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26/05/2016 | FRANCE | N°15BX00611

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 26 mai 2016, 15BX00611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le café de la Gare a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de la Réunion d'annuler d'une part la délibération du 29 octobre 2012 par laquelle le conseil municipal de Saint-Pierre a décidé de requalifier le bail commercial dont elle bénéficiait sur la parcelle cadastrée section DV 270 supportant l'ancienne gare en autorisation d'occupation temporaire du domaine public, et d'autre part la délibération du 30 septembre 2013 par laque

lle le conseil municipal de Saint-Pierre a décidé de ne pas renouveler l'autoris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le café de la Gare a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de la Réunion d'annuler d'une part la délibération du 29 octobre 2012 par laquelle le conseil municipal de Saint-Pierre a décidé de requalifier le bail commercial dont elle bénéficiait sur la parcelle cadastrée section DV 270 supportant l'ancienne gare en autorisation d'occupation temporaire du domaine public, et d'autre part la délibération du 30 septembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Saint-Pierre a décidé de ne pas renouveler l'autorisation d'occuper cet immeuble, qui venait à échéance au 28 février 2014.

Par un jugement commun n°s 1300097, 1301445 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2015, le 20 août 2015 et le 15 décembre 2015, la SARL Le café de la Gare, prise en la personne de son gérant, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 décembre 2014 ;

2°) d'annuler les délibérations du conseil municipal de Saint-Pierre en date des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Parade, avocat de la commune de Saint-Pierre ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte du 20 juin 1995, la commune de Saint-Pierre a donné à bail commercial à M. A...une partie du bâtiment de l'ancienne gare situé sur la parcelle cadastrée section DV 270 et l'espace situé au droit de ce bâtiment entre le boulevard Hubert de Lisle et la voie de sortie des jardins de la plage. Par un acte du 22 février 2002, M. A...a cédé à la société à responsabilité limitée (SARL) Le café de la Gare son droit au bail sur le bien après avoir obtenu l'agrément de la commune. Par acte du 23 mars 2005, la commune de Saint-Pierre a donné à bail commercial à la SARL Le café de la Gare l'ensemble du bâtiment et de ses dépendances situés sur la parcelle cadastrée section DV 270 ainsi que l'espace situé au droit de ce bâtiment entre le boulevard Hubert de Lisle et la voie de sortie des jardins de la plage. A la suite du classement comme monument historique du bâtiment de l'ancienne gare le 9 juillet 2012, le conseil municipal de Saint-Pierre a, par une délibération en date du 29 octobre 2012, constaté que le bien objet de ce bail faisait en réalité partie du domaine public, et décidé de requalifier le bail commercial consenti en autorisation d'occupation temporaire du domaine public valable jusqu'à l'échéance du contrat de bail, soit le 28 février 2014. Puis, par une nouvelle délibération en date du 30 septembre 2013, le conseil municipal a décidé de ne pas renouveler l'autorisation d'occupation temporaire consentie par la délibération du 29 octobre 2012, au double motif que la commune souhaitait reprendre le bien pour un projet d'intérêt général et que la SARL Le café de la Gare n'avait pas respecté certaines de ses obligations contractuelles. La SARL Le café de la Gare a, par deux requêtes distinctes, sollicité l'annulation de ces deux délibérations. Par un jugement en date du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de la Réunion a joint ces deux requêtes et les a rejetées. La SARL Le café de la Gare relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des délibérations :

En ce qui concerne la délibération du 29 octobre 2012 :

2. La SARL Le café de la Gare soutient que cette délibération est entachée d'incompétence du conseil municipal, seul le juge pouvant procéder à la requalification d'un contrat.

3. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune(...)". L'article L. 2241-1 du même code précise : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal est notamment compétent pour répartir les biens de la commune entre son domaine public et son domaine privé et pour autoriser les différents usages de son patrimoine immobilier, notamment par le biais de conventions.

4. Indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance au domaine public d'un tel bien était, avant la date d'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné . En outre, lorsqu'un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d'appartenir à ce domaine que du fait d'une décision expresse de déclassement prise par l'autorité compétente.

5. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment de l'ancienne gare de Saint-Pierre, désaffectée en 1963 lors de l'arrêt du chemin de fer de la Réunion, a servi d'école puis à partir de 1973 de bibliothèque publique, usage pour lequel il a fait l'objet de travaux d'aménagement par la commune. Ce bâtiment était donc affecté à l'usage direct du public et par suite incorporé au domaine public de la commune. Il est constant qu'aucune décision de déclassement n'est intervