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22/12/2023 | FRANCE | N°23PA00907

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 23PA00907


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société à responsabilité limitée Cité Consultants a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le maire de Gagny (Seine-Saint-Denis) lui a refusé la délivrance d'un permis de construire un ensemble immobilier de 24 logements collectifs après démolition des bâtiments existants sur un terrain situé 18 avenue Sainte-Foy.



Par un jugement n° 2113160 du 5 janvier 2023, le tribunal ad

ministratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 27 juillet 2021 et enjoint au maire de Gagny de réexaminer la demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Cité Consultants a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le maire de Gagny (Seine-Saint-Denis) lui a refusé la délivrance d'un permis de construire un ensemble immobilier de 24 logements collectifs après démolition des bâtiments existants sur un terrain situé 18 avenue Sainte-Foy.

Par un jugement n° 2113160 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 27 juillet 2021 et enjoint au maire de Gagny de réexaminer la demande de la société à responsabilité limitée Cité Consultants dans le délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, la commune de Gagny, représentée par Me Peynet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2113160 du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la requête de la société à responsabilité limitée Cité Consultants ;

3°) de mettre à la charge de la société à responsabilité limitée Cité Consultants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement méconnait les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative en ce qu'il n'est signé ni par le président de la formation de jugement ni par le rapporteur ni par le greffier ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- dès lors qu'elle n'avait pas prévu la dépense d'extension du réseau électrique et qu'elle n'avait pas l'intention de l'engager, le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur l'avis d'ENEDIS pour estimer qu'elle était en mesure d'indiquer le délai dans lequel les travaux pouvaient être réalisés ;

- dès lors que la dépense n'était pas prévue, il ne lui appartenait pas de justifier que la modification du réseau d'électricité ne répondait pas à ses perspectives d'urbanisation et de développement ;

- le jugement ne pouvait se fonder, sans commettre une erreur de droit, sur l'absence de justification du caractère disproportionné de la dépense dès lors que ce motif est inopérant ;

- contrairement à ce qui a été jugé, les autres motifs de refus opposés dans la décision, à savoir la méconnaissance des articles R. 111-2, R. 111-8 et R. 111-27 du code de l'urbanisme étaient fondés.

La requête a été communiquée à la société à responsabilité limitée Cité Consultants qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Alibay, substituant Me Peynet, pour la commune de Gagny.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Cité Consultants a déposé le 29 mars 2021 une demande de permis de construire un immeuble comprenant 24 logements, d'une surface de plancher de 1 683 m2, sur un terrain situé 18 avenue Sainte-Foy à Gagny. Par un arrêté du 27 juillet 2021, le maire de Gagny a refusé de délivrer ce permis. Saisi à cette fin par le pétitionnaire, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 5 janvier 2023 dont la commune de Gagny relève appel, annulé cette décision.

Sur les motifs d'annulation retenus par le jugement contesté :

2. Pour annuler la décision attaquée, les premiers juges ont en premier lieu relevé, au visa des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, que dès lors que le délai d'exécution des travaux de renforcement et d'extension du réseau électrique rendus nécessaires par le projet avait été estimé par ENEDIS à un délai de quatre à six mois après l'ordre de service de la collectivité en charge de l'urbanisme et l'accord du client, la commune de Gagny était ainsi en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public les travaux d'extension du réseau d'électricité devaient être exécutés, cette dernière ne pouvant utilement soutenir que la modification du réseau d'électricité ne correspondrait pas à ses besoins compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement et ne soutenant pas que le coût de l'équipement projeté serait hors de proportion avec ses ressources.

3. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics (...) de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité, et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis émis le 19 avril 2021 par la société ENEDIS dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire de la société Cité Consultants, que la desserte du terrain d'assiette du projet nécessiterait une extension du réseau public d'électricité de 250 mètres et qu'une contribution financière de 21 945,69 euros HT serait due par la commune. Si la société a fait valoir en première instance qu'un simple branchement sur le réseau tout proche suffisait, elle n'assortit pas son affirmation d'éléments probants alors qu'Enedis n'a pas retenu cette solution. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, le maire de la commune de Gagny a relevé que la commune n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai elle pourrait faire réaliser les travaux d'extension nécessaire, travaux qu'elle n'avait, au jour de la décision, pas inscrits au nombre des dépenses prévues. Dans ces conditions, alors que les dispositions de l'article L. 111-11 poursuivent notamment le but d'intérêt général rappelé au point précédent, et dès lors que l'accord de la commune au financement des travaux d'extension du réseau public d'électricité n'était nullement établi, le maire n'était pas en mesure d'indiquer dans quel délai ces travaux devaient être exécutés, quand bien même la société ENEDIS avait indiqué que les travaux pouvaient être réalisés dans un délai de 4 à 6 mois après l'ordre de service de la commune et l'accord du client. Pour ce seul motif, et sans qu'il lui soit besoin d'établir que le projet ne correspondait pas aux besoins de la commune compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement ou que le coût de l'équipement projeté serait hors de proportion avec ses ressources communales, le maire de Gagny a pu légalement refuser le permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.

