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08/10/2015 | FRANCE | N°15BX02371

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 08 octobre 2015, 15BX02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision en date du 11 février 2015 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l'emploi déposé le 22 janvier 2015 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1500919 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Tarkett Bois a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision en date du 11 février 2015 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l'emploi déposé le 22 janvier 2015 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1500919 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015, la société Tarkett Bois, prise en la personne de son président en exercice, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision en date du 11 février 2015 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a refusé d'homologuer le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif incluant un plan de sauvegarde de l'emploi déposé le 22 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, rapporteur ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Tarkett Bois et de M. B..., représentant le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Considérant ce qui suit :

1. La société Tarkett Bois, qui appartient au groupe Tarkett France, a repris en juillet 2011 les activités de la société Parquets Marty, située à Curzon (Lot-et-Garonne), spécialisée dans la fabrication de parquets contrecollés et massifs, à la suite de son placement en redressement judiciaire. Au vu de l'évolution défavorable du marché, de la baisse constante des volumes de vente et du chiffre d'affaires et des déficits d'exploitation constatés depuis 2011, la société Tarkett Bois a entrepris en janvier 2014 de rechercher un repreneur et, en l'absence de candidat, a décidé en septembre 2014 de cesser définitivement son activité. La procédure de consultation et d'information du comité d'entreprise prévue à l'article L. 1233-30 du code du travail a été engagée le 10 octobre 2014. Faute d'accord, la société a élaboré un document unilatéral portant sur l'accompagnement social de son projet de cessation d'activité entraînant la suppression de cent dix neuf postes de travail. Par une décision du 11 février 2015, le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a refusé d'homologuer ce document. La société Tarkett Bois relève appel du jugement en date du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande tendant à l'annulation de ce refus.

2. La décision de refus d'homologation est motivée par l'irrégularité de la procédure de consultation et d'information du comité d'entreprise, l'insuffisance des mesures d'accompagnement pour assurer le reclassement des salariés et leur caractère non proportionné aux moyens dont dispose le groupe Tarkett.

3. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-30 de ce code : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.(...) Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / II.-Le comité d'entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à (...) 2° Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ; (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le contrôle de l'administration saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral doit porter, d'abord, sur la présence, dans le document qui lui est soumis, de tous les éléments exigés par le code du travail, et notamment ceux prévus par les dispositions de l'article L. 1233-24-2 de ce code et sur leur conformité aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles, ensuite, sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, enfin, sur une appréciation globale de la qualité des mesures figurant dans le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des critères fixés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail.

4. Aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail : " Dans l'exercice de ses attributions consultatives, définies aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, le comité d'entreprise émet des avis et voeux. / Il dispose d'un délai d'examen suffisant. (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-4 du même code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. (...) ".

5. Pour l'application des dispositions relatives à l'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, les irrégularités commises lors de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel sont susceptibles d'entraîner son annulation dès lors que celles-ci ont eu pour effet d'empêcher leurs membres de délibérer et de rendre un avis en toute connaissance de cause.

6. Aux termes de l'article L. 1233-57-15 du code du travail : " Le comité d'entreprise est informé des offres de reprise formalisées, au plus tard huit jours après leur réception. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la société Tarkett Bois a été destinataire d'offres de reprises formalisées notamment par les sociétés Certina Holding Ag le 1er décembre 2014, Callista Private Equity le 2 décembre 2014, Equinox Industries le 5 décembre 2014 et PR Bois le 12 décembre 2014. Ces offres n'ont cependant été portées à la connaissance des membres du comité d'entreprise qu'à l'occasion de la remise du rapport de l'employeur sur la recherche de repreneur établi le 22 décembre 2014. Le délai de huit jours prévu par les dispositions précitées du code du travail n'a donc pas été respecté. Cependant, une telle circonstance n'est pas de nature à entacher la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif dès lors qu'elle n'a pas eu pour effet d'empêcher les membres de ce comité de délibérer et de rendre un avis en toute connaissance de cause.

