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07/11/2017 | FRANCE | N°16-83661

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 novembre 2017, 16-83661


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Marc X...,
- M. Jean-Louis X...,
- L'association One Voice, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 16 juin 2015, n° 14-86. 387) dans la procédure suivie contre MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...du chef de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, après requalification des faits en mauvais traitements à animaux, a prononcÃ

© sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publiqu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Jean-Marc X...,
- M. Jean-Louis X...,
- L'association One Voice, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim. 16 juin 2015, n° 14-86. 387) dans la procédure suivie contre MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...du chef de sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux, après requalification des faits en mauvais traitements à animaux, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Sur la recevabilité des pourvois formés par MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., contestée en défense :

Attendu que les pourvois, formés par déclaration au greffier de la cour d'appel de Nancy le 27 avril 2016, par un avocat exerçant près la juridiction qui a statué et comme tel dispensé de la production d'un pouvoir spécial, doivent être déclarés recevables en application de l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment, pour avoir exercé des sévices graves ou commis des actes de cruauté envers des animaux domestiques, en l'espèce, en privant intentionnellement leurs bovins de nourriture et de soins pendant plusieurs semaines avec pour conséquence la mort de ces animaux ; que le tribunal correctionnel, après requalification des faits en abandon d'animaux, les a déclarés coupables et a prononcé sur les intérêts civils ; que, sur l'appel des prévenus, du ministère public et des parties civiles, la cour d ‘ appel de Dijon a requalifié les faits en contravention de mauvais traitements à animaux, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription et déclaré irrecevables les demandes des parties civiles ; que, par arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi des parties civiles, a cassé cette décision, en ses seules dispositions civiles relatives à l'association One Voice et à l'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) et désigné la cour d'appel de Nancy pour statuer à nouveau ;

En cet état :

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Yves et Blaise Capron pour MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., pris de la violation de l'article 6. 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles R. 214-17 et R. 215-4 du code rural et de la pêche maritime, de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et des articles 2, 2-13, 3, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ;

" aux motifs que les juges du second degré saisis du seul appel de la partie civile ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, mais ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, peut être caractérisée une faute civile qui a entraîné pour la partie civile un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation ; que, sur l'existence d'une faute civile, l'instruction a mis en évidence que de nombreux bovins ont péri faute d'avoir reçu une nourriture en quantité suffisante et des soins appropriés ; que de plus, les conditions climatiques hivernales sans être exceptionnelles avaient conduit au gel de plusieurs points d'eau naturels de sorte qu'il appartenait aux éleveurs d'apporter aux bêtes de l'eau en quantité suffisante ; que les frères X...ont eux-mêmes indiqué qu'une bête ne s'alimentait pas si elle n'était pas suffisamment abreuvée ; qu'il ressort des explications vétérinaires que la souffrance liée à une soif non étanchée a dû être exprimée par les meuglements qui auraient dû alerter les éleveurs ; que l'état famélique de plusieurs animaux retrouvés dans les prés du Gaec X...témoigne des graves carences et négligences qui se sont produites au sein de ce groupement agricole pendant plusieurs mois si l'on se réfère aux nombreux ossements et cadavres putréfiés découverts ; que M. Jean-Marc X...n'ignorait rien de l'état de dégradation manifeste d'une partie de son troupeau qu'il a laissé mourir alors même qu'il n'est nullement avéré que les conditions climatiques aient été exceptionnelles ; que M. Jean-Louis X...ne peut soutenir avoir ignoré l'état de dénutrition de son cheptel car il est établi qu'il avait été alerté à diverses reprises des problèmes de mortalité l'affectant ; qu'il se déduit de ses déclarations, notamment à l'audience du tribunal correctionnel, qu'il se déplaçait régulièrement sur les parcelles et pouvait donc parfaitement modifier son itinéraire pour s'assurer de l'état général des animaux dont il était tout autant responsable que son frère en qualité de co-gérant du Gaec ; que, si aucun acte positif n'a été accompli par les frères X... dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort des animaux de leur cheptel, le fait de laisser volontairement et consciemment les animaux dans les prés sans nourriture ni abreuvement, constitue une grave carence dans le traitement de leurs bêtes et caractérise une faute civile ; que, sur la recevabilité des actions de l'association One Voice et de l'OABA, l'article 2-13 du code de 5 procédure pénale, applicable du 2 février 1994 au 9 octobre 2015, était ainsi rédigé : " Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal prévus par le code pénal " ; que cet article a été ensuite modifié et dispose désormais : " Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant l'abandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal prévus par le code pénal " ; que l'article 2-13 du code de procédure pénale, applicable au moment des faits, soit de février 2008 au 19 février 2009, n'autorisait les associations à intervenir devant la juridiction pénale qu'en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal ; que les faits constitutifs de la faute civile reprochée à MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...correspondant aux seules qualifications de privation de soins et de mort occasionnée involontairement, la constitution de partie civile de l'association One voice, qui réclame des dommages-intérêts au titre du préjudice moral, sera déclarée irrecevable, le jugement étant confirmé sur ce point ; que la constitution de partie civile de l'OABA sera également déclarée irrecevable s'agissant du préjudice moral réclamé ; qu'en revanche, il est établi et non contesté que l'OABA a pris en charge vingt-deux génisses, suivant l'arrêté du 18 février 2009 auquel il est expressément renvoyé par l'ordonnance du juge d'instruction du 26 mai 2010 ordonnant le placement des bovins et l'autorisation de procéder à leur vente, moyennant la consignation du prix ; que de ce fait, l'OABA a subi un préjudice personnel, directement lié à la faute civile retenue à la charge de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., ouvrant droit à réparation ; que c'est à juste titre que le tribunal lui a alloué la somme de 47 796 euros en remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins, frais justifiés par les pièces produites ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

