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23/05/2016 | FRANCE | N°14BX02786

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 23 mai 2016, 14BX02786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision en date du 21 mars 2013 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 octobre 2012, par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement pour motif économique, et autorisé également son licenciement.

Par un jugement n°1301597 du 28 août 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé, dans le dernier état de ses écritures, au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision en date du 21 mars 2013 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 octobre 2012, par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement pour motif économique, et autorisé également son licenciement.

Par un jugement n°1301597 du 28 août 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 septembre 2014 et le 27 août 2015, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 28 août 2014 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 21 mars 2013 en tant qu'elle autorise son licenciement pour motif économique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société Colitel.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté en 2008 en qualité de chauffeur sur le site de Villepinte de la société Colitel, qui exerce une activité de transport immédiat et urgent de matériel et de logistique. Il a été élu délégué du personnel le 15 février 2012. L'inspecteur du travail a autorisé son employeur à le licencier par décision du 18 octobre 2012. Saisi d'un recours hiérarchique le 9 novembre 2012, le ministre du travail a, par décision du 21 mars 2013, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de l'intéressé. M. C...relève appel du jugement du 28 août 2014 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre en tant qu'elle autorise son licenciement.

2. Pour autoriser le licenciement de M.C..., le ministre a considéré que le non-renouvellement par la société Air France Industries de son contrat de prestations la liant à la société Colitel, qui a pris fin à compter du 30 juin 2012, et qui représentait plus de 95 % de 1'activité du site de Villepinte et 20 % du chiffre d'affaires de la société Colitel, justifiait économiquement la réorganisation des services de cette dernière, la fermeture du site de Villepinte et la suppression des 38 postes de travail du site, dont celui de M.C....

3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.(...) ". Aux termes de l'article L. 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. "

4. Le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de représentants du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

5. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause.

6. M. C...soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique dès lors que l'autorité administrative n'a porté aucune appréciation sur l'existence d'un groupe et l'existence de difficultés économiques dans ce périmètre. Cependant, si la société Colitel appartient à une société holding, la société Expédial, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société exerce une quelconque activité industrielle ou commerciale, ni que ce groupe comporte des sociétés qui puissent être regardées comme oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société Colitel. Le ministre n'a donc commis aucune erreur de droit ni aucune erreur de qualification juridique en se bornant à examiner la réalité du motif économique au niveau de cette seule société.

7. Le requérant soutient également que la réalité du motif économique n'est pas établie dès lors que la perte d'un marché ne constitue pas en soi une cause économique de licenciement et ne traduit pas en elle-même ni l'existence de difficultés économiques, ni la nécessité d'une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité. Il soutient également que le marché d'Air France Industries ne représentait que 18 % du chiffre d'affaire de son employeur et non 20 % comme l'a retenu à tort le ministre, et ne représentait que 5,4% de son bénéfice en 2012. En outre, la société Colitel disposant d'une clientèle importante et prestigieuse, la perte d'un seul client ne serait pas de nature à remettre en cause la pérennité de l'activité, laquelle n'a cessé de croître en 2010 et 2011 et la société bénéficiant d'une trésorerie abondante. Cependant, la circonstance, à la supposer établie, que la perte du marché d'approvisionnement en pièces détachées d'avions de la société d'Air France ne représentait que 18 % et non 20 % du chiffre d'affaires de la société Colitel, n'est pas de nature à remettre en cause le constat de son incidence importante sur l'activité de la société Colitel et sur son résultat, devenu négatif à hauteur de moins 587 115 euros, et conduisant à la fermeture du site de Villepinte, uniquement dédié à cette activité, ce qui impliquait la suppression de trente-huit postes. En outre, la circonstance que la trésorerie de la société Colitel se trouvait dans une situation satisfaisante, n'est pas de nature à remettre en cause le résultat négatif de l'année 2012.

8. M. C...soutient que la cession de certains contrats de travail à la société Géodis, nouveau titulaire du marché avec Air France Industrie a sensiblement diminué les conséquences financières de la perte de ce marché pour la société Colitel, ce que le ministre n'a nullement pris en considération. Il soutient également que le ministre n'a pas pris en compte le recours par cette dernière aux heures supplémentaires et au travail intérimaire sur le site de Villepinte. Cependant, il ressort des pièces du dossier que malgré la reprise des contrats de travail, le résultat économique de la société en 2012 a été négatif et le chiffre d'affaires de la société Colitel a connu une baisse brutale. Le transfert des contrats de travail en litige n'a donc pas permis, à lui seul, de modifier l'impact économique de la perte du marché. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le recours à des heures supplémentaire et à du travail intérimaire avant la perte du marché en litige ait eu un effet tel que la perte du marché n'ait eu qu'un faible impact sur l'activité de la société Colitel.

9. La circonstance que le juge prud'homal de Longjumeau a reconnu l'absence de cause réelle et sérieuse d'un des salariés licenciés, en raison d'une insuffisante motivation du licenciement, par un jugement du 20 novembre 2013, est sans incidence sur la légalité de la décision ministérielle contestée.

10. La réalité du motif économique s'apprécie à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement. Contrairement à ce que fait valoir la société Colitel en défense, l'obtention par cette dernière d'un nouveau marché à Nice annoncé par la société le 16 janvier 2013 n'est donc pas sans incidence sur la décision en litige du 21 mars 2013. Cependant, faute d'éléments plus précis au dossier, il n'est pas établi que l'obtention d'un tel marché remette en cause la pertinence du motif économique sur lequel se fonde l'autorisation de licenciement.

11. Dans ces circonstances, le ministre n'a donc commis aucune erreur d'appréciation en considérant que le motif économique était établi à la date de la demande d'autorisation de licenciement.

12. M. C... ne peut enfin utilement soutenir que la perte du marché d'Air France Industries soit imputable à une faute de son employeur.

13. M. C...soutient que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée dès lors que ne lui ont été proposées que des offres non sérieuses consistant en quatre postes de chauffeurs VUL sur le site des Ulis (91) ce qui impliquait qu'il vienne chercher le véhicule aux Ulis alors que l'essentiel du travail était réalisé à Roissy, ce qui impliquait une charge de travail démesurée. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la société Colitel a examiné les possibilités de reclassement dans l'ensemble de ses établissements. Quatre postes de chauffeur aéroportuaire aux Ulis et un poste de chauffeur aéroportuaire à Floirac, Nice, Lille et Lyon ont été proposés au requérant. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ces postes correspondaient à ses qualifications et son niveau de rémunération, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne s'agissait pas de propositions réelles et sérieuses.

14. Enfin, si M. C...soutient que la demande d'autorisation de licenciement a un lien avec le mandat qu'il exerce dès lors que huit des dix-sept salariés à reclasser étaient représentants du personnel et qu'aucun n'a été repris par le nouveau prestataire d'Air France Industrie, une telle circonstance, qui serait seulement de nature à justifier d'une discrimination à l'embauche de la part de la société Géodis, n'est pas de nature à établir un lien entre la demande de licenciement et le mandat exercé par l'intéressé.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

16. Les conclusions présentées par M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme dont la société Colitel demande le versement sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Colitel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 14BX02786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02786
Date de la décision : 23/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SELARL HONTAS et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-23;14bx02786 ?
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