8. Aux termes de l'article L. 1233-57-20 du code du travail : " Avant la fin de la procédure d'information et de consultation prévue à l'article L. 1233-30, si aucune offre de reprise n'a été reçue ou si l'employeur n'a souhaité donner suite à aucune des offres, celui-ci réunit le comité d'entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l'autorité administrative. Ce rapport indique : / 1° Les actions engagées pour rechercher un repreneur ; / 2° Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ; / 3° Les motifs qui l'ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l'établissement. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la société Tarkett Bois a établi le 19 décembre 2014 un rapport d'analyse des offres des éventuels repreneurs en vue de la consultation du 9 janvier 2015 du comité d'entreprise, qui a été communiqué aux représentants du personnel le 22 décembre 2014. En raison de deux nouvelles offres et d'un complément d'offre déposés tardivement, les 29 et 31 décembre 2014 et le 5 janvier 2015, des mises à jour de ce rapport ont été faites le 5 janvier puis le 8 janvier 2015, lesquelles n'ont pu être portées à la connaissance des représentants du personnel que lors de la séance du 9 janvier 2015. Le comité d'entreprise a refusé de prononcer un avis sur ledit rapport en raison de la présentation tardive de celui-ci.

10. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.

11. Or, l'article L. 1233-57-20 du code du travail prévoit une présentation d'un rapport en séance sans mentionner d'envoi antérieur obligatoire. De plus, le comité d'entreprise n'est amené à émettre un avis que sur la décision par laquelle l'employeur accepte une offre de reprise en application de l'article L. 1233-57-19 du code du travail selon lequel " L'employeur consulte le comité d'entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement. Le comité d'entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l'article L. 2323-3. ". Dans ces conditions, et eu égard à l'absence de prérogatives du comité d'entreprise en matière de rejet des offres de reprise par l'employeur, ce dernier ne peut être regardé comme tenu, sous peine d'entacher la procédure d'irrégularité, de communiquer aux membres de ce comité les éléments contenus dans ce rapport préalablement à la réunion chargée de statuer sur le plan de sauvegarde de l'emploi.

12. Dans la mesure où aucune offre de reprise n'a été acceptée par la société Tarkett Bois, cette dernière n'était pas tenue de présenter au comité d'entreprise, préalablement à sa tenue le 9 janvier 2015, les informations relatives aux offres de reprise préalablement reçues. Dans ces conditions, la directrice de l'unité territoriale de Lot-et-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine a entaché sa décision d'une erreur de droit.

13. Le tribunal ayant estimé que ce seul motif suffisait à justifier le refus d'homologation du document unilatéral présenté par la société requérante, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif d'appel, de se prononcer sur les autres motifs de la décision contestée dès lors que ces derniers sont susceptibles de justifier le refus d'homologation du document unilatéral de la société Tarkett Bois.

14. Le directeur de la Direccte Aquitaine a également refusé d'homologuer le document unilatéral de la société Tarkett Bois au motif que " le plan de sauvegarde de l'emploi ne comporte pas de mesures d'accompagnement suffisantes pour assurer le reclassement des salariés et que les mesures prévues ne sont pas non plus proportionnées aux moyens dont dispose le groupe Tarkett, à savoir un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros en 2013. " Il relève, à cet égard, que " pour les salariés qui pourraient prochainement faire valoir leur droit à la retraite notamment dans le cas du dispositif carrières longues, le congé de reclassement proposé par l'employeur leur fait perdre la possibilité de bénéficier du dispositif carrières longues (le congé de reclassement ne donnant droit qu'à des trimestres validés et non à des trimestres cotisés conformément à l'article R. 351-12 g du code de la sécurité sociale) alors que les périodes de chômage indemnisé peuvent être retenues comme trimestres cotisés dans la limite de quatre trimestres et que le congé de reclassement proposé par l'employeur, qui est l'une des principales mesures d'âge du PSE avec notamment la majoration des montants des formations et la majoration de l'indemnité différentielle n'apporte pas une solution facilitant le reclassement des salariés ouvriers les plus proches de la retraite ".

15. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 1233-58 et L. 1233-57-3 du code du travail qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi élaboré unilatéralement par l'employeur d'apprécier si les mesures prévues par ce plan sont à la fois adaptées au regard de l'objectif de reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité et proportionnées au regard des moyens de l'entreprise, de l'unité économique et sociale ou du groupe auquel elle appartient le cas échéant. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle l'autorité administrative a homologué ou refusé d'homologuer un plan de sauvegarde de l'emploi, de contrôler la qualification juridique par l'administration des faits, et donc d'apprécier si le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, lequel doit être considéré globalement et non au regard de chacune des mesures proposées, était de nature à justifier ou non son homologation au regard notamment des dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail.

16. Il ressort des pièces du dossier que le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société Tarkett Bois comporte des mesures destinées à favoriser le reclassement interne. Il recense quarante sept postes de reclassement interne disponibles au sein du groupe en France et au Luxembourg ainsi que 151 postes de reclassement interne disponibles au sein du groupe Tarkett dans d'autres pays. Pour favoriser un tel reclassement, il prévoit le bénéfice d'une période d'adaptation de trois mois permettant au salarié de s'assurer que le poste de reclassement accepté lui convient effectivement et durant laquelle il a la possibilité, de son seul chef, d'y renoncer, d'actions de formations individualisées, du maintien a minima du salaire moyen en cas de reclassement en France ou au Luxembourg et d'aides à la mobilité géographique.

17. S'agissant des mesures destinées à favoriser le reclassement externe des salariés, le plan en litige prévoit la mise en place d'une antenne emploi, dont le fonctionnement est assuré par un cabinet spécialisé. Cette antenne emploi est chargée d'accompagner les salariés licenciés notamment dans la formalisation d'un projet professionnel, la recherche d'un emploi et l'élaboration d'un projet de reconversion. Peuvent être ainsi faites pour ceux qui en font la demande l'analyse du parcours et des besoins du salarié, l'information sur les formations, le choix des organismes, l'organisation du financement, l'assistance à la rédaction de curriculum vitæ et de lettres de motivation, la définition d'un plan de campagne, la collecte individualisée d'offres d'emploi, la préparation et le suivi des entretiens de recrutement, la préparation et le suivi de l'intégration du salarié chez un nouvel employeur. Le document unilatéral précise qu'une équipe dédiée de consultants est mise en place, et que des moyens logistiques sont mis à la disposition des salariés, tels un lieu d'accueil avec un secrétariat, une salle de réunion et bureaux individuels, un espace de travail équipé de postes téléphoniques, du matériel informatique, une connexion internet et un photocopieur, la presse nationale et régionale et de la documentation économique. La circonstance que le PSE ne précise pas toutes les modalités d'intervention de l'antenne emploi, formalisées par un cahier des charges qui n'était pas joint au plan, n'est pas de nature à priver d'effet ces mesures dès lors que la société Tarkett Bois y prend l'engagement que chaque salarié se voie proposer une Offre Valable d'Emploi (OVE) correspondant à la présentation d'une offre pour un poste sous CDI ou sous CDD d'au moins six mois, correspondant aux compétences et aptitudes du salarié, offrant un salaire brut correspondant à au moins 80 % de sa rémunération moyenne antérieure et situé à un maximum de 60 kilomètres ou une heure de transport du domicile. De plus, le plan précise que l'accompagnement par 1'antenne emploi est prévu pour une durée correspondant à la durée du congé de reclassement.

18. S'agissant du bénéfice d'un congé de reclassement, le plan prévoit que son coût est intégralement pris en charge par la société Tarkett Bois, qu'il est d'une durée de douze mois, portée à quinze mois pour les salariés âgés d'au moins cinquante ans et pour les salariés handicapés et que les salariés reclassés avant le terme de ce congé bénéficient d'une indemnité de reclassement rapide s'élevant à 100 % du solde des allocations de congé de reclassement dont le salarié aurait pu bénéficier, dans la limite de douze mois.