" 1°) alors que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en découle que ces tribunaux ne peuvent se prononcer sur l'action civile qu'autant qu'il a été préalablement statué au fond sur l'action publique ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, que MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...avait commis, au sujet des 22 génisses qui ont été pris en charge par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, une faute civile tenant à des faits de privation de soins, qu'il était établi et non contesté que l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait pris en charge 22 génisses, suivant un arrêté du 18 février 2009, et que, de ce fait, l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait subi un préjudice personnel, directement lié à la faute civile retenue à la charge de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ouvrant droit à réparation, quand, par son arrêt du 14 août 2014, dont les dispositions pénales n'ont pas été cassées par la cour de cassation et qui sont devenues irrévocables, la cour d'appel de Dijon avait constaté l'extinction de l'action publique s'agissant de ces mêmes faits de privation de soins, qu'en conséquence et dès lors qu'il n'avait pas été préalablement statué au fond sur l'action publique sur lesdits faits, elle ne pouvait statuer, relativement à ces faits, sur l'action civile, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

" 2° alors que les juges répressifs, saisis des seuls intérêts, après que le prévenu a été définitivement été relaxé, peuvent uniquement rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une faute civile commise par le prévenu, démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, soit nécessairement pour la seule période visée par la prévention et en l'absence de prescription de l'action publique ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, que MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...avait commis, au sujet des 22 génisses qui ont été pris en charge par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, une faute civile tenant à des faits de privation de soins, qu'il était établi et non contesté que l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait pris en charge 22 génisses, suivant un arrêté du 18 février 2009, et que, de ce fait, l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait subi un préjudice personnel, directement lié à la faute civile retenue à la charge de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ouvrant droit à réparation, quand, par son arrêt du 14 août 2014, dont les dispositions pénales n'ont pas été cassées par la cour de cassation et qui sont devenues irrévocables, la cour d'appel de Dijon avait constaté la prescription de l'action publique s'agissant de ces mêmes faits de privation de soins, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

