La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2011 | FRANCE | N°10DA00445

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 septembre 2011, 10DA00445


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Serge A, demeurant ..., par Me Humez, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605016 du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 16 mai 2006 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a autorisé son licenciement et refusé d'annuler la mise à pied conservatoire prise à son encontre, et d'autre part à la condam

nation solidaire de l'Etat et de la SARL Enersys venant aux droits de ...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Serge A, demeurant ..., par Me Humez, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605016 du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 16 mai 2006 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a autorisé son licenciement et refusé d'annuler la mise à pied conservatoire prise à son encontre, et d'autre part à la condamnation solidaire de l'Etat et de la SARL Enersys venant aux droits de la SARL Hawker à verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2006 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la SARL Enersys ou l'un à défaut de l'autre à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Willemetz, pour la SARL Enersys ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, non plus que de la demande de première instance ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que, par un courrier du 11 octobre 2005, la société Hawker a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour faute M. A, monteur P1 et délégué syndical, membre du comité d'entreprise, délégué du personnel et conseiller prud'homal ; que, par une décision du 15 novembre 2005, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée par la société Hawker et a estimé que la mise à pied conservatoire prise à l'encontre de M. A était nulle de ses effets ; que, saisi d'un recours hiérarchique de l'employeur, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, par une décision du 16 mai 2006, a annulé la décision de l'inspecteur du travail aux motifs, d'une part, que ce dernier aurait dû se borner à énoncer que la mise à pied conservatoire était privée de ses effets et, d'autre part, que deux faits reprochés à M. A, intervenus en dehors de l'exécution de son contrat de travail, rendaient son maintien impossible dans l'entreprise et, par suite, a autorisé le licenciement de M. A ; que ce dernier relève appel du jugement du 4 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ministérielle du 16 mai 2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail, alors en vigueur, repris à l'article L. 1442-19 du même code : (...) Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de six mois est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code (...) ; qu'aux termes de l'article L. 412-18 du code précité, alors en vigueur, repris à l'article L. 2411-3 du même code : Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu. Toutefois, en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer à titre provisoire la mise à pied immédiate de l'intéressé. / Cette décision est, à peine de nullité, motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d'effet. / Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit (...) ; qu'aux termes de l'article L. 425-1 du code précité : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. / Toutefois, en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé en attendant la décision définitive. En cas de refus de licenciement, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit (...) ; que l'article L. 436-1 prévoit : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical prévu à l'article L. 433-1 est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Toutefois, en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé en attendant la décision définitive. En cas de refus de licenciement, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit (...) ;

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

Considérant, d'une part, que M. A soutient que la décision en litige est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au motif qu'elle n'a pas présenté un caractère contradictoire ; que toutefois, il n'est pas contesté que celui-ci a reçu une copie du recours hiérarchique formé par son employeur ; qu'il a pu présenter des observations et a été entendu par la direction du travail à l'occasion de l'examen dudit recours lors d'un entretien qui s'est tenu le 10 mars 2006 ; qu'à supposer qu'il n'aurait pas eu communication des pièces du dossier sur lequel le ministre s'est prononcé pour prendre la décision attaquée, cette circonstance, en l'espèce, ne l'a pas privé de la possibilité de faire état utilement de ses observations ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant, d'autre part, que la décision contestée énonce que le comportement de M. A a rompu avec la courtoisie habituelle en manquant de respect à plusieurs membres de la direction lors de la réunion du comité d'entreprise du 20 septembre 2005, que l'intéressé n'a pas été en mesure de justifier les incohérences apparues entre ses heures de présence au Conseil des prud'hommes d'Arras et les heures déclarées par cette instance et que, compte tenu de ces circonstances, le maintien de l'intéressé dans l'entreprise était impossible ; qu'elle comporte également les articles du code du travail dont elle fait application ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision ministérielle du 16 mai 2006 manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsqu'un licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, d'une part, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail ; que, d'autre part, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d'autorisation de licenciement, qu'il est reproché à M. A des absences non justifiées par les nécessités de l'exercice de son mandat prud'homal ; qu'il lui est fait grief d'avoir indiqué à son employeur qu'il était absent de l'entreprise les 14, 18, 28 janvier et 27 avril 2005, pour l'exercice de ses fonctions de membre du conseil des prud'hommes, lui garantissant ainsi le maintien de son salaire, alors qu'il a siégé dans cette instance les jours en cause en dehors de ses heures de travail ;

