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31/03/2020 | FRANCE | N°19-82697

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2020, 19-82697


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-82.697 F-P+B+I

N° 614

EB2
31 MARS 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

Mme K... Y... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 21 février 2019, qui l'a condamnée à des dommages-inté

rêts sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

S...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 19-82.697 F-P+B+I

N° 614

EB2
31 MARS 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

Mme K... Y... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 21 février 2019, qui l'a condamnée à des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme K... Y..., les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. C... A... , et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 25 mars 2013, Mme K... Y... a porté plainte et s'est constituée partie civile pour viols contre M. C... A... , son époux, avec lequel elle était en instance de divorce depuis le 23 avril 2012. Au terme de l'information, le juge d'instruction a rendu, le 12 octobre 2015, une ordonnance de non-lieu et a dit n'y avoir lieu à condamner Mme Y... à une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire, sur le fondement de l'article 177-2 du code de procédure pénale.

3. Cette ordonnance étant devenue définitive, M. A... a fait citer Mme Y..., le 8 janvier 2016, devant le tribunal correctionnel aux fins de condamnation à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale.

4. Le tribunal correctionnel a accueilli ces demandes. Mme Y... et M. A... ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 devenu 1240 du code civil, préliminaire, 91, 177-2, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance de l'autorité de la chose jugée.

6. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué "en ce qu'il a déclaré Mme Y... responsable du préjudice subi par M. A... et l'a condamnée en conséquence à lui verser les sommes de 1 000 000 XPF (CFP) au titre du préjudice moral et de 2 453 966 XPF (CFP) au titre du préjudice matériel, alors :

« 1°/ que la décision du juge d'instruction relative à l'amende civile pour plainte abusive ou dilatoire s'impose à la juridiction correctionnelle saisie par la personne visée par la plainte aux fins d'indemnisation, s'agissant du constat du caractère fautif ou non de cette plainte ; que dans son ordonnance du 12 octobre 2015, le juge d'instruction a rejeté la demande de condamnation à une amende civile de Mme Y... pour constitution de partie civile abusive, au visa d'un rapport d'expertise psychologique et après avoir constaté que la plainte et le non-lieu étaient « le fruit de traumatismes liés à une relation complexe susceptible d'engendrer d'importantes distorsions entre le ressenti des deux époux » ; qu'en déclarant néanmoins fautive cette même constitution de partie civile, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;

2°/ qu'à tout le moins, il appartenait à la cour d'appel de se prononcer sur le caractère fautif de la plainte avec constitution de partie civile au regard des motifs précités de l'ordonnance de non-lieu et de refus de prononcé d'amende civile ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces motifs qui impliquaient que la plainte n'était ni abusive, ni dilatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

3°/ que le caractère fautif d'une plainte avec constitution de partie civile ne peut résulter que de son caractère abusif ou dilatoire, à l'exclusion de toute considération relative à l'absence de preuves produites par la partie civile et aux chances de succès de la procédure ; qu'en déduisant la faute de Mme Y... de ce qu'elle n'avait pas produit de preuves au soutien de ses allégations et de ce qu'elle aurait su que son action pénale avait très peu de chances d'aboutir, la cour d'appel a violé l'article 91 du code de procédure pénale et a privé sa décision de base légale ;

4°/ que le droit d'accès à un juge se traduit notamment en droit français, en matière pénale, par la possibilité pour les justiciables de déclencher une procédure juridictionnelle de recherche de la preuve en déposant une plainte avec constitution de partie civile ; qu'une telle plainte ne saurait, sans méconnaître le droit d'accès au juge, être considérée comme fautive au seul motif qu'elle n'est assortie d'aucune preuve directe des faits dénoncés et que son issue est incertaine ; qu'en reprochant à Mme Y... sa plainte avec constitution de partie civile pour viols conjugaux aux motifs qu'aucun élément matériel ni témoignage direct n'avait été produit au soutien de ses allégations, que son action pénale avait été introduite dans un contexte de relations très conflictuelles et qu'elle avait peu de chances d'aboutir, la cour d'appel a violé le droit au recours. »

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce que le refus d'un juge d'instruction de prononcer une amende civile pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire ne fait pas obstacle à une action introduite sur le fondement de l'article 91 du code de procédure pénale, laquelle repose sur l'existence d'une faute ou une imprudence au sens de l'article 1241 du code civil .

8. Les juges constatent qu'antérieurement à sa constitution de partie civile, Mme Y... avait déjà déposé, courant 2012, cinq plaintes contre M. A... pour viol, harcèlement moral, enlèvement d'enfant, refus de remise de passeport, fraude et usage de faux.

9. Ils retiennent qu'alors que ces plaintes, et plus particulièrement celle pour viol, avaient été classées sans suite, Mme Y... s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction pour ces derniers faits, dans un contexte de divorce très conflictuel, sans faire état d'éléments sérieux susceptibles de corroborer ses accusations, particulièrement graves s'agissant de faits criminels.

10. La cour d'appel en déduit que Mme Y... s'est constituée partie civile de manière téméraire et a ainsi commis une faute, ayant causé un préjudice matériel et moral à M. A..., dont elle doit réparation.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

12. En effet, en premier lieu, la décision de rejet d'une amende civile rendue par le juge d'instruction en application de l'article 177-2 du code de procédure pénale, ne s'impose pas au tribunal correctionnel saisi dans les conditions prévues à l'article 91 du même code.

13. En second lieu, les juges ont souverainement apprécié la faute commise par la partie civile au sens de l'article 1241 du code civil.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme que Mme K... Y... devra payer à M. A... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-82697
Date de la décision : 31/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 21 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2020, pourvoi n°19-82697, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.82697
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