" 3°) alors que les associations de défense et de protection des animaux ne sont recevables à se constituer partie civile que pour les infractions visées par les dispositions de l'article 2-13 du code de procédure pénale ; qu'en condamnant, dès lors, solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, quand les faits constitutifs de la faute civile qu'elle retenait à l'encontre de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., au sujet des 22 génisses qui ont été pris en charge par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, constituaient, comme elle le considérait elle-même, des faits de privation de soins à l'égard d'animaux et, donc, des faits qui n'étaient pas visés par les dispositions de l'article 2-13 du code de procédure pénale et quand, en conséquence, l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs était, pour l'intégralité de ses demandes, irrecevable en sa constitution de partie civile, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

" 4°) alors que subsidiairement, ne constituent pas un préjudice né directement d'une faute civile de mauvais traitement d'un animal, et, en particulier, de la faute civile de privation de soins d'un animal, les dépenses engagées pour la prise en charge et les soins d'animaux par un tiers auquel il a été confié ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, après avoir considéré que les faits constitutifs de la faute civile qu'elle retenait à l'encontre de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., au sujet des 22 génisses qui ont été pris en charge par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, constituaient des faits de privation de soins à l'égard d'animaux, qu'il était établi et non contesté que l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait pris en charge 22 génisses, suivant un arrêté du 18 février 2009, et que, de ce fait, l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs avait subi un préjudice personnel, directement lié à la faute civile retenue à la charge de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ouvrant droit à réparation, quand le préjudice invoqué par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, tenant aux frais qu'elle avait avancés pour la prise en charge et les soins des bovins, ne constituait pas un préjudice né directement de la faute civile qu'elle retenait à l'encontre de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

" 5°) alors qu'à titre infiniment subsidiaire, MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ont fait valoir, dans leurs conclusions d'appel, que les frais de prise en charge et les soins des 22 génisses litigieuses invoqués par l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs étaient excessifs au regard des frais moyens de prise en charge et de soins de génisses pratiquées à l'époque par les éleveurs de bovins, en produisant diverses pièces à l'appui de cette prétention ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner solidairement MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer la somme de 47 796 euros au titre du remboursement des frais avancés pour la prise en charge et les soins des bovins à l'association L'oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs, que ces frais étaient justifiés par les pièces produites, sans répondre au moyen, péremptoire, ainsi soulevé par MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé les dispositions et stipulations susvisées " ;

Attendu que, pour condamner MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...à payer à l'OABA la somme de 47 796 euros, la cour d'appel retient que cette somme correspond au remboursement des frais avancés et justifiés pour la prise en charge et les soins des bovins en exécution de l'arrêté préfectoral du 18 février 2009 auquel renvoie l'ordonnance du juge d'instruction du 26 mai 2010 ordonnant le placement des bovins et l'autorisation de procéder à leur vente ; que les juges en déduisent que l'OABA a subi un préjudice personnel directement lié à la faute civile de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...;

Attendu que si c'est à tort que les juges retiennent que l'OABA a subi un préjudice personnel lié à la faute civile de MM. Jean-Marc et Jean-Louis X..., l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que cette association réclamait les frais exposés pour la garde des animaux qui lui avaient été confiés par décision du juge d'instruction prise en application des dispositions de l'article 99-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel pour l'association One Voice, pris de la violation des articles 112-2 et 521-1 du code pénal, R 215-4 et R 214-17 du code rural, 2, 3, 388, 427, 485, 509, 512, 515, 591, 593 et 609 du code de procédure pénale, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de l'association One Voice irrecevable ;

