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26/09/2011 | FRANCE | N°328762

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26 septembre 2011, 328762


Vu le pourvoi, enregistré le 10 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06MA02708 du 7 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n° 0201550 du 15 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SARL Holding Financière Séguy tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à ce

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Vu le pourvoi, enregistré le 10 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06MA02708 du 7 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n° 0201550 du 15 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SARL Holding Financière Séguy tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 1997 et 1998 et a prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2011, présentée par la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bénabent, avocat de la société Holding Financière Séguy,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bénabent, avocat de la société Holding Financière Séguy ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL HFS était concessionnaire d'une licence exclusive de la marque Pétrin Ribeïrou et d'une licence non exclusive du savoir-faire attaché à cette marque, lesquelles lui avaient été concédées par ses deux associés ; qu'elle a conclu, le 10 octobre 1996, en vue d'étendre à l'Ile-de-France et à la Haute-Normandie le réseau de ses boulangeries franchisées, une convention avec la société DAS, filiale créée à cet effet, qui obtenait ainsi, pour la somme d'un franc symbolique, le droit de concéder elle-même des sous-licences de la marque et du savoir-faire sur un territoire limité à ces deux régions ; qu'elle a également conclu avec une autre filiale, la SARL Développement des Pétrins Ribeïrou (SDPR), créée en 1996, une convention de promotion pour la recherche de sous-licenciés potentiels dans le sud de la France qui prévoyait le reversement à cette société de 50 % des droits d'entrée et des redevances perçus au titre des conventions de sous-licences conclues par elle-même grâce à l'action de la filiale ; que l'administration, à la suite de la vérification de la comptabilité de la SARL HFS, a réintégré dans ses résultats une somme correspondant à 50 % des droits d'entrée et des redevances perçus par la société DAS auprès des franchisés, au double motif que l'absence de contrepartie financière aux concessions de licence et de marque accordées à cette filiale relevait d'une gestion anormale et que les redevances qui auraient dû être versées par la société DAS devaient être calculées selon les mêmes modalités que les sommes reversées à l'autre filiale ;

Considérant que le fait de renoncer à obtenir une contrepartie financière lors de la signature d'une concession de licences de marque et de savoir-faire ne relève pas en règle générale d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; qu'il incombe à cette entreprise de justifier de l'existence de contreparties à de tels choix contractuels, tant dans leur principe que dans leur montant ; qu'il appartient ensuite à l'administration de démontrer que ces contreparties sont inexistantes, dépourvues d'intérêt pour l'entreprise ou insuffisantes ;

Considérant que, pour juger que la SARL HFS s'était acquittée de l'obligation qui lui incombait de justifier de l'existence de contreparties à sa renonciation à percevoir une redevance, la cour s'est fondée sur les circonstances tirées de ce que la convention avait permis à la société de percevoir de sa filiale des dividendes importants entre 1998 et 2002 et de bénéficier d'un accroissement de la valeur des actifs de cette dernière ; qu'en retenant ces éléments, sans rechercher s'ils pouvaient être regardés comme un mode normal de rémunération d'une concession de licence, elle a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé la SARL HFS des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 à raison des sommes correspondant à ce redressement ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la société HFS conteste, d'une part, l'existence dans son principe d'un acte anormal de gestion et, d'autre part, le montant du redressement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier de l'existence d'une contrepartie à sa renonciation à percevoir toute forme de rémunération, la société fait valoir, outre la circonstance qu'elle était rémunérée par les dividendes et par la valorisation des actifs de sa filiale, que la convention pouvait être renégociée au terme d'une durée de cinq ans, que la société DAS supportait les risques contentieux liés à l'exécution des contrats par les concessionnaires de sous-licences, à la différence de l'autre filiale, la société SDPR, qu'elle avait des charges importantes sans rapport avec celles de cette dernière société, que ses propres charges étaient diminuées du montant de celles assumées par la société DAS et que la valeur de la marque Pétrin Ribeïrou avait été considérablement augmentée grâce à l'ouverture de 29 nouveaux magasins à la clôture de l'exercice clos en 1998 ;

Considérant que, d'une part, la perception escomptée de dividendes et la valorisation potentielle des actifs ne constituent pas un mode de rémunération normale d'un contrat de concession de licences, alors même qu'elle aurait été prévue au contrat ; que, d'autre part, l'administration fait valoir que la société ne justifie pas de l'intérêt commercial d'aider sa filiale, qui n'avait pas de difficultés financières dès lors qu'elle a pu verser à ses deux associés des dividendes de 582 000 F et de 1 465 000 F en 1998 et 1999 ; que la société DAS n'a pas, postérieurement aux années en cause, versé de rémunération à la holding ; que si les transferts de charges sur la société licenciée sont inhérents à un contrat de concession, ils n'excluent pas en eux-mêmes le versement d'une rémunération au concédant ; que le pourcentage des frais généraux supportés par la société DAS par rapport à son chiffre d'affaires est passé de 34 % au cours de l'exercice clos en 1997 à 29 % au cours de l'exercice clos en 1998 et à 13 % au cours de l'exercice suivant ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'administration établit l'existence d'un acte anormal de gestion de la part de la société HFS consistant en la renonciation à percevoir pendant toute la durée du contrat, lequel était au surplus tacitement renouvelable, une rémunération de la société DAS, dès lors qu'aucune contrepartie à une telle renonciation n'a été justifiée ;

Considérant, toutefois, que, pour calculer le montant du redressement correspondant au montant des redevances que, selon le service, la société DAS aurait dû verser à la société HFS, l'administration a retenu les mêmes modalités de calcul que celles adoptées pour la détermination du montant de la redevance mise à la charge de l'autre filiale, la société SDPR ; que la société fait valoir, sans être contredite, que les missions de ses deux filiales n'étaient pas identiques et que les charges de la société DAS, qui concédait des sous-licences de savoir-faire et de la marque, étaient plus importantes que celles de la société SDPR, qui avait un simple rôle d'agent commercial ; que, même si, comme cela a été dit ci-dessus, le pourcentage des frais généraux de la société DAS par rapport à son chiffre d'affaires a diminué au cours des années en litige et même si les contrats liant les deux filiales à la société mère avaient certaines clauses communes, les obligations juridiques résultant des deux contrats n'avaient pas la même consistance, dès lors que la société DAS devait supporter les risques contentieux liés à la concession des sous-licences et les frais de recherche et de formation des sous-licenciés, alors que la société SDPR était rémunérée pour une activité de recherche et de présentation de nouveaux concessionnaires ainsi que pour leur formation ; que, dans ces conditions, l'administration n'établit pas que le montant de la rémunération de la société HFS devait être fixé à 50 % des droits d'entrée et des redevances perçus par la société DAS de ses sous-licenciés ; qu'elle n'apporte aucun autre élément permettant d'établir le montant qui pourrait être retenu pour cette rémunération ; que, dès lors et en l'absence de ces éléments, la société HFS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de réduire les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie à raison du redressement en litige ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société HFS, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 7 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 15 juin 2006 du tribunal administratif de Nice sont annulés.

Article 2 : La SARL Holding Financière Séguy est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 à raison d'une renonciation à recettes consentie à la société DAS, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Holding Financière Séguy la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SARL Holding Financière Séguy.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328762
Date de la décision : 26/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. ACTE ANORMAL DE GESTION. - RENONCIATION À DES RECETTES - RENONCIATION À PERCEVOIR DES REDEVANCES DE CONCESSION DE LICENCE - PERCEPTION ESCOMPTÉE DE DIVIDENDES [RJ1] ET VALORISATION POTENTIELLE DES ACTIFS - MODE DE RÉMUNÉRATION NORMALE D'UN CONTRAT DE CONCESSION DE LICENCES - ABSENCE.

19-04-02-01-04-082 La perception escomptée de dividendes et la valorisation potentielle des actifs ne constituent pas un mode de rémunération normale d'un contrat de concession de licences, alors même qu'elle aurait été prévue au contrat.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de la perception escomptée de dividendes à raison de la renonciation au paiement de toute rémunération sur les fonds prêtés à une filiale, CE, 20 janvier 1992, Société Socodis, n° 67917, inédite au recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 sep. 2011, n° 328762
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP BENABENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:328762.20110926
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