Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 30 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Karim Ahmed X, détenu au ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 mars 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2000 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 1999 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ordonnant son expulsion du territoire français ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 286,74 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que M. X s'est rendu coupable de multiples infractions pour lesquelles il a été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée totale de huit ans ; que, toutefois, il est constant que M. X, ressortissant algérien, est entré en France à l'âge de trois ans, en 1973 ; que lui même, ses frères, sa soeur et sa mère, ces dernières de nationalité française, y résident depuis lors et qu'il n'a plus d'attaches familiales en Algérie, dont il ne maîtrise pas la langue ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Douai a inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X n'avait pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'avait, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant au dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne justice le justifie ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté du ministre de l'intérieur du 23 septembre 1999, prononçant l'expulsion de M. X, a porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 286,74 euros, que demande M. X, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 28 mars 2002 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 mars 2000 et l'arrêté du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, du 23 septembre 1999 sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 2 286,74 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Karim Ahmed X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.