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26/03/2003 | FRANCE | N°235129

France | France, Conseil d'État, 4eme et 6eme sous-sections reunies, 26 mars 2003, 235129


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2002, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE GUANJE, dont le siège social est ..., agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; elle demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la commission nationale d'équipement commercial du 6 février 2001 accordant à la SA Claude Chesse l'autorisation préalable en vue de la création d'un commerce de bricolage et de jardinage de 3 500 m2 à Saint-Géréon (44150) sous l'enseigne Mr X... et de condamner l'Etat à lui verser 15

000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2002, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE GUANJE, dont le siège social est ..., agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; elle demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de la commission nationale d'équipement commercial du 6 février 2001 accordant à la SA Claude Chesse l'autorisation préalable en vue de la création d'un commerce de bricolage et de jardinage de 3 500 m2 à Saint-Géréon (44150) sous l'enseigne Mr X... et de condamner l'Etat à lui verser 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mars 2003, présentée par la SOCIETE GUANJE ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2003, présentée par la SA Claude Chesse ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6, paragraphe 1 ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d'équipement commercial ;

Vu l'arrêté du 12 décembre 1997 fixant le contenu de la demande d'autorisation d'implantation de certains magasins de commerce de détail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les moyens relatifs à la régularité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 35 du décret du 9 mars 1993 : La commission nationale d'équipement commercial élabore son règlement intérieur ; que ce règlement, qui a pour objet de faciliter l'organisation des délibérations de la commission, n'édicte pas des dispositions dont la méconnaissance entacherait d'illégalité les décisions qu'elle prend ; que la société requérante ne peut par suite utilement se prévaloir à l'appui de sa requête d'une violation des prescriptions de ce règlement ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article 30 du décret du 9 mars 1993 dispose que : Les membres de la commission nationale d'équipement commercial reçoivent l'ordre du jour accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'équipement commercial, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins ; qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée le 24 janvier 2001 aux membres de la commission nationale d'équipement commercial en vue de la réunion du 6 février 2001, comprenait, pour chacun des dossiers inscrits à l'ordre du jour, l'ensemble des documents mentionnés ci-dessus ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 720-11 du code de commerce, dispose que : ... III - Tout membre de la commission doit informer le président des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique./ IV - Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct ou s'il représente ou s'il a représenté une des parties intéressées ; que la méconnaissance de la formalité d'information du président ainsi prévue est par elle-même sans incidence sur la régularité de la décision attaquée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'un des membres de la commission aurait participé à la délibération de la commission nationale en méconnaissance des dispositions précitées ;

Considérant, en quatrième lieu, que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale d'équipement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en motivant, notamment, sa décision par la densité en grandes et moyennes surfaces spécialisées dans la distribution d'articles de bricolage et de jardinage, les caractéristiques du projet au regard de l'évasion commerciale vers les agglomérations voisines et l'animation de la concurrence entre grandes et moyennes surfaces spécialisées, la commission nationale a, en l'espèce, satisfait à cette exigence ;

Considérant, en cinquième lieu, que la décision attaquée n'émane ni d'une juridiction, ni d'un tribunal au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les stipulations de cet article auraient été méconnues doit être écarté ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que la participation du commissaire du gouvernement suppléant à la réunion de la commission nationale au cours de laquelle la décision attaquée a été prise aurait été irrégulière n'est assorti d'aucun élément susceptible d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne le moyen tiré d'insuffisances du dossier de la demande :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact jointe au dossier de la demande par la SA Claude Chesse comportait l'indication des effets du projet sur l'emploi ; que, si la société requérante conteste les estimations faites par le demandeur tant des conséquences du projet sur l'emploi que des évaluations du chiffre d'affaires attendu et de son impact sur les différentes catégories d'établissements existants, ces inexactitudes, à les supposer établies, ont été sans influence sur la décision de la commission nationale d'équipement commercial qui disposait des renseignements complémentaires fournis par les services instructeurs ;

En ce qui concerne le moyen tiré d'une erreur de fait :