Considérant, d'une part, que M. A soutient qu'un délai de plus de deux mois se serait écoulé entre la connaissance par son employeur des faits qui lui sont reprochés et sa convocation en date du 30 septembre 2005 à l'entretien préalable au licenciement ; que toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que la société Hawker a été informée par un courrier du Conseil des prud'hommes d'Arras en date du 13 juillet 2005 lui refusant le remboursement des salaires qu'elle a versés à M. A pendant l'exercice de ses fonctions de conseiller prud'homme, les dirigeants de cette société n'ont eu pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits en cause qu'à l'issue des vérifications effectuées et particulièrement de la réception de la lettre adressée le 27 septembre 2005 par M. A en réponse à la demande d'explications que la société Hawker lui avait envoyée ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement engagée à son encontre méconnaît les dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail ;

Considérant, d'autre part, que si M. A, qui ne conteste pas la réalité des absences non justifiées, soutient que la société Hawker n'avait pas mis en place une procédure formalisée pour la prise en compte des périodes d'exercice du mandat de conseiller prud'homme, ladite société fait valoir que l'intéressé était soumis à l'obligation d'une déclaration de ses absences auprès du gestionnaire de paie, laquelle déclaration était consignée dans un cahier ; que, par suite, alors même que selon les allégations de M. A, son employeur aurait procédé à la régularisation des journées non travaillées par imputation sur les jours dont l'intéressé bénéficiait au titre de la réduction du temps de travail, les absences répétées et injustifiées de M. A ont constitué un comportement de nature à justifier, à lui seul, son licenciement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est également reproché à M. A, d'avoir fait preuve, lors de la réunion du comité d'entreprise du 20 septembre 2005, d'insolence à l'égard de la directrice des ressources humaines et d'avoir apostrophé le directeur général délégué ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de ladite réunion que les propos de M. A à l'égard de sa hiérarchie, qui ne présentent pas un caractère injurieux, ont été prononcés à l'occasion de la discussion par les membres du comité d'entreprise de la mise en oeuvre de la procédure d'alerte ; que, dans les circonstances de l'espèce, les paroles prononcées par M. A, dont la teneur n'est pas contestée et qui seraient en contradiction avec la courtoisie habituelle qui préside aux réunions du comité d'entreprise, n'ont pas eu pour effet de rendre impossible son maintien dans l'entreprise ; que, par suite, le ministre a commis une erreur d'appréciation en considérant que les faits ainsi reprochés à M. A étaient de nature à justifier son licenciement ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif précédent tiré des absences injustifiées qui sont de nature à justifier son licenciement ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient que la demande d'autorisation de licenciement est liée à l'exercice de ses fonctions de représentant du personnel et à son appartenance syndicale, il ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité de ses allégations ; qu'au demeurant, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la mesure de licenciement envisagée était liée à l'exercice par M. A de ses activités représentatives ;

Considérant, en dernier lieu, que le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail en ce qu'elle se prononce sur la mise à pied dont M. A a fait l'objet, au motif que l'inspecteur ne s'était pas borné à énoncer, après avoir refusé l'autorisation de licencier l'intéressé, que la mise à pied était privée de ses effets ; que, d'une part, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mise à pied est inopérant à l'encontre de la décision en litige ; que, d'autre part, M. A ne peut utilement soutenir que le ministre aurait commis une erreur de droit en refusant d'annuler la mise à pied, dès lors que le ministre n'a pas opposé un tel refus ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la SARL Enersys, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient solidairement condamnés à payer à M. A les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A, la somme demandée par la SARL Enersys au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Enersys présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge A, à la SARL Enersys et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

''

''

''

''

N°10DA00445 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 10DA00445
Date de la décision : 22/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : SCP HUMEZ VANDERMERSCH-MUSSAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-09-22;10da00445 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award