" aux motifs que les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, mais ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, peut être caractérisée une faute civile qui a entraîné pour la partie civile un préjudice direct et personnel ouvrant droit à réparation ; que sur l'existence d'une faute civile, l'instruction a mis en évidence que de nombreux bovins ont péri faute d'avoir reçu une nourriture en quantité suffisante et des soins appropriés ; que, de plus, les conditions climatiques hivernales sans être exceptionnelles avaient conduit au gel de plusieurs points d'eau naturels de sorte qu'il appartenait aux éleveurs d'apporter aux bêtes de l'eau en quantité suffisante ; que les frères X... ont euxmêmes indiqué qu'une bête ne s'alimentait pas si elle n'était pas suffisamment abreuvée ; qu'il ressort des explications vétérinaires que la souffrance liée à une soif non étanchée a dû être exprimée par les meuglements qui auraient dû alerter les éleveurs ; que l'état famélique de plusieurs animaux retrouvés dans les prés du Gaec X...témoigne des graves carences et négligences qui se sont produites au sein de ce groupement agricole pendant plusieurs mois si l'on se réfère aux nombreux ossements et cadavres putréfiés découverts ; que M. Jean-Marc X...n'ignorait rien de l'état de dégradation manifeste d'une partie de son troupeau qu'il a laissé mourir alors même qu'il n'est nullement avéré que les conditions climatiques auraient été exceptionnelles ; que M. Jean-Louis X...ne peut soutenir avoir ignoré l'état de dénutrition de son cheptel car il est établi qu'il avait été alerté à diverses reprises des problèmes de mortalité l'affectant ; qu'il se déduit de ses déclarations, notamment à l'audience du tribunal correctionnel, qu'il se déplaçait régulièrement sur les parcelles et pouvait donc parfaitement modifier son itinéraire pour s'assurer de l'état général des animaux dont il était tout autant responsable que son frère en qualité de co-gérant du Gaec ; que si aucun acte positif n'a été accompli par les frères X... dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort des animaux de leur cheptel, le fait de laisser volontairement et consciemment les animaux dans des prés sans nourriture ni abreuvement constitue une grave carence dans le traitement de leurs bêtes et caractérise une faute civile ; que sur la recevabilité des actions de l'association One Voice et de l'OABA : que l'article 2-13 du code de procédure pénale, applicable du 2 février 1994 au 9 octobre 2015, était ainsi rédigé : « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal prévus par le code pénal » ; que cet article a été ensuite modifié et dispose désormais : « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire est la défense et la protection des animaux peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions réprimant l'abandon, les sévices graves ou de nature sexuelle, les actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal prévus par le code pénal » ; que l'article 2-13 du code de procédure pénale applicable au moment des faits, soit de février 2008 au 19 février 2009, n'autorisait les associations à intervenir devant la juridiction pénale qu'en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal ; que les faits constitutifs de la faute civile reprochée à MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...correspondant aux seules qualifications de privation de soins ou de mort occasionnée involontairement, la constitution de la partie civile de l'association One Voice, qui réclame des dommages-intérêts au titre du préjudice moral, sera déclarée irrecevable, le jugement étant confirmé sur ce point ;

" 1°) alors que si, en l'état d'une cassation prononcée sur le seul pourvoi de la partie civile contre un arrêt ayant constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription, l'action publique est éteinte, la cour de renvoi demeure tenue d'apprécier les faits et de les qualifier pénalement pour prononcer sur le bien-fondé de l'action civile ; qu'en l'espèce, il est constant d'une part que devant le tribunal correctionnel, MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...ont été renvoyés pour avoir exercé des sévices graves ou commis des actes de cruauté envers des animaux domestiques, délit prévu à l'article 521-1 alinéa 1er du code pénal, d'autre part, qu'après requalification des faits, le tribunal a déclaré les prévenus coupables d'abandon d'animaux, faits prévus par l'article 521-1 alinéa 7 du même code, qu'enfin l'arrêt du 14 août, 2014 a requalifié ces faits en mauvais traitements à animaux, faits constitutifs de la contravention de l'article R 654-1 du code pénal, et a constaté l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription ; qu'ainsi, en l'état de la cassation de cette décision, prononcée sur le pourvoi des parties civiles, la cour de renvoi ne pouvait se borner à rechercher si les faits objet de la poursuite pouvaient caractériser une faute civile, mais devait qualifier pénalement les faits en recherchant si les éléments constitutifs de l'infraction visée à la prévention étaient réunis, et, dans l'affirmative, prononcer sur l'action civile ; que, dès lors, en se bornant à énoncer d'une part que le fait de laisser volontairement les animaux dans des prés sans nourriture ni abreuvement constitue une grave carence dans le traitement des bêtes et, partant, caractérise une faute civile, d'autre part que cette faute civile ne correspond qu'aux seules qualifications de privation de soins et de mort occasionnée involontairement, pour en déduire qu'au regard des dispositions de l'article 2-13 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable à ces faits, l'association exposante n'est pas recevable à se constituer partie civile, sans avoir recherché si ces faits étaient susceptibles de caractériser l'infraction visée à la prévention, ou une autre infraction, avant de statuer sur les intérêts civils, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article 609 du code de procédure pénale ;