Considérant que la société requérante soutient que la commission nationale d'équipement commercial a fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts en ce qu'elle n'aurait pas pris en compte dans l'offre commerciale de la zone de chalandise certaines petites surfaces et l'existence d'un magasin à l'enseigne Point P de 7 100 m2 situé à Ancenis, au centre de cette zone ; que le rapport présenté devant la commission nationale d'équipement commercial par le commissaire du gouvernement contient les précisions nécessaires en ce qui concerne le nombre et les caractéristiques des surfaces de vente de la zone de chalandise et qu'il mentionne le magasin à l'enseigne Point P ; qu'en ce qui concerne ce dernier, il s'agit d'une surface de vente spécialisée en matériaux lourds et opérant sur un marché distinct de celui concerné par la demande ; que ce moyen doit donc être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er modifié de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce :

Considérant que l'article 1er modifié de la loi du 27 décembre 1973 dispose : La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. Le commerce et l'artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l'emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l'économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi (...) ; qu'aux termes de l'article L. 720-1 du code de commerce : 1. - Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ; qu'en application des dispositions du II de l'article L. 720-3 du code de commerce, issues des dispositions de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée, Dans le cadre des principes définis aux articles L. 720-1 et L. 720-2, la commission statue en prenant en considération 1° - L'offre et la demande globale pour chaque secteur d'activité pour la zone de chalandise concernée ; 2° - La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; 3° - L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; 4° - L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; 5° - Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat ; (...) ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions combinées, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;

Considérant que la société requérante exploite à Ancenis, dans la zone primaire de chalandise du projet contesté, un magasin à l'enseigne Bricomarché de 1 650 m2 ; que la commission départementale d'équipement commercial de Loire-Atlantique lui a accordé, le 1er avril 2001, l'autorisation nécessaire pour porter cette surface de vente à 3 000 m2 ; que la décision critiquée autorise la SA Claude Chesse à développer, sous l'enseigne Mr X..., son exploitation en portant sa surface de vente de 1 180 m2 à 3 500 m2, dont 1 000 m2 en extérieur ;

Considérant qu'en l'espèce, même après réalisation du projet contesté, la densité des équipements spécialisés dans la vente des articles de bricolage et de jardinage dans la zone de chalandise demeurerait proche de celle constatée dans l'ensemble du département de Loire-Atlantique ; que les effets de la concurrence s'exerceraient essentiellement sur les autres grandes et moyennes surface de la zone de chalandise, et les grands équipements situés hors de celle-ci à proximité de Nantes et d'Angers ; que le projet n'aurait pas d'effet sensible sur le petit commerce spécialisé ; qu'ainsi l'autorisation accordée à la SA Claude Chesse n'est pas de nature à compromettre l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce ; que, dans ces conditions, la commission nationale d'équipement commercial n'a pas méconnu les objectifs fixés par les dispositions législatives précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE GUANJE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la SOCIETE GUANJE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la SOCIETE GUANJE à payer à la SA Claude Chesse la somme de 3 000 euros au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE GUANJE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE GUANJE paiera une somme de 3 000 euros à la SA Claude Chesse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GUANJE, à la SA Claude Chesse, à la commission nationale d'équipement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Copie en sera adressée au préfet de Loire-Atlantique.


Synthèse
Formation : 4eme et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 235129
Date de la décision : 26/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION - URBANISME COMMERCIAL (LOI DU 27 DÉCEMBRE 1973 MODIFIÉE) - PROCÉDURE - COMMISSION NATIONALE D'URBANISME COMMERCIAL - DISPOSITIONS DONT LA MÉCONNAISSANCE ENTACHERAIT D'ILLÉGALITÉ LES DÉCISIONS DE LA COMMISSION NATIONALE - ABSENCE - RÉGLEMENT INTÉRIEUR DE LA COMMISSION.

14-02-01-05-02-02 Le règlement intérieur établi par la commission nationale d'équipement commercial en application de l'article 35 du décret du 9 mars 1993, qui a pour objet de faciliter l'organisation de ses délibérations, n'édicte pas des dispositions dont la méconnaissance entacherait d'illégalité les décisions qu'elle prend. Le requérant ne peut par suite utilement se prévaloir à l'appui de sa requête d'une violation des prescriptions de ce règlement.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2003, n° 235129
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Yves Struillou
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:235129.20030326
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