Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 27 août 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Ikini Baah Wamba X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile modifiée ;
Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et relatif à l'asile territorial ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : (...) l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial : le ministre de l'intérieur statue en urgence : lorsque l'étranger qui demande l'asile territorial se trouve en rétention administrative, en application de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, (...) ou lorsque la demande d'asile territorial est de nature abusive, frauduleuse ou dilatoire ;
Considérant que lors de sa venue, le 27 août 2002, à la préfecture de la Seine-Saint-Denis pour solliciter son admission au séjour au titre de l'asile territorial, M. X a été placé en rétention administrative sur la base d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le jour même ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette demande d'asile ait eu pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à la décision de reconduite à la frontière dès lors que c'est à l'occasion de la demande d'asile qu'il venait déposer que le préfet a fait procéder à la mise en rétention administrative de M. X afin de pouvoir prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ; que l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 27 août 2002 a donc été pris antérieurement à la décision ministérielle statuant sur la demande d'asile territorial en méconnaissance des dispositions de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 27 août 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions de l'appel incident de M. X à fin d'injonction :
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X ; qu'il y a lieu de faire droit à son appel incident et d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions et par voie d'évocation, d'y statuer ;
Considérant que si la présente décision rend impossible l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre du requérant, elle n'implique pas par elle-même la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent être accueillies ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer la situation de M. X dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. X demande en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : Le jugement du 29 août 2002 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fin d'injonction de M. X.
Article 3 : Il est enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à M. Ikini Baah Wamba Xet au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.