" 2°) alors que subsidiairement les lois de procédure sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association exposante, la cour d'appel a relevé qu'avant sa modification entrée en vigueur le 9 octobre 2015, l'article 2-13 du code de procédure pénale n'autorisait pas les associations de défense et de protection des animaux à intervenir devant la juridiction pénale en ce qui concerne les infractions réprimant l'abandon et que les faits litigieux, commis en 2008 et 2009, correspondent « aux seules qualifications de privation de soins et de mort occasionnée involontairement ; qu'en statuant ainsi, quoiqu'aucune décision définitive ne fut intervenue sur les présentes poursuites avant l'entrée en vigueur de l'article 2-13 dans sa rédaction actuelle, la cour d'appel a violé l'article 112-2 du code pénal ;

" 3°) alors subsidiairement qu'en admettant que pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel ait effectivement considéré que les faits objet de la poursuite se rapportaient à la qualification de privation de soins et, partant, qu'ils étaient susceptibles de caractériser l'infraction prévue aux articles R. 215-4 et R. 214-17 du code rural, la cour d'appel n'aurait pu trancher le litige concernant la recevabilité, de ce chef, de la constitution de partie civile de l'association demanderesse, sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations sur cette qualification qui n'avait jamais été envisagée auparavant et qui se distingue de celle retenue par l'acte de saisine de la juridiction de jugement ; que, dans cette hypothèse, et dès lors qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que les parties civiles aient été invitées à présenter leurs observations sur cette nouvelle qualification, l'arrêt attaqué a violé l'article 388 du code de procédure pénale et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

" 4°) alors, en tout état de cause, qu'en se déterminant par la circonstance qu'au moment des faits seuls des faits relevant de la qualification de sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux permettaient aux associations de défense des animaux de se constituer parties civiles sur le fondement de l'article 2-13 du code pénal, pour en déduire que la faute civile reprochée à MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...relève de la qualification de privation de soins et qu'ainsi la constitution de partie civile de l'exposante est irrecevable, sans répondre aux conclusions d'appel de l'association One Voice, qui faisait valoir que les personnes poursuivies avaient maintenu pendant des semaines un grand nombre de bovins sans eau ni nourriture, en sachant qu'ils allaient en mourir, de sorte que ces agissement caractérisaient des sévices graves et des actes de cruauté relevant de la qualification de l'article 521-1 al. 1er du code pénal, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale " ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association One Voice, l'arrêt attaqué relève d'une part, que si aucun acte positif n'a été accompli par les frères X... dans le dessein de provoquer la souffrance ou la mort des animaux de leur cheptel, le fait de laisser volontairement et consciemment les animaux dans des prés sans nourriture ni abreuvement constitue une grave carence dans le traitement de leurs bêtes et caractérise une faute civile, qui correspond aux seules qualifications de privations de soins et de mort occasionnés involontairement et d'autre part que l'article 2-13 du code de procédure pénale applicable au moment des faits n'autorise les associations à intervenir devant la juridiction pénale qu'en ce qui concerne les infractions réprimant les sévices graves ou actes de cruauté et les mauvais traitements envers les animaux ainsi que les atteintes volontaires à la vie d'un animal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs d'où il se déduit qu'elle a procédé aux recherches prétendument omises, la cour d'appel a souverainement apprécié que la faute civile qu'elle a caractérisée n'était pas de nature à permettre à la demanderesse d'intervenir devant la juridiction pénale dans les termes de l'article 2-13 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme que MM. Jean-Marc et Jean-Louis X...devront payer à l'OABA au titre de l'article 175-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept novembre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-83661
Date de la décision : 07/11/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 22 avril 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 nov. 2017, pourvoi n°16-83661


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.83661
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