La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2011 | FRANCE | N°328525

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 23 mai 2011, 328525


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 10 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD), dont le siège est 77, esplanade Général de Gaulle La Défense 9 - Tour Opus 12 à Paris La Défense (92914), représenté par son directeur général en exercice ; l'EPAD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01778 du 2 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 16 mars 2007 pa

r lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la soc...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 10 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD), dont le siège est 77, esplanade Général de Gaulle La Défense 9 - Tour Opus 12 à Paris La Défense (92914), représenté par son directeur général en exercice ; l'EPAD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01778 du 2 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 16 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Veolia Eau tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2003 par laquelle l'EPAD a décidé d'assujettir l'occupation de son domaine public au paiement d'une redevance et a résilié les deux conventions régissant l'occupation de son domaine public par la compagnie générale des eaux et, d'autre part, a annulé ses décisions des 27 mai, 22 et 23 octobre 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Veolia Eau ;

3°) de mettre à la charge de la société Veolia Eau la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD) et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Veolia Eau,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD) et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société Veolia Eau ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention du 3 avril 1962, le syndicat des eaux de l'Ile-de-France (SEDIF) a confié à la Compagnie générale des eaux (CGE) la gestion en régie intéressée du service public de production et de distribution de l'eau sur le territoire des communes adhérentes au syndicat ; que l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE (EPAD) a conclu, les 7 avril 1970 et 30 avril 1980, deux conventions avec la CGE ayant pour objet de définir les conditions financières, administratives et techniques de l'implantation du réseau de distribution d'eau dans le secteur dit " de la Défense " ; que ces deux conventions prévoyaient la gratuité de l'occupation du domaine public de l'EPAD par le réseau de distribution d'eau de la CGE ; que, l'EPAD ayant ultérieurement décidé d'assujettir l'occupation de son domaine public au paiement de redevances, il a accordé à la CGE, le 27 mai 2003, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public prévoyant le versement de redevances, que la CGE a refusé de payer en se prévalant de ce que les conventions des 7 octobre 1970 et 30 avril 1980 prévoyaient la gratuité de l'occupation ; que l'EPAD a, par décision du 23 octobre 2003, résilié ces deux conventions ; que, par un jugement du 16 mars 2007, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la CGE tendant à l'annulation des décisions du 27 mai 2003 et du 23 octobre 2003 ; que, par l'arrêt attaqué du 2 avril 2009, la cour administrative d'appel de Paris a accueilli les demandes de la société Veolia Eau, venant aux droits de la CGE, et a annulé ce jugement ainsi que ces décisions ;

Considérant, d'une part, qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ;

Considérant, d'autre part, que la volonté d'assurer une meilleure exploitation du domaine public, notamment par l'instauration d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qu'un permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation de ce domaine, fait partie des motifs d'intérêt général pouvant justifier qu'il soit mis fin à un contrat d'occupation du domaine public avant son terme ;

Considérant que, pour annuler la décision de résiliation litigieuse, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que le motif retenu par l'EPAD pour prendre cette décision était purement budgétaire, étranger à l'intérêt du domaine mais touchant à la cause même des conventions conclues les 7 octobre 1970 et 30 avril 1980, alors que ne serait survenu aucun évènement nouveau affectant l'exécution de ces conventions ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que l'EPAD entendait assujettir à redevance l'occupation de son domaine public en vue d'en assurer une meilleure exploitation, compte tenu de l'évolution de sa mission principale, depuis la création de l'établissement, du rôle d'aménageur à celui de gestionnaire de son domaine, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant d'une part, que la société Veolia Eau a repris en appel les moyens invoqués devant le tribunal administratif de Paris par la CGE, aux droits de laquelle elle est venue ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Paris, dont le jugement répond, par une motivation suffisante, à l'ensemble de ces moyens, de les écarter ; que d'autre part, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; que, dès lors, la société Veolia Eau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 4 500 euros à la charge de la société Veolia Eau à verser à l'EPAD, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Veolia Eau au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 2 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de la société Veolia Eau devant la cour administrative d'appel de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La société Veolia Eau versera la somme de 4 500 euros à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ETABLISSEMENT PUBLIC POUR L'AMENAGEMENT DE LA REGION DE LA DEFENSE et à la société Veolia Eau.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328525
Date de la décision : 23/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - RÉGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - CONTRATS ET CONCESSIONS - RÉSILIATION D'UNE CONVENTION D'OCCUPATION DOMANIALE - 1) POSSIBILITÉ POUR LES OCCUPANTS DE CONTESTER LA LÉGALITÉ D'UNE TELLE MESURE EN FORMANT DES CONCLUSIONS TENANT À LA REPRISE DES RELATIONS CONTRACTUELLES - EXISTENCE [RJ1] [RJ2] - 2) MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL TIRÉ DE LA VOLONTÉ D'ASSURER UNE MEILLEURE EXPLOITATION DU DOMAINE - NOTAMMENT PAR L'INSTAURATION D'UNE REDEVANCE - LÉGALITÉ.

24-01-02-01-01-02 1) La jurisprudence selon laquelle les parties à un contrat administratif peuvent, eu égard à la portée d'une telle mesure, former un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, est applicable à la résiliation d'un convention d'occupation domaniale.,,2) La volonté d'assurer une meilleure exploitation du domaine public, notamment par l'instauration d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qu'un permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation de ce domaine, fait partie des motifs d'intérêt général pouvant justifier qu'il soit mis fin à un contrat d'occupation du domaine public avant son terme.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RÉSILIATION - MOTIFS - RÉSILIATION D'UNE CONVENTION D'OCCUPATION DOMANIALE POUR MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - MOTIF TIRÉ DE LA VOLONTÉ D'ASSURER UNE MEILLEURE EXPLOITATION DU DOMAINE - NOTAMMENT PAR L'INSTAURATION D'UNE REDEVANCE - LÉGALITÉ.

39-04-02-01 La volonté d'assurer une meilleure exploitation du domaine public, notamment par l'instauration d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qu'un permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation de ce domaine, fait partie des motifs d'intérêt général pouvant justifier qu'il soit mis fin à un contrat d'occupation du domaine public avant son terme.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RECOURS DE PLEIN CONTENTIEUX DU COCONTRACTANT CONTESTANT LA VALIDITÉ DE LA MESURE DE RÉSILIATION D'UN CONTRAT ADMINISTRATIF [RJ1] - APPLICABILITÉ À LA RÉSILIATION D'UNE CONVENTION D'OCCUPATION DOMANIALE - EXISTENCE [RJ2].

39-08 La jurisprudence selon laquelle les parties à un contrat administratif peuvent, eu égard à la portée d'une telle mesure, former un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, est applicable à la résiliation d'un convention d'occupation domaniale.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n° 304806, à publier au Recueil.,,

[RJ2]

Rappr., dans l'état du droit antérieur à la décision Commune de Béziers du 21 mars 2011, CE, 13 juillet 1968, Société des établissements Serfati, n° 73161, p. 434.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 mai. 2011, n° 328525
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:328525.20110523
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award