19. Le plan prévoit également la prise en charge des frais de déplacement liés à la recherche d'emploi, dans la limite de 600 euros TTC, ce montant pouvant être dépassé, avec l'approbation de la commission de suivi, dans le cadre d'une mutualisation dans un budget global de 40 000 euros HT, la commission de suivi pouvant engager un budget complémentaire si ce budget s'avère insuffisant. Il comprend également, sans limite de budget, le financement d'actions de formation, financées à hauteur de 2 000 euros HT et 3 000 euros HT pour les salariés âgés d'au moins cinquante ans et les salariés handicapés pour la formation pour un projet de recherche directe d'emploi, et à hauteur de 5 000 euros HT et 6 000 euros HT pour les salariés âgés d'au moins cinquante ans et les salariés handicapés pour la formation pour un projet personnel de reconversion.

20. S'agissant du caractère proportionné du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe Tarkett, la décision contestée énonce, à tort, que " 1'employeur a progressivement adapté l'enveloppe financière globale allouée au PSE (...) à 36,2 millions d'euros dans le cadre du présent document " et conclut à l'insuffisance des moyens mis en oeuvre dans le cadre de ce PSE.

21. A supposer, comme le soutient l'Etat en défense, que cette référence à un budget de 36,2 millions d'euros résulte d'une erreur matérielle dès lors qu'il faudrait y voir la référence à un budget correspondant en réalité à " 36,2 mois de salaire médian ", la seule circonstance que l'entreprise, qui avait dans un premier temps proposé à la signature d'un accord majoritaire un PSE équivalent à 37,9 mois de salaire médian, a finalement retenu dans son PSE unilatéral un budget de 36,2 mois de salaire médian n'est pas de nature à établir que les mesures du PSE n'étaient pas proportionnées aux moyens du groupe.

22. S'agissant de la majoration de l'indemnité supra-légale de licenciement et des mesures de pré-retraite, contrairement à ce que retient le Direccte dans sa décision, de telles mesures n'ont pas à figurer au PSE dès lors qu'elles ne figurent pas à l'article L. 1233-62 du code du travail.

23. Enfin, la décision contestée mentionne qu'au regard des difficultés rencontrées dans le bassin d'emploi et de la situation des salariés, " le plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû prévoir des mesures complémentaires favorisant le reclassement externe pouvant passer, pour exemple, par des mesures d'accompagnement à la recherche d'un logement, une aide à l'achat d'un véhicule ou encore le remboursement de frais de double résidence ". Cependant, les mesures complémentaires dont il s'agit constituent exclusivement des mesures d'aide à la mobilité géographique, dont certaines sont mises en oeuvre dans les mesures de reclassement externe. De plus, la société propose de fournir au conjoint du salarié contraint de déménager pour prendre un nouvel emploi un accompagnement personnalisé et de verser au salarié contraint de déménager une prime d'installation de 3 500 euros pour un salarié célibataire, de 5 000 euros pour un salarié en couple avec une majoration de 500 euros bruts par enfant fiscalement à charge. Pour faciliter cette mobilité, la société Tarkett Bois propose également de verser aux intéressés une prime dite " de trajet " de 4 200 euros si le nouvel emploi se situe à plus de 30 kilomètres du domicile, 6 500 euros si le nouvel emploi se situe à plus de cinquante kilomètres du domicile et 9 000 euros si le nouvel emploi se situe à plus soixante dix kilomètres du domicile.

24. Dans ces circonstances, et compte tenu des mesures inscrites au PSE, c'est à tort que le Direccte Aquitaine a estimé que le plan de sauvegarde de l'emploi élaboré unilatéralement par la société Tarkett Bois n'était pas globalement adapté au regard de l'objectif de reclassement des salariés et proportionné au regard des moyens du groupe.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tarkett Bois est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement ainsi que la décision du 11 février 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine.

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1500919 du 2 juin 2015 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 11 février 2015 refusant d'homologuer le document unilatéral établi le 22 janvier 2015 par la société Tarkett Bois sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Tarkett Bois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15BX02371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX02371
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-08;15bx02371 ?
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