Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 octobre 1994 et 13 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Association séfarade de Mulhouse, demeurant ..., représentée par son président en exercice ; l'Association séfarade de Mulhouse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 août 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 26 août 1988 refusant de procéder au transfert de la circonscription rabbinique de Guebwiller à Mulhouse ;
2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance royale du 25 mai 1844 portant règlement pour l'organisation du culte israélite ;
Vu le décret du 9 juillet 1853 réglant le mode de nomination des grands rabbins et des rabbins communaux ;
Vu l'ordonnance de droit local du président supérieur du 22 juillet 1872 relative au attributions du consistoire central ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Japiot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Association séfarade de Mulhouse, et de Me Choucroy, avocat du consistoire israélite du Haut-Rhin,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 60 de l'ordonnance royale du 25 mai 1844, portant règlement pour l'organisation du culte israélite : "Il ne peut être établi aucune nouvelle circonscription rabbinique, ni être fait aucune modification aux circonscriptions rabbiniques actuellement existantes, qu'en vertu de notre autorisation, donnée sur le rapport de notre ministre des cultes, et sur l'avis du consistoire central, des communes intéressées et du préfet du département" ;
Sur la compétence au sein de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 modifié : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 4° Des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes réglementaires des ministres (...)" ; que la décision attaquée refusant de procéder à la suppression d'une circonscription rabbinique et à la création d'une nouvelle circonscription constitue un acte à caractère réglementaire ; que, dès lors, le Conseil d'Etat était seul compétent pour connaître de la demande de l'association requérante dirigée contre cette décision ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 août 1994 doit être annulé ;
Sur la légalité de la décision du ministre de l'intérieur du 26 août 1988 :
Considérant que, sous l'empire de la Constitution du 4 octobre 1958, l'autorité compétente pour décider la création ou la modification d'une circonscription rabbinique est le Premier ministre, sur proposition du ministre chargé des cultes ; que la décision attaquée doit être regardée comme un refus du ministre de l'intérieur de proposer au Premier ministre la suppression de la circonscription rabbinique de Guebwiller et la création d'une nouvelle circonscription de Mulhouse sollicitées par l'association requérante ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur, chargé des cultes, était compétent pour prendre ladite décision ;
Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le ministre de l'intérieur se soit estimé lié par l'avis du consistoire départemental qu'il avait consulté préalablement à sa décision, en application de l'ordonnance susvisée de droit local du 22 juillet 1872 ; que, dès lors qu'il avait décidé de ne pas proposer au Premier ministre le transfert de circonscription rabbinique sollicité, le ministre de l'intérieur n'était pas tenu de procéder aux autres consultations prévues par les dispositions susrappelées ;
Considérant que la décision attaquée, qui revêt un caractère réglementaire, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du consistoire départemental du Haut-Rhin, que les effectifs de la circonscription de Guebwiller justifiaient le maintien d'un rabbin, et qu'en revanche, la distinction des rites dont se prévalait l'association requérante ne nécessitait pas la création d'une nouvelle circonscription à Mulhouse ; qu'ainsi, en refusant de supprimer la circonscription rabbinique de Guebwiller, le ministre de l'intérieur ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée violerait, par elle-même, la liberté de religion protégée par les dispositions de l'article 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution et par les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Association séfarade de Mulhouse n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 26 août 1988 refusant de procéder au transfert de la circonscription rabbinique de Guebwiller à Mulhouse ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'Association séfarade de Mulhouse la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 août 1994 est annulé.
Article 2 : La requête de l'Association séfarade de Mulhouse est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association séfarade de Mulhouse, au consistoire israélite du Haut-Rhin et au ministre de l'intérieur.