5. Le jugement a, en deuxième lieu, relevé que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme qui disposent que " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ne pouvaient fonder le motif opposé tiré de ce que le stockage des containeurs d'ordures ménagères ne pouvait se faire que sur le trottoir et était ainsi de nature à porter atteinte à la sécurité des usagers des voies publiques.

6. Ainsi que l'a relevé le jugement, et en dépit de la clôture du bâtiment et de l'absence d'une aire de présentation des bacs de collectes d'ordures ménagères, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de la présence au droit des locaux d'un espace dégagé pouvant servir d'aire de présentation, que des prescriptions spéciales n'auraient pas suffi à prévenir le risque pour la sécurité publique généré par la présence de conteneurs sur le trottoir les jours de collecte. Il en résulte que la décision ne pouvait lui opposer le motif contesté.

7. Le jugement, en troisième lieu, a relevé que le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme qui dispose que : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ", ne pouvait légalement fonder la décision selon laquelle en l'absence d'informations sur la gestion pluviale, le projet ne permettait pas de vérifier sa conformité avec le règlement intercommunal d'assainissement, lequel dispose que " (...) la gestion des eaux pluviales à la parcelle, sans raccordement au réseau public doit être la première solution recherchée (...) ".

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment d'une étude de gestion des eaux pluviales du 6 mai 2021, que le projet est situé dans une zone où l'infiltration n'est pas possible, et qu'en fonction des études de sol et des tests d'infiltration, il pourrait être envisagée une infiltration partielle des eaux pluviales. Dans ces conditions, le motif opposé par la décision n'était pas de nature à justifier à lui seul un refus de permis de construire dès lors que le maire pouvait assortir la délivrance d'une autorisation de construire de prescriptions en ce sens.

9. En dernier lieu, le jugement a relevé qu'était entaché d'erreur d'appréciation, le motif de la décision tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, selon lequel " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

10. Quand bien même l'avenue Sainte-Foy comporte des pavillons d'architecture classique accompagnés de jardins plantés, avec des toits en pente et des murs en enduit de couleur crème et en pierre meulière ou en parements en briques, et que de tels pavillons sont situés au voisinage au Nord et au Sud du projet, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette avenue est également bordée de bâtiments de caractéristiques très différentes et notamment d'immeubles plus récents à toit terrasse et dépourvus de tout caractère particulier, notamment au voisinage du terrain d'assiette du projet. Compte tenu de l'hétérogénéité du quartier dans lequel prendra place le projet d'immeuble, quand bien même sa façade extérieure serait en bois gris, ce dernier ne porte pas atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que la commune de Gagny est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme pour annuler l'arrêté du l'arrêté du 27 juillet 2021 portant refus de permis de construire.

12. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société à responsabilité limitée Cité Consultants devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les autres moyens soulevés par la société à responsabilité limitée Cité Consultants :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation. ". Si, en application de ces dispositions, le maire a compétence liée pour refuser un permis de construire en cas d'avis défavorable du préfet, il n'est en revanche pas tenu de suivre un avis favorable de ce même préfet et peut, lorsqu'il estime disposer d'un motif légal de le faire au titre d'autres dispositions que celles ayant donné lieu à cet avis, refuser d'accorder le permis de construire sollicité.

14. Le plan d'urbanisme de la commune de Gagny ayant été annulé par un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 11 juin 2019, le maire a sollicité l'avis conforme du préfet de la Seine-Saint-Denis sur le projet contesté. Le 5 mai 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a émis un avis favorable au regard des servitudes d'utilité publique relatives à la salubrité et à la sécurité publique. Toutefois, pour rejeter la demande de permis de construire litigieuse, le maire de la commune de Gagny s'est fondé sur des motifs distincts de l'observance des servitudes d'utilité publique. Par suite, la société Cité consultants n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme précité.

15. S'agissant en second lieu du motif tiré de la qualification des espaces verts en fond de parcelle de dalle végétalisée, la commune a relevé elle-même en première instance que ce motif est un motif surabondant qui ne constitue pas un fondement de la décision attaquée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société à responsabilité limitée Cité Consultants n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel le maire de Gagny lui a refusé la délivrance d'un permis de construire. Ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Il y a lieu de mettre à la charge de la société à responsabilité limitée Cité Consultants une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Gagny sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2113160 du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société à responsabilité limitée Cité Consultants devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : La société à responsabilité limitée Cité Consultants versera la somme de 1 500 euros à la commune de Gagny.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gagny et à la société à responsabilité limitée Cité Consultants.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00907
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP GOUTAL & ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23pa00907 ?
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