Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 29 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la MUTUALITE DES ARDENNES, dont le siège est 22, avenue Leclerc à Charleville-Mézières (08000) ; la MUTUALITE DES ARDENNES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa requête tendant à l'annulation du jugement du 11 juin 2002 du tribunal administratif de Châlons ;en ;Champagne rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 août 2001 du ministre de l'emploi et de la solidarité confirmant la décision du 23 avril 2001 de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de M. Vincent X ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, Auditeur,
- les observations de Me Spinosi, avocat de la MUTUALITE DES ARDENNES et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant que, pour juger qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête présentée devant elle par la MUTUALITE DES ARDENNES, la cour administrative d'appel de Nancy a estimé que les faits retenus à l'encontre de M. Vincent X, salarié protégé employé par la MUTUALITE DES ARDENNES, sont antérieurs au 17 mai 2002 et ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme constituant un manquement à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; qu'ainsi ils sont amnistiés et ne peuvent, par suite, plus servir de fondement à une autorisation de licenciement ; que, toutefois, la cour n'a pas exposé ces faits dans les motifs de son arrêt ; qu'elle n'a ainsi pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle de la qualification juridique qu'elle a effectuée en estimant que les faits reprochés à M. X entraient dans le champ de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MUTUALITE DES ARDENNES est fondée à soutenir que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est insuffisamment motivé et à demander son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425 ;1 du code du travail, le licenciement des délégués du personnel ou candidats aux élections de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle, doit être autorisé par l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité administrative compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, pour demander l'autorisation de licencier M. X, moniteur éducateur et candidat aux élections de délégué du personnel, la MUTUALITE DES ARDENNES a fait valoir que l'intéressé aurait entretenu des relations ambiguës avec des résidentes du centre d'hébergement et de réadaptation sociale de Charleville ;Mézières destiné à accueillir pour quelques mois des personnes connaissant des difficultés d'insertion sociale temporaire, ainsi qu'une attitude en profonde contradiction avec la déontologie de sa profession ; qu'il ressort des pièces du dossier que le comportement de M. X, qui s'exprimait de façon grossière et grivoise, était constamment empreint de laisser ;aller et de provocation envers les résidentes du centre d'hébergement ; que ce comportement a, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu tant de la nature des fonctions de moniteur-éducateur que M. X occupait, que de la fragilité et de la précarité des personnes accueillies au centre d'hébergement et de réadaptation sociale, revêtu le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été en relation avec le mandat qu'il exerçait ; que le comportement de l'intéressé caractérise, en outre, un manquement à l'honneur professionnel exclu, dès lors, du bénéfice de l'amnistie prévue par la loi du 6 août 2002 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MUTUALITE DES ARDENNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons ;en ;Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 août 2001 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision du 23 avril 2001 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licencier M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la MUTUALITE DES ARDENNES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la MUTUALITE DES ARDENNES devant les juges du fond et le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 2 juin 2004, le jugement du 11 juin 2002 du tribunal administratif de Châlons ;en ;Champagne ainsi que la décision du 13 août 2001 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision du 23 avril 2001 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licencier M. X sont annulés.
Article 2 : M. X versera la somme de 3 000 euros à la MUTUALITE DES ARDENNES au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MUTUALITE DES ARDENNES, à M. Vincent X et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.