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26/03/1997 | FRANCE | N°95-83956

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 1997, 95-83956


ARRÊT N° 1
REJET du pourvoi formé par :
- X..., civilement responsable,
contre l'arrêt n° 22/95 de la cour d'appel de Rouen, chambre spéciale des mineurs, en date du 6 juin 1995, qui, dans les poursuites exercées contre Y..., Z... et A... pour vols, et contre les 2 derniers pour recel, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'

arrêt attaqué a déclaré la société X... civilement responsable des agissements de la...

ARRÊT N° 1
REJET du pourvoi formé par :
- X..., civilement responsable,
contre l'arrêt n° 22/95 de la cour d'appel de Rouen, chambre spéciale des mineurs, en date du 6 juin 1995, qui, dans les poursuites exercées contre Y..., Z... et A... pour vols, et contre les 2 derniers pour recel, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X... civilement responsable des agissements de la mineure Z... ;
" aux motifs que les mineurs, autres que Y..., étaient tous placés au X... en exécution de décisions prises par le juge des enfants compétent et en application de l'article 375 et suivant du Code civil ; qu'il détenait la garde des mineurs et avait donc pour mission de contrôler, d'organiser, à titre permanent et jusqu'à nouvelle décision du juge des enfants compétent, leur mode de vie ; qu'il était donc tenu, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, de réparer les dommages causés à autrui par les mineurs à lui confiés sans qu'il y ait besoin de caractériser une faute commise par le gardien ;
" alors que, en posant que l'on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre, l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil édicte non pas une présomption irréfragable mais une présomption simple de responsabilité du fait d'autrui dont le civilement responsable peut s'exonérer en rapportant la preuve qu'il n'a commis aucune faute ; que le X... faisait valoir qu'il organisait une surveillance convenable des mineurs eu égard à leur âge avancé et qu'il n'avait commis, dans cette organisation, aucune faute ; qu'en déclarant le X... civilement responsable de Z..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il avait commis une faute dans l'organisation de la surveillance de cette mineure le mineur A... étant confié à l'aide sociale à l'enfance, la Cour a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil " ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le X... civilement responsable des agissements d'Y... commis le 30 juillet 1993 alors qu'il se trouvait chez sa mère pour des vacances ;
" aux motifs, repris du tribunal, que le pouvoir de direction et de contrôle était confié à l'établissement, qui avait accepté la garde des mineurs et déterminait lui-même les orientations éducatives à prendre pour ceux-ci ; qu'ainsi les responsables de l'établissement avaient notamment décidé d'envoyer Y... en vacances (fort prolongées...) chez sa mère alors que celle-ci était notoirement incapable de s'occuper de son fils pour une longue durée, cette décision s'apparentant en fait à une anticipation de la décision de mainlevée du placement qui devait intervenir le 12 août 1993 ;
" aux motifs propres que le mineur était confié au X..., que, faute d'une décision modificative du juge des enfants celle-ci étant intervenue le 12 août 1993 il appartenait à celui qui l'arguait de démontrer qu'il y avait accord entre le service gardien et la mère pour que le mineur retourne temporairement chez celle-ci, et que le X... ne démontrait pas l'existence de cet accord ;
" alors, d'une part, que la responsabilité civile de l'établissement dans lequel un mineur a été placé par le juge des enfants ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, que si, à l'époque des faits, le mineur se trouvait sous la garde effective de l'établissement qui pouvait exercer sur lui son pouvoir de contrôle et de direction ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, où il résulte des énonciations des juges du fond qu'à la date des faits délictueux pour lesquels il a été poursuivi Y... se trouvait en vacances chez sa mère, qui détenait l'autorité parentale ; que, dès lors, seule cette dernière pouvait être déclarée civilement responsable des agissements délictueux du mineur ; qu'en déclarant le X... civilement responsable du mineur Y..., la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
" alors, d'autre part, que, sauf si le juge l'a suspendu, le séjour temporaire du mineur chez le parent qui a l'autorité parentale est toujours possible sans que l'établissement d'accueil soit tenu de solliciter l'accord exprès de ce dernier pour le recevoir ; qu'en l'espèce non seulement il n'a jamais été allégué que le juge ait interdit le retour temporaire du mineur Y... chez sa mère pendant les vacances mais il est établi par le dossier que, quelques jours après les faits, le juge a lui-même levé la mesure de placement dont ce mineur faisait l'objet ; qu'en exigeant du X..., pour l'exonérer de sa responsabilité civile, qu'il établisse que la mère avait donné son accord pour recevoir son fils la cour d'appel a méconnu les articles 375-7 et 1384 du Code civil " ;
Les moyens étant réunis :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par jugement devenu définitif sur l'action publique, Y..., Z... et A... ont été déclarés coupables, notamment, d'avoir frauduleusement soustrait un véhicule appartenant à la société Vascart-Lamoureux ; que ce vol a été commis alors que, étant mineurs, les prévenus se trouvaient confiés au X... en exécution de décisions prises par le juge des enfants sur le fondement des articles 375 et suivants du Code civil ; que la victime s'est constituée partie civile devant la juridiction répressive et a demandé, avec son assureur, réparation du préjudice subi ;
Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges ayant déclaré le X... civilement responsable, l'arrêt attaqué énonce que, détenant la garde des 3 mineurs, il avait pour mission de contrôler et d'organiser, à titre permanent, leur mode de vie et " qu'il est donc tenu au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, sans qu'il y ait besoin de caractériser une faute " de sa part ; qu'ils ajoutent, par motifs propres et adoptés, que la circonstance qu'Y... se soit trouvé chez sa mère au moment des faits est sans incidence sur la responsabilité du demandeur, dès lors que le retour du mineur dans sa famille ne résultait d'aucune décision judiciaire, ni d'aucun accord passé entre l'établissement gardien et la mère de l'enfant ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet un établissement d'éducation est responsable, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, du dommage causé à autrui par les mineurs qui lui sont confiés par le juge des enfants dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission ;
Qu'en outre les personnes tenues de répondre du fait d'autrui, au sens du même texte, ne peuvent s'exonérer de la responsabilité de plein droit qui en résulte en démontrant qu'elles n'ont commis aucune faute ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83956
Date de la décision : 26/03/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RESPONSABILITE CIVILE - Personnes dont on doit répondre - Régime - Responsabilité de plein droit.

