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13/04/2005 | FRANCE | N°264463

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 13 avril 2005, 264463


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Joseph X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de France Télécom, annulé le jugement du 31 décembre 1997 du tribunal administratif de Strasbourg annulant la décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale d'Alsace de France Télécom du 23 février 1995, rejetant, après avis de la commission technique mixte n

ationale, son recours contre une décision de rattachement de son poste de...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Joseph X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de France Télécom, annulé le jugement du 31 décembre 1997 du tribunal administratif de Strasbourg annulant la décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale d'Alsace de France Télécom du 23 février 1995, rejetant, après avis de la commission technique mixte nationale, son recours contre une décision de rattachement de son poste de travail à la fonction de concepteur de réseaux de niveau II-2 ;

2°) de rejeter la requête présentée par France Télécom devant ladite cour à l'encontre du jugement précité du tribunal administratif de Strasbourg ayant annulé la décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale d'Alsace susvisée ;

3°) d'enjoindre à France Télécom de procéder à une reclassification de M. X dans le grade de concepteur de réseau de niveau II-3 et à une reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous peine d'être condamnée à verser une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de France Télécom le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;

Vu le décret n° 93-517 du 25 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de M. X et de Me Delvolvé, avocat de France Télécom,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 18 janvier 1994, le responsable du centre de construction des lignes de Mulhouse a présenté à M. X, fonctionnaire en activité à France Télécom, dans le cadre de la procédure de reclassification des grades du personnel, une proposition de rattachement à la fonction de concepteur de réseau de niveau II 2 ; que M. X a refusé cette proposition et a saisi la commission technique et mixte de France Télécom d'une demande de rattachement au niveau II 3 de cette fonction ; que par la lettre attaquée du 23 février 1995, le directeur des ressources humaines à la direction régionale de France Télécom a rejeté cette demande ; que s'il a offert à M. X la possibilité d'opter entre son grade actuel dit grade de reclassement et le nouveau grade de reclassification qui lui était attribué, il a précisé également que, quel que soit son choix, son poste auquel, par ailleurs, de nouvelles règles de gestion étaient applicables, serait positionné sur le niveau de fonction résultant de la décision de la commission ; qu'il ressort ainsi des termes mêmes de cette lettre que France Télécom ne s'est pas bornée à adresser à M. X une proposition mais, après avoir rejeté la demande de ce dernier, lui a imposé un niveau de fonction moins élevé que celui qu'il souhaitait ; que cette lettre constitue ainsi une décision faisant grief ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit, en estimant que cette décision n'était pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'examen de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Strasbourg que le moyen tiré de ce que les garanties procédurales prévues par les dispositions de l'article 21 du décret du 25 mars 1993 auraient dû lui être assurées, et notamment la consultation préalable de la commission paritaire spéciale d'intégration, prévue par ce même article, a été soulevé ; que, par suite, France Télécom n'est pas fondée à soutenir que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif de Strasbourg aurait relevé d'office ce moyen qui n'était pas d'ordre public, sans au surplus le communiquer à la partie défenderesse ;

Considérant que, dans ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. X a demandé qu'il soit enjoint à France Télécom de prendre une nouvelle décision concernant sa reclassification, qui soit conforme à la décision des premiers juges en application des articles L. 8-2, L. 8-3 et L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, aujourd'hui repris aux articles L. 911-1, L. 911-2, L. 911-3 et L. 911-4 du code de justice administrative ; que, par suite, en décidant qu'il y avait lieu de prescrire à France Télécom de reclasser le requérant dans le niveau de fonction de concepteur de réseau de niveau II 3 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous peine d'être condamnée à verser une astreinte de 300 F par jour de retard, le tribunal administratif n'a pas statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 21 du décret du 25 mars 1993 : Pendant une période de cinq ans à compter de la date d'effet du présent décret, les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom qui exercent l'une des fonctions correspondant à l'un des grades des corps régis par le présent décret, telle que cette correspondance est établie comme il est dit à l'article 4 ci-dessus, ont vocation à être intégrés dans ce grade.// Il est institué auprès de chaque exploitant public une commission paritaire spéciale d'intégration dont la composition, les modalités de désignation des membres et les règles de fonctionnement sont fixées par décision du président du conseil d'administration de chaque exploitant public.// Chaque exploitant public, après avis de la commission paritaire spéciale d'intégration, notifie au fonctionnaire remplissant les conditions fixées au premier alinéa ci-dessus, une proposition d'intégration. Un délai d'option d'une durée d'un mois à compter de la date à laquelle ils reçoivent la notification de cette proposition, est ouvert aux intéressés pour accepter cette intégration... ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret, auquel renvoie l'article 21 précité : Une décision du président du conseil d'administration de l'exploitant public concerné fixé la liste des différentes spécialités professionnelles exercées par les membres des corps régis par le présent décret et définit les fonctions correspondant à chacun des grades de ces corps ;

Considérant que, pour établir une correspondance entre le poste occupé par M. X et le niveau de fonction II-2, alors que l'intéressé en réclamait le rattachement au niveau de fonction II-3, France Télécom s'est notamment fondée sur ce que les titulaires de ce dernier grade pourraient exercer des fonctions d'encadrement dont M. X n'était pas chargé dans son poste ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation ainsi portée par France Télécom serait entachée d'erreur manifeste ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur une telle erreur manifeste pour annuler la décision du directeur des ressources humaines de la direction régionale d'Alsace en date du 23 février 1995 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant que l'article 21 du décret précité du 25 mars 1993 impose que la commission paritaire spéciale d'intégration soit consultée avant la notification à l'agent d'une proposition de reclassification ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que cette commission n'a pas été saisie du cas de M. X ; qu'il suit de là que la décision attaquée est intervenue sur une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que France Télécom n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la lettre attaquée en date du 23 février 1995 du directeur régional de France Télécom ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne que M. X soit intégré au grade de concepteur de réseau de niveau II 3 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que si la présente décision, qui confirme l'annulation du refus de France Télécom de faire accéder le requérant au grade auquel il prétend, a pour effet de saisir à nouveau France Télécom de la demande de M. X, son exécution n'implique pas que cette société fasse droit à cette demande ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction de M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que France Télécom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de France Télécom une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 4 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : La requête de France Télécom devant la cour administrative d'appel de Nancy et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X sont rejetées.

Article 4 : France Télécom versera à M. X une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Joseph X, à France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264463
Date de la décision : 13/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2005, n° 264463
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : COSSA ; DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264463.20050413
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