La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2023 | FRANCE | N°22PA05464

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 22PA05464


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 mars 2021 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer une carte nationale d'identité à sa fille mineure.



Par un jugement n° 2104193 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 décemb

re 2022, 8 mars, 13 avril et 3 mai 2023, M. C... A..., représenté par Me Luthi, demande à la Cour :



1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 mars 2021 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer une carte nationale d'identité à sa fille mineure.

Par un jugement n° 2104193 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 23 décembre 2022, 8 mars, 13 avril et 3 mai 2023, M. C... A..., représenté par Me Luthi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104193 du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 23 mars 2021 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 61-1 du code de procédure pénale ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- la procédure suivie a méconnu les droits de la défense garantis par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ainsi que le principe du contradictoire ;

- la décision n'est pas justifiée, dès lors que ni son identité ni sa nationalité n'ont été remises en cause, qu'il est bien le père de l'enfant dont il assure l'entretien et l'éducation, et que les réponses divergentes données par lui et la mère de l'enfant s'expliquent par l'état de stress de celle-ci et par le caractère orienté des questions posées ;

- la décision méconnait l'article 61-1 du code de procédure pénale et l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Luthi, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... ayant sollicité la délivrance d'une carte nationale d'identité pour sa fille mineure, B..., née le 2 mai 2019, le préfet du Val-de-Marne lui a opposé un refus par une décision du 23 mars 2021. M. A... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. M. A... soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il a été, durant l'entretien administratif, privé de la présence d'un conseil alors qu'il s'agit d'un droit prévu par l'article 61-1 du code de procédure pénale. Il ressort toutefois des écritures de première instance de l'intéressé qu'il y a exposé, en se référant aux mentions du préfet du Val-de-Marne relatives au but des entretiens organisés avec les demandeurs, que la question n'était pas celle d'un débat contradictoire mais celles de l'assistance par un conseil, que la formule du préfet faisait référence aux dispositions de l'article 61-1 du code de procédure pénale instituant l'audition libre, et qu'ainsi le préfet s'était " à l'évidence référé aux principes régissant les droits de la défense " et qu'en conséquence, " le tribunal ne pourra qu'annuler la décision prise sur le fondement des réponses obtenues à la suite d'entretiens non réguliers ". Il ne résulte pas de ces développements que M. A... aurait entendu se prévaloir explicitement des dispositions susmentionnées du code de procédure pénale. Par suite, les premiers juges, en visant le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense et en l'écartant au motif que l'invocation des dispositions de l'article

L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration était inopérante, n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, désormais abrogées et codifiées à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 3 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 61-1 du code de procédure pénale, qui ne régissent pas la procédure administrative, à l'encontre de la décision contestée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Aux termes de l'article 2 du décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport ou de carte nationale d'identité sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement du titre demandé. Dans ce cadre, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre, qu'une reconnaissance de paternité a été souscrite frauduleusement, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance du titre sollicité.

6. Pour considérer que la reconnaissance effectuée par M. A... le 2 mai 2019 de l'enfant de Mme D... revêtait un caractère frauduleux, le préfet du Val-de-Marne s'est notamment fondé sur l'absence de liens entre M. A... et l'enfant, sa non-participation à l'entretien de l'enfant et sur le caractère contradictoire de ses déclarations et de celles de la mère tant sur les circonstances de leurs relations que sur l'exercice de l'autorité parentale.

7. Outre que M. A... ne produit que des relevés de compte bancaire et quelques factures en nombre insuffisant pour établir qu'il assurerait effectivement l'entretien de l'enfant, il ressort des comptes rendus des entretiens individuels menés par le référent " fraude " départemental de la préfecture du Val-de-Marne avec M. A... et Mme D..., que leurs réponses divergeaient s'agissant des questions posées, lesquelles ne présentaient pas un caractère partiel ou orienté, en particulier sur les circonstances de leur rencontre (dans un centre commercial de Noisy-le-Grand mi-2017 ou à la fin de l'été 2017 selon M. A..., en novembre-décembre 2017 selon

Mme D...), sur la durée de leur relation (de la mi-2017 à mai 2019 au moment de l'accouchement pour M. A..., de 2018 à 2019 sans autre souvenir plus précis selon Mme D...), sur la fréquence de leurs rencontres durant leur relation (une fois par semaine chez elle, au centre commercial ou à Paris selon M. A..., une fois par semaine dans un hôtel près du centre commercial selon Mme D...), sur les circonstances du choix du prénom (choix laissé à sa mère selon M. A..., choix commun selon Mme D...) et sur les modalités de leurs relations actuelles (deux à trois fois par semaine chez l'un ou l'autre selon les cas selon M. A..., deux fois par mois selon Mme D...). Dans ces circonstances, le préfet du Val-de-Marne, qui a ainsi justifié de la prise en compte d'un faisceau d'indices suffisant, doit être regardé comme établissant avec suffisamment de certitude que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A... à l'égard de l'enfant possède un caractère frauduleux. Par suite, le préfet du Val-de-Marne, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, était fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte nationale d'identité sollicitée par M. A... au profit de l'enfant B..., Shana, Samuella A....

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions d'appel doivent dès lors être rejetées, en ce comprises celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'il est la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL S. DIÉMERT

La greffière

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05464
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LUTHI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22pa05464 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award