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16/12/2015 | FRANCE | N°14-83238

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2015, 14-83238


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andréa X...,

contre l'arrêt n° 10 de la cour d'assises d'ILLE-ET-VILAINE, spécialement et autrement composée, en date du 1er mars 2014, qui, pour exportation et tentative d'importation de stupéfiants en bande organisée, direction d'une association de malfaiteurs ayant pour objet le trafic de stupéfiants et infraction à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à vingt-deux ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 décem

bre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Andréa X...,

contre l'arrêt n° 10 de la cour d'assises d'ILLE-ET-VILAINE, spécialement et autrement composée, en date du 1er mars 2014, qui, pour exportation et tentative d'importation de stupéfiants en bande organisée, direction d'une association de malfaiteurs ayant pour objet le trafic de stupéfiants et infraction à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à vingt-deux ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 décembre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Castel, Raybaud, Mme Caron, MM. Moreau, Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Béghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Guéguen ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUÉGUEN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 181, 380-14 et 380-15, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour a rejeté les conclusions d'incident soulignant que la cour d'assises spéciale n'était pas régulièrement saisie ;
" aux motifs que les accusés MM. Manuel Y..., Dimitrios H..., Georgios I..., Abubakarr J..., Alusine J..., Harry Mickael K..., Samuel Silvanus M..., X..., Socratis N..., considèrent que la cour d'assises présentement constituée n'est pas régulièrement saisie dans la mesure où l'ordonnance de mise en accusation rendue le 19 janvier 2011 et l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 mai 2011, renvoyé les accusés devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine sans préciser que celle-ci doit être spécialement composée et sans viser les articles 706-26 et 706-27 du code de procédure pénale ; qu'il est constant que l'ordonnance de mise en accusation du 19 janvier 2011 et l'arrêt de la chambre de l'instruction du 17 mai 2011 ordonnent la mise en accusation des accusés devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine mais ne précisent pas que cette dernière doit être spécialement composée et ne visent pas les articles 706-26 et 706-27 du code de procédure pénale ; que, toutefois, les décisions précitées ont renvoyé les accusés devant la juridiction criminelle pour y être jugés des crimes prévus aux articles 222-34, 222-36, 222-37 et 222-40 du code pénal ; que ces articles sont expressément visés dans les deux décisions ; qu'il résulte de la combinaison des articles 706-26, 706-27 et 698-6 du code de procédure pénale que les crimes pour lesquels les accusés sont renvoyés sont de la compétence exclusive de la cour d'assises spécialement composée à l'exclusion de la cour d'assises siégeant avec un jury ; qu'en outre, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, par arrêt du 12 avril 2012, désigné pour statuer en appel " la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine spécialement et autrement composée " ; que, dans ces conditions, la présente cour d'assises spécialement composée est régulièrement saisie, peu important que les articles 706-26 et 706-27 du code de procédure pénale n'aient pas été expressément cités dans les décisions précitées ; qu'il est constant que le président de la cour d'assises et un de ses assesseurs ont siégé à la session du mois de juin 2013 ; que, cependant, le renvoi d'une affaire à une autre session de la cour d'assises n'interdit pas aux magistrats qui siégeaient comme assesseurs de siéger en la même qualité à celle qui est appelée à connaître à nouveau de la cause, dès lors que la cour d'assises qui a ordonné le renvoi n'a pris aucune décision impliquant une appréciation de l'éventuelle culpabilité des accusés ;
" alors que n'a pas légalement justifié sa décision, la cour d'assises d'appel qui, pour écarter l'argument tenant à l'irrégularité de sa saisine tenant à l'absence de toute mention, dans les décisions de renvoi, à la cour d'assises spéciale, a estimé que la nature des faits justifiait la seule compétence de cette juridiction lorsque le visa des articles de référence n'était pas de nature à suppléer l'absence de mention consacrée à la saisine de cette juridiction spéciale dans les arrêts de renvoi, seuls attributifs de compétence, l'arrêt de la chambre criminelle du 12 avril 2012 désignant la cour d'assises spéciale n'étant pas, à cet égard, de nature à régulariser la saisine de la juridiction criminelle du premier degré " ;
Attendu que, par arrêt du 17 mai 2011, non frappé de pourvoi en cassation, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes a mis en accusation, notamment, M. X... pour exportation de stupéfiants en bande organisée, tentative d'importation de stupéfiants en bande organisée, direction d'une association de malfaiteurs ayant pour objet le trafic de stupéfiants, transport et détention de stupéfiants ; que la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, spécialement composée, l'a acquitté par arrêt du 9 février 2012 ; que la chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie par l'appel du ministère public, a désigné, le 12 avril 2012, la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine spécialement et autrement composée pour statuer en appel ;
Attendu que M. X... a soulevé une exception d'incompétence de la cour d'assises statuant en appel en invoquant l'irrégularité de l'arrêt de mise en accusation ; qu'il a fait valoir que la chambre de l'instruction avait omis de préciser que la cour d'assises devait être composée conformément aux dispositions des articles 706-26 et 706-27 du code de procédure pénale ;
Attendu que, par arrêt incident du 10 février 2014, la cour d'assises a rejeté cette exception par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 698-6, 706-26 et 706-27 du code de procédure pénale et des articles 222-34 à 222-36 du code pénal, que les infractions pour lesquelles M. Tsakiris a été mis en accusation devant la cour d'assises relèvent de la compétence exclusive de la cour d'assises statuant sans jury ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'elle était composée conformément à la loi, la cour d'assises a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 62-2, 63-1, 63-3-1, 309, 365-1, 379, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'en application de l'article 379 du code de procédure pénale, Mme le président décerne acte à Maître Glon du fait qu'au cours de sa déposition spontanée, le témoin Mme Emmanuelle O... a évoqué les déclarations faites par les accusés au cours de leur garde à vue ; et que Mme le président donne acte à Maître Appere et aux autres avocats des accusés du fait qu'au cours de sa déposition spontanée, le témoin a évoqué les déclarations faites par les accusés au cours de leur garde à vue ;
" alors qu'a méconnu les exigences de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le président de la cour d'assises qui a permis à un témoin de poursuivre sa déposition spontanée lorsque celui-ci rappelait les déclarations des accusés en garde à vue réalisées en l'absence d'un avocat et sans notification du droit de se taire " ;
Attendu qu'il résulte des mentions du procès-verbal des débats que le président a donné acte à l'avocat de l'accusé qu'au cours de sa déclaration spontanée, un témoin avait évoqué les déclarations faites par les accusés durant leur garde à vue, sans l'assistance d'un avocat et sans notification du droit de se taire ;
Attendu qu'il résulte de l'article 331, alinéa 4, du code de procédure pénale que le président ne peut interrompre la déposition spontanée d'un témoin, même lorsqu'il rappelle les déclarations incriminantes faites par une personne sans qu'elle ait bénéficié des droits susmentionnés ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 344, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que :- M. P..., ne parlant pas le français, a été assisté d'un interprète en langue grecque ;- les témoins MM. O..., Q..., P..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., L..., W..., XX..., YY..., ZZ... ont été entendus ;- les experts MM. R..., S... ;- Mme le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire et à titre de simples renseignements a fait une synthèse des déclarations faites devant le juge d'instruction par l'accusé absent M. Emadu AA... ;- Mme le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, et à la demande de Me Fillion avocat de l'accusé M. X..., a ordonné le versement d'une attestation du commissaire divisionnaire de police chef de bureau central national (BCN) Interpol Conakry, en date du 7 octobre 2013, aux débats ; que ce document a été immédiatement communiqué à la cour, au ministère public, aux accusés, à leurs avocats, qui n'ont présenté aucune observation ;- Mme le président a dit que les questions auxquelles la cour d'assises spécialement composée statuant en appel aurait à répondre seraient posées dans les termes de l'ordonnance de mise en accusation, en date du 19 janvier 2011 et de l'arrêt de renvoi, en date du 17 mai 2011, et que seront également posées des questions portant sur la contrainte en ce qui concerne les accusés MM. M..., K..., U..., AA..., J... Abubakarr et J... Alusine ;- Puis, la cour étant rentrée dans la salle d'audience à 19 heures 10, y ayant repris ses places et l'audience étant toujours publique, Mme le président a fait comparaître les accusés et a donné lecture en présence de ces accusés, de leur avocat, des interprètes, du représentant du ministère public et du greffer, et ce conformément aux dispositions de l'article 366 du code de procédure pénale, des réponses faites par la cour aux questions posées, des textes de loi et de l'arrêt ;- Mme le président a avisé individuellement et séparément MM. Y..., H..., I..., J... Abubakarr, J... Alusine, K..., M..., X..., N... qu'ils disposaient de cinq jours francs pour se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu et que, passé ce délai, ils n'y seraient plus recevables ;

" 1°) alors que les actes substantiels des débats doivent être traduits dans une langue comprise par les accusés ; qu'en l'espèce, en s'abstenant d'indiquer si les auditions de témoins et d'experts, l'attestation Interpol, les questions résultant des débats, l'arrêt de condamnation et le délai de pourvoi avaient été traduits aux accusés, la cour d'assises n'a pas mis la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle sur le respect des articles préliminaire et 344 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, lorsque plusieurs accusés ou témoins parlent des langues étrangères différentes, il doit être constaté, non seulement que les déclarations de chacun d'eux ont été traduites en français, mais aussi qu'elles l'ont été dans les langues que comprennent les autres ; qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal des débats que si un interprète a été chargé de traduire en français les déclarations de M. P..., témoin s'exprimant en langue grec, il ne précise pas que ces déclarations ont été traduites simultanément dans une langue comprise par les autres accusés " ;
Attendu que la mention apposée au procès-verbal des débats, selon laquelle les interprètes ont apporté leur concours à chaque fois qu'il a été nécessaire, permet à la Cour de cassation de s'assurer, en l'absence d'énonciation contraire, que chaque accusé concerné a été, pendant toute la durée des audiences, assisté d'un interprète qui a procédé aux traductions indispensables ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour d'assises spécialement composée ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-83238
Date de la décision : 16/12/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Débats - Témoins - Déposition - Interruption - Interdiction d'interrompre la déposition - Portée

Il résulte de l'article 331, alinéa 4, du code de procédure pénale que le président de la cour d'assises ne peut interrompre la déposition spontanée d'un témoin même lorsque ce dernier rappelle les déclarations incriminantes faites par une tierce personne au cours d'une garde à vue sans l'assistance d'un avocat et sans que le droit de se taire lui ait été notifié


Références :

article 331, alinéa 4, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'assises de l'Ille-et-Vilaine, 01 mars 2014

Sur l'interdiction d'interrompre la déposition d'un témoin devant la cour d'assises, à rapprocher : Crim., 17 septembre 2014, pourvoi n° 13-84971, Bull. crim. 2014, n° 191 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2015, pourvoi n°14-83238, Bull. crim. 2016, n° 841, Crim., n° 610
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle 2016, n° 841, Crim., n° 610

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Guéguen
Rapporteur ?: Mme Drai
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.83238
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