoir fait intervenir un chef d'équipe dans une zone non sécurisée sans être équipé de mesures de protection individuelle personnelle contre les chutes de personnes ; que les dispositions retenues du code du travail imposent de manière totale et absolue dans les zones et pour les travaux dangereux des protections temporaires collectives, individuelles, de délimitation signalisation et interdiction, durant tout le temps des travaux et jusqu'à leur achèvement total ; que selon l'enquête de l'inspection du travail et l'enquête pénale, le lieu de l'accident n'était ni interdit d'accès, ni inaccessible, ni doté d'une protection collective, ni le salarié doté d'une protection individuelle, alors que des travaux étaient en cours et qu'aucun achèvement n'avait été constaté ; qu'en effet, étaient présents sur les lieux divers salariés et matériels, dont des entreprises de carrelage et plomberie sous-traitants d'OTV et d'Eiffage, en plus de Manuel X... et M. Jean Noël Y..., alors que le directeur des travaux d'Eiffage avait demandé au conducteur de travaux de l'entreprise Carvalho la réalisation d'un travail conforme au plan général des travaux, et qu'aucun élément n'interdisait l'accès à ce lieu, ni obstacle ni signalisation matériels, ni document contractuel ou notifié ; que l'accès à la partie supérieure du bâtiment n'était pas condamné ; qu'et si Eiffage avait installé une porte, celle-ci était ouverte et permettait l'accès à divers ouvriers et le dépôt de leur matériel ; que devant la cour, le représentant d'Eiffage précisait même ignorer comment était organisée la fermeture de cette porte et le contrôle de l'accès à la clef, alors que la procédure ne contient aucun élément sur ce point ; que de plus, la victime avait matériellement pu accéder au dernier niveau du bâtiment en utilisant des éléments d'échafaudage laissés sur place par le personnel d'un autre sous-traitant ; que les trémies étaient entièrement ouvertes, les sécurités collectives ayant été retirées 8 jours avant l'accident, alors que le travail de la victime concernait non le gros oeuvre en béton mais la toiture ; qu'enfin, Manuel X... et M. Jean Noël Y...n'étaient munis d'aucune mesure de protection individuelle personnelle contre les chutes de personnes ; que selon le plan général de coordination et le plan particulier de sécurité et de protection de la santé établi par les sociétés Eiffage et OTV, la société Eiffage était en charge des protections collectives sur l'ensemble du chantier et ce jusqu'à la mise en place des protections définitives ; que ces éléments sont confirmés par l'ensemble des documents du marché dont les conditions particulières de sous-traitance de génie civil OTV/ Eiffage, ainsi que par les déclarations constantes des sociétés OTV, Qualiconsult Sécurité, Carvalho ; ils ne sont pas niés par la société Eiffage ; que c'est la société Eiffage qui avait installé puis démonté les protections autour des trémies lesquelles relevaient de son travail de gros oeuvre en béton ; que la société Carvalho indiquait que la brièveté de l'intervention des salariés expliquait l'absence d'équipement individuel de sécurité ; mais qu'il apparaît que, le dirigeant M. Bruno Z...ne s'était pas occupé de ce chantier et donc n'avait pas évalué les risques, alors que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé de l'entreprise était un document type, donc les risques évalués n'étaient pas propres au chantier ; que de plus, dans cette société, les formations en matière de sécurité étaient peu nombreuses, internes, et souvent animées, le cas échéant hors la présence du dirigeant M. Bruno Z..., par M. Jean Noël Y..., sans formation théorique en matière de conduite de travaux comme de sécurité et d'utilisation d'échafaudage, et sans délégation de pouvoir ; qu'ainsi, le dirigeant M. Bruno Z...a délibérément choisi de confier à un salarié non formé à cet effet la responsabilité de la formation des salariés de l'entreprise en matière de sécurité ; que c'est ce salarié de la société Carvalho, conducteur de travaux sans délégation de pouvoir, qui a demandé à la victime de l'accompagner sur le lieu des faits sans matériel de protection individuel, alors que l'intervention n'était pas programmée, sans avertir quiconque, en utilisant un matériel d'accès inapproprié, en constatant l'absence de protections collectives autour d'un lieu dangereux d'évidence, et de surcroît sans matériel de mesure également emprunté sur place ; que M. Jean Noël Y...a reconnu qu'il n'aurait pas dû accéder ainsi à l'endroit des trémies non protégées, alors qu'il connaissait ces règles puisqu'il les a respectées antérieurement puis postérieurement ; que par ailleurs, il apparaît que les sociétés Eiffage et Qualiconsult Sécurité ont fait plusieurs rappels de sécurité sur les protections individuelles, ce que confirmait la veuve de la victime, à la société Carvalho ayant déjà connu un accident mortel par chute en 2 000 ; tandis que le coordonnateur de la sécurité avait été amené à rappeler à plusieurs reprises à Eiffage ses obligations sur les protections collectives ; que le non-respect de ces règles, tant en ce qui concerne les protections collectives qu'en ce qui concerne les protections individuelles, constitue une faute caractérisée, cause directe de la chute du salarié et en conséquence de son décès ; qu'ainsi, les faits et les éléments constitutifs de la prévention sont établis, comme la culpabilité des prévenus les sociétés Eiffage et Carvalho, qui doivent être condamnés du chef de la prévention ;

" et aux motifs adoptes que les protections collectives ont été prématurément enlevées par Eiffage, à qui il appartenait seule de les remettre, ce qu'elle a d'ailleurs fait aussitôt, et que l'ouverture à réaliser dans la toiture ne pouvait techniquement être faite de l'extérieur « avec un filet antichutes », puisqu'il s'agissait de repercer le toit, totalement obstrué, afin d'installer l'ouvrage prévu par OTV, lorsque le positionnement de celui-ci aurait été mesuré de l'intérieur, justement par rapport aux trémies ; qu'il ne peut donc pas être raisonnablement soutenu par cette société qu'elle n'avait plus à faire exécuter des travaux au niveau supérieur du bâtiment, pour lequel les moyens d'accès auraient été supprimés ; qu'aux termes de l'article 6. 2. 1 du PPSPS, elle aurait dû maintenir les protections provisoires jusqu'à la mise en place des équipements définitifs, ce qui n'était pas le cas ;

" 1°) alors que l'employeur est exonéré de toute responsabilité pénale lorsqu'en raison de la participation de plusieurs entreprises le travail a été placé sous une direction unique, autre que la sienne ; qu'au cas d'espèce, la société Eiffage faisait valoir que Manuel X... était, au moment de l'accident, placé sous la seule direction de son employeur, la société Carvalho, laquelle avait seule commis des manquements à ses obligations en matière de sécurité à l'origine du décès de son préposé ; qu'en déclarant la société Eiffage coupable d'homicide involontaire à la suite du décès de Manuel X..., sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 2°) alors que la faute de la victime, lorsqu'elle est la cause unique du dommage, exclut toute condamnation du chef d'homicide involontaire ; qu'en se bornant à affirmer, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société Eiffage, que le lieu de l'accident n'était ni interdit d'accès, ni inaccessible, ni doté d'une protection collective, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si Manuel X... n'avait pas commis une faute à l'origine exclusive de l'accident en montant, au moyen d'un escalier de fortune qu'il avait lui-même construit, à un niveau de l'immeuble en construction sur lequel aucune tâche n'était programmée à ce moment, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour déclarer les sociétés Entreprise Carvalho et Eiffage Construction Nord Aquitaine coupables du délit d'homicide involontaire, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé à la charge de chacune des personnes morales poursuivies une faute d'imprudence et de négligence commise, pour son compte, par un de ses représentants, et en lien causal avec l'accident dont a été victime Manuel X...;

D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Mais sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Gatineau et Fattaccini pour la société Entreprise Carvalho, pris de la violation des articles 131-35, 131-39 9°, 121-2, 221-7 du Code pénal, L. 4741-1 et L. 4741-5 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Entreprise Carvalho en son représentant légal à la peine de 15 000 euros d'amende, et à l'affichage de l'arrêt aux portes de l'établissement et à son insertion par extrait dans le Journal Sud Ouest, édition Bordeaux, dans les limites de frais de l'amende encourue prévue par les dispositions des articles L. 4741-1 et 5 du code du travail ;

" 1°) alors qu'aucune peine autre que celle prévue par la loi pour le délit auquel elle se rapporte ne peut être prononcée ; qu'en condamnant la société Entreprise Carvalho à la peine complémentaire d'affichage de l'arrêt aux portes de l'établissement et à son insertion par extrait dans le journal Sud Ouest sur le fondement exprès des dispositions des articles L. 4741-1 et 5 du code du travail quand cette peine ne se rapportait pas au délit d'homicide involontaire pour lequel elle avait été condamnée, mais au délit de manquement aux règles de sécurité du travail sur le fondement duquel elle n'avait été ni mise en examen, ni condamnée, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé et les textes visés au moyen ;

" 2°) alors que lorsque l'affichage d'un jugement ou arrêt de condamnation prononcé en application de l'article L. 4741-1 du code du travail ou 9° du code pénal est ordonné à titre de peine complémentaire, la durée de cet affichage doit être précisée par les juges dans la limite de deux mois conformément aux dispositions de l'article 131-35 du code pénal ; qu'en omettant de déterminer la durée de l'affichage par elle ordonnée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Et sur le second moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Céline, Blancpain, Soltner et Texidor pour la société Eiffage Construction Nord Aquitaine, pris de la violation des articles 131-35 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné à l'égard de la Société Eiffage Construction Nord Aquitaine, prise en la personne de son représentant légal, l'affichage de la décision à la porte de l'établissement ;

" alors que le juge qui ordonne l'affichage de sa décision dans les locaux de l'entreprise condamnée doit fixer la durée de cet affichage ; qu'en se bornant à ordonner « l'affichage de sa décision aux portes de l'établissement », sans fixer la durée de cette mesure, la cour d'appel a violé l'article 131-35 du code pénal " ;

Vu l'article 131-39, 9°, ensemble les articles 111-3 et 221-7 du code pénal ;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 du deuxième de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré les sociétés Entreprise Carvalho et Eiffage Construction Nord Aquitaine coupables d'homicide involontaire, l'arrêt ordonne l'affichage de la décision ainsi que sa diffusion par voie de presse en application des articles 221-7 et 131-39, 9°, du code pénal ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ces textes prévoient l'affichage ou la diffusion de la décision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce seul chef ; qu'elle sera limitée aux dispositions relatives aux peines complémentaires ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2013, mais en ses seules dispositions concernant les peines complémentaires prononcées contre les sociétés Entreprise Carvalho et Eiffage Construction Nord Aquitaine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 3 500 euros la somme globale que les sociétés Entreprise Carvalho et Eiffage Construction Nord Aquitaine devront payer à Mme Sandrine X...et M. Jonathan X...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la société Entreprise Carvalho ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-80213
Date de la décision : 23/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 jui. 2015, pourvoi n°14-80213


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.80213
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award