La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2011 | FRANCE | N°337332

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2011, 337332


Vu, 1° sous le n° 337332, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 3 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent B, demeurant au ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 11 janvier 2010 par laquelle le jury du concours d'accès aux offices notariaux, créés et déclarés vacants par arrêté du 24 avril 2009, a arrêté les résultats de ce concours ;

2°) d'enjoindre au Centre national de l'enseignement professionnel notarial de produire

les disques durs sur lesquels figuraient les notes du concours en litige ;

3°) d...

Vu, 1° sous le n° 337332, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 mars et 3 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent B, demeurant au ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 11 janvier 2010 par laquelle le jury du concours d'accès aux offices notariaux, créés et déclarés vacants par arrêté du 24 avril 2009, a arrêté les résultats de ce concours ;

2°) d'enjoindre au Centre national de l'enseignement professionnel notarial de produire les disques durs sur lesquels figuraient les notes du concours en litige ;

3°) de mettre à la charge du Centre national de l'enseignement professionnel notarial le versement de la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 345399, l'ordonnance du 22 décembre 2010, enregistrée le 29 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Vincent B ;

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent B ; M. B demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 8 novembre 2010 nommant M. Bertrand A notaire à la résidence d'Aix les Bains (Savoie) ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 76-207 CE du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail ;

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

Vu le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;

Vu l'arrêté du 27 août 2007 fixant le programme et les modalités de l'examen subi en vue de la nomination à un office de notaire créé ou vacant ;

Vu l'arrêté du 6 décembre 2007 relatif à la composition du jury prévu à l'article 49 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. B et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du centre national de l'enseignement professionnel notarial,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. B et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du centre national de l'enseignement professionnel notarial ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus, tendant respectivement à l'annulation de la délibération du 11 janvier 2010 du jury du concours d'accès aux offices notariaux, créés et déclarés vacants par arrêté du 24 avril 2009, et de l'arrêté du 8 novembre 2010 procédant à la nomination de M. A en qualité de notaire à la résidence d'Aix-les-Bains présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la délibération du jury du 11 janvier 2010 :

Considérant qu'aux termes de l'article 49 du décret du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès à la fonction de notaire : Chaque nomination de notaire à un office créé intervient après classement des candidats suivant leur mérite par un jury dont la composition est fixée à l'article 52 (...) ; que, selon cet article : Le jury prévu à l'article 49 est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire hors hiérarchie et comprend en outre un professeur en activité ou émérite ou maître de conférences d'université, chargé d'un enseignement juridique désigné sur proposition du ministre chargé de l'éducation nationale et de deux notaires désignés sur proposition du conseil supérieur du notariat. / Le président et son suppléant ainsi que les membres du jury et leurs suppléants sont désignés, pour une période de trois ans renouvelable deux fois, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les deux arrêtés ministériels des 27 novembre 2008 et 22 juillet 2009 nommant respectivement un nouveau membre en remplacement d'un membre démissionnaire et un membre suppléant, n'ont été publiés qu'au bulletin officiel du ministère de la justice et non au Journal officiel de la République française est sans influence sur la régularité des délibérations de ce jury ; que le requérant ne saurait utilement soutenir qu'une règle de parallélisme des formes contraignait le ministre de la justice à publier ces arrêtés dans les mêmes conditions que l'arrêté du 6 décembre 2007 ayant nommé pour trois ans les membres du jury ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la version de cet arrêté signée le 6 décembre 2007 n'est pas différente de celle qui a été publiée le 18 décembre 2007 ; que les arrêtés modificatifs des 27 novembre 2008 et 22 juillet 2009 sont antérieurs au 31 août 2009, date de la première épreuve du concours ; que dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du jury doit être écarté ; que le requérant ne saurait utilement se prévaloir, pour contester cette composition, d'un principe de parité résultant, résultant, selon lui, de l'article 3 de la directive du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et la promotion professionnelle et les conditions de travail, non plus que du principe de non-discrimination énoncé à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 5 juillet 1973 organisant une procédure particulière de sélection des notaires en vue de leur nomination dans un office créé ou vacant, notamment de son article 52 en vertu duquel les membres du jury, désignés pour une période de trois ans renouvelable deux fois, disposent de suppléants, qu'en cas d'absence ou d'empêchement, les membres titulaires doivent pouvoir être remplacés par leurs suppléants ; qu'il s'ensuit que, d'une part, M. C, membre titulaire qui, étant empêché, n'a pas participé aux épreuves du concours pour l'année 2009, a été régulièrement remplacé par son suppléant ; que, d'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que des membres suppléants de ce jury étaient présents lors de la délibération du 11 janvier 2010, cette présence simultanée avec des membres titulaires n'a pas méconnu les dispositions du décret du 5 juillet 1973, dès lors qu'il n'est pas contesté que ces suppléants avaient été appelés à remplacer les titulaires au cours des épreuves ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la délibération du 11 janvier 2010 doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 août 2007 : (...) Les candidats ne peuvent introduire ou utiliser aucun document sur le lieu des épreuves. Toutefois pour l'épreuve pratique, sont autorisés les codes et recueils de lois et décrets annotés, à l'exclusion des codes commentés. / Chaque composition est examinée par deux correcteurs ;

Considérant que, d'une part, si M. B soutient que des indications orales données à certains candidats, la veille de l'épreuve pratique, selon lesquelles des codes et recueils pourraient être utilisés pour cette épreuve, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni d'aucun élément fourni par le requérant que des codes et recueils commentés auraient été utilisés lors de cette épreuve ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation de l'égalité des candidats et de la méconnaissance du règlement du concours doit être écarté ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des appréciations littérales portées sur les copies du requérant par deux correcteurs distincts, que, alors même que la mention portée par le second correcteur se borne à indiquer son accord avec les appréciations et la note proposées par le premier, la règle fixée par cette disposition n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas été méconnue ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'à l'appui du moyen tiré de l'existence d'une erreur matérielle dans la transcription des notes, M. B se borne à faire mention d'une indication orale donnée par un membre du personnel du Centre selon laquelle il aurait obtenu deux très bonnes notes, quasiment identiques, au sujet théorique et à l'épreuve orale ; que toutefois, cette allégation n'est confirmée par aucune production ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'allégation de M. B selon laquelle il a pu être victime d'une discrimination du fait de la composition exclusivement masculine du jury n'est pas davantage corroborée par les pièces du dossier ;

Considérant, enfin, que le jury n'avait pas à prendre en compte les publications et travaux universitaires du candidat mais devait seulement apprécier les prestations écrites et orales prévues par l'arrêté du 27 août 2007 ; que le bien-fondé des appréciations que le jury a portées sur la valeur des épreuves subies n'est pas susceptible d'être discuté devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le jury doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 11 janvier 2010 du jury du concours d'accès aux offices notariaux ;

Sur l'arrêté de nomination de M. A :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. B ;

Considérant, en premier lieu, que M. B soutient que l'illégalité de la délibération du 11 janvier 2010 du jury du concours d'accès aux offices notariaux doit entraîner l'annulation de l'arrêté nommant M. A notaire à la résidence d'Aix-les-Bains ; que pour établir cette illégalité, il soulève les mêmes moyens qu'à l'appui de sa requête tendant directement à l'annulation de cette même délibération ; que, pour les motifs exposés ci-dessus, ces moyens doivent être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 54-1 du décret du 5 juillet 1973 : La demande de nomination est présentée par le candidat au procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé l'office créé dans les six mois qui suivent l'établissement, par le Centre national de l'enseignement professionnel notarial, de la liste affectant les candidats sur un office créé en fonction de leur classement à l'issue des épreuves du concours et des choix exprimés par chacun (...) Si le candidat ne présente pas sa demande de nomination ou ne produit pas les justificatifs requis dans les délais impartis, il est réputé renoncer à l'office, lequel est alors proposé au prochain concours ;

Considérant que contrairement à ce que soutient M. B, M. A n'a pas formulé sa demande de nomination au-delà du délai de six mois qui lui était imparti par cette disposition ; que M. A ne pouvait, dès lors, être réputé avoir renoncé à cet office et a pu régulièrement y être nommé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté procédant à la nomination de M. A notaire à la résidence d'Aix-les-Bains ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à sa charge de M. B, au titre de ces mêmes dispositions, le versement d'une somme de 3 000 euros au Centre national de l'enseignement professionnel notarial et d'une somme de 1 000 euros à M. A ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. B sont rejetées.

Article 2 : M. B versera au Centre national de l'enseignement professionnel notarial une somme de 3 000 euros et à M. A une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Vincent B, au Centre national de l'enseignement professionnel notarial, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et à M. Bertrand A.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337332
Date de la décision : 13/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2011, n° 337332
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Marie-Françoise Lemaître
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:337332.20110713
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award