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12/07/2004 | FRANCE | N°268890

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 12 juillet 2004, 268890


il soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son ordonnance en se bornant à retranscrire les allégations des époux X relatives à l'existence d'une urgence à suspendre la décision du 14 avril 2004, sans chercher à apprécier si la condition d'urgence était en l'espèce établie et sans répondre aux arguments présentés en défense ; que le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant qu'une limite d'âge de 45 ans était opposée aux adoptants ; que, s'agissant du moyen tiré de la violation d

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il soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé son ordonnance en se bornant à retranscrire les allégations des époux X relatives à l'existence d'une urgence à suspendre la décision du 14 avril 2004, sans chercher à apprécier si la condition d'urgence était en l'espèce établie et sans répondre aux arguments présentés en défense ; que le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant qu'une limite d'âge de 45 ans était opposée aux adoptants ; que, s'agissant du moyen tiré de la violation de la chose jugée invoqué par les époux X, le juge des référés a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en se fondant sur les termes de l'avis émis par la commission d'agrément d'adoption pour déterminer le motif de la décision prise par le président du conseil général des Yvelines ; qu'il a dénaturé les pièces du dossier en retenant que la décision du 14 avril 2004 était fondée sur le motif censuré par le jugement du 25 avril 2003 ; qu'il a commis une erreur de droit en estimant que l'autorité de la chose jugée excluait que le président du conseil général des Yvelines puisse prendre une nouvelle décision de rejet en se fondant sur le même motif, nonobstant l'évolution des circonstances de fait ; qu'enfin, s'agissant de l'injonction prononcée par le juge des référés, ce dernier a commis une erreur de droit en ordonnant une mesure qui ne saurait être regardée comme provisoire ni conservatoire ; que, statuant sur la demande en référé, le Conseil d'Etat ne saurait retenir l'urgence à suspendre la décision de refus d'agrément en date du 14 avril 2004 ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les observations, enregistrées le 1er juillet 2004, présentées par le ministre de la famille et de l'enfance, qui conclut aux mêmes fins que la requête ; il soutient que les Etats imposant une limite d'âge absolue pour les parents adoptants sont très peu nombreux et que la condition d'urgence invoquée par les intéressés devant le juge des référés ne saurait être regardée comme remplie en l'espèce ; que la procédure d'agrément répond à des objectifs de protection de l'enfance qui justifient une appréciation stricte des conditions d'accueil, notamment psychologiques ; que la procédure d'adoption ne saurait être engagée sur le fondement d'une décision d'agrément entendue comme provisoire, sous peine de compromettre l'intérêt de l'enfant ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2004, présenté pour les époux X, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du DEPARTEMENT DES YVELINES au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le juge des référés n'a nullement motivé son constat d'urgence par la seule circonstance que l'adoption serait interdite aux couples âgés de plus de 45 ans, mais s'est fondé sur une appréciation concrète de l'ensemble des éléments produits devant lui, notamment au regard du projet d'adoption des intéressés ; qu'en retenant le moyen tiré de la violation de la chose jugée comme étant de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 14 avril 2004, le juge des référés, qui n'a attribué à cette décision aucun autre motif que ceux qui y sont énoncés, n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a commis aucune erreur de droit ; que la mesure d'injonction prononcée par le juge des référés, qui était la seule mesure utile permettant d'éviter que les chances d'aboutissement du projet d'adoption ne soit compromise, a des effets seulement provisoires, dans l'attente d'un jugement sur la demande d'annulation de la décision du 14 avril 2004 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de la famille et de l'enfance, la procédure d'agrément n'a pas pour objet de rechercher les meilleurs parents possibles ; que, dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat devrait statuer au titre de la procédure de référé, il ne pourrait que constater que l'urgence à suspendre la décision du 14 avril 2004 est établie, notamment au regard de la teneur de leur projet d'adoption, des conditions concrètes de la procédure d'adoption internationale et de ce que l'administration a contribué au retard pris dans la procédure ;

Vu 2°/, sous le n° 268891, la requête enregistrée le 18 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DES YVELINES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES YVELINES demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 7 juin 2004 dont il demande l'annulation par sa requête enregistrée sous le n° 268890 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le décret n° 98-771 du 1er septembre 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Auditeur,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat du DEPARTEMENT DES YVELINES et de Me Brouchot, avocat de M. et Mme X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans sa requête enregistrée sous le n° 268890, le DEPARTEMENT DES YVELINES demande l'annulation de l'ordonnance en date du 7 juin 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, ordonné la suspension de l'exécution de la décision du 14 avril 2004 du président du conseil général des Yvelines rejetant la demande d'agrément de M. et Mme X en vue de l'adoption d'un enfant et, d'autre part, enjoint au président du conseil général de délivrer l'agrément sollicité dans le délai d'un mois ; que, dans sa requête enregistrée sous le n° 268891, il demande qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision ;

Sur la requête n° 268890 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, si M. et Mme X ont fait valoir, devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, que le refus qui leur a été opposé compromet de manière quasiment définitive, eu égard à leur âge, leurs chances de pouvoir adopter un enfant, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision attaquée du 14 avril 2004 ne prive pas M. et Mme X, qui sont âgés de 42 ans et ne font pas état d'un projet abouti concernant un enfant en particulier, de toute possibilité d'adopter un enfant, eu égard notamment aux motifs de cette décision et aux limites d'âge posées par les législations des pays d'adoption, malgré les délais inhérents tant au jugement de leur requête au fond qu'à la procédure internationale d'adoption ; que, dans ces conditions, la décision de refus d'agrément opposée aux intéressés le 14 avril 2004 ne saurait être regardée comme portant à la situation de M. et Mme X une atteinte suffisamment grave et immédiate pour que sa suspension revête un caractère d'urgence au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dénaturé les pièces du dossier en estimant que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie ; que son ordonnance du 7 juin 2004 doit, par conséquent, être annulée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la condition d'urgence n'est, en l'espèce, pas remplie ; que, par suite, les conclusions présentées par M. et Mme X devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 14 avril 2004 leur refusant la délivrance de l'agrément d'adoption sollicité et à ce qu'il soit enjoint au président du conseil général des Yvelines de leur délivrer cet agrément, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme réclamée devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles et devant le Conseil d'Etat par M. et Mme X, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, soit mise à la charge du DEPARTEMENT DES YVELINES, qui n'est pas la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme X la somme demandée par le DEPARTEMENT DES YVELINES au même titre ;

Sur la requête n° 268891 :

Considérant que, la présente décision statuant sur la requête en annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme réclamée par M. et Mme X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la charge du DEPARTEMENT DES YVELINES ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 7 juin 2004 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DES YVELINES est rejeté.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 7 juin 2004.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES YVELINES, à M. et Mme Jean-Pierre X et au ministre de la famille et de l'enfance.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 268890
Date de la décision : 12/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-03-02 PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ARTICLE L 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE - URGENCE - DÉCISION DE REFUS D'AGRÉMENT EN VUE DE L'ADOPTION D'UN ENFANT - ABSENCE - ABSENCE DE PROJET ABOUTI CONCERNANT UN ENFANT EN PARTICULIER.

54-035-02-03-02 Une décision de refus d'agrément opposée à des requérants âgés de 42 ans ne faisant pas état d'un projet abouti concernant un enfant en particulier ne prive pas les intéressés de toute possibilité d'adopter un enfant malgré les délais inhérents tant au jugement de leur requête au fond qu'à la procédure internationale d'adoption. Dans ces conditions, une telle décision ne saurait être regardée comme portant à la situation des requérants une atteinte suffisamment grave et immédiate pour que sa suspension revête un caractère d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2004, n° 268890
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mme Suzanne von Coester
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : BROUCHOT ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:268890.20040712
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