1° Les personnes tenues de répondre du fait d'autrui, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, ne peuvent s'exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en démontrant qu'elles n'ont commis aucune faute (arrêts n°s 1, 2 et 3)(1).

2° RESPONSABILITE CIVILE - Personnes dont on doit répondre - Domaine d'application - Etablissement d'éducation - Garde d'un mineur par décision judiciaire - Infraction commise par le mineur retourné chez sa mère - Main-levée ou suspension de la mesure de garde - Absence - Effet.

2° MINEUR - Action civile - Civilement responsable - Etablissement d'éducation - Infraction commise par un mineur à lui confié et retourné chez sa mère - Absence de main-levée ou de suspension de la mesure de garde - Effet.

2° Un établissement d'éducation est responsable, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, du dommage causé à autrui par les mineurs qui lui sont confiés par le juge des enfants dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission. Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour retenir la responsabilité civile d'un foyer éducatif à la suite d'un vol commis par un mineur résidant chez sa mère au moment des faits, énonce que ce mineur, avait été confié au foyer par le juge des enfants et que son retour au domicile maternel ne résultait pas de l'exécution d'une décision judiciaire (arrêt n° 2)(2).

3° RESPONSABILITE CIVILE - Personnes dont on doit répondre - Domaine d'application - Etablissement d'éducation - Garde d'un mineur par décision judiciaire - Infraction commise au préjudice de l'établissement - Effet.

3° ACTION CIVILE - Partie civile - Qualité - Civilement responsable victime d'une infraction commise par le mineur dont il doit répondre 3° MINEUR - Action civile - Civilement responsable - Etablissement d'éducation - Infraction commise au préjudice de l'établissement par un mineur à lui confié - Effet.

3° La responsabilité d'un établissement d'éducation à l'égard des tiers du fait du mineur qu'il a sous sa garde ne fait pas obstacle à son action en réparation du dommage que lui a personnellement causé l'infraction commise par ce dernier (arrêt n° 3).


Références :

3° :
Code civil 1384, al.1

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 06 juin 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Assemblée plénière, 1991-03-29, Bulletin 1991, Assemblée plénière, n° 1, p. 1 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1996-10-10, Bulletin criminel 1996, n° 357, p. 1054 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Assemblée plénière, 1991-03-29, Bulletin 1991, Assemblée plénière, n° 1, p. 1 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1996-10-10, Bulletin criminel 1996, n° 357, p. 1054 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mar. 1997, pourvoi n°95-83956, Bull. crim. criminel 1997 N° 124 p. 414
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 124 p. 414

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Plusieurs conseillers rapporteurs :M. Desportes (arrêts n°s 1 et 2), Mme Ferrari (arrêt n° 3).
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard (arrêts nos 1, 2, 3), M. Odent (arrêt n° 1), la SCP Célice et Blancpain (arrêt n° 2).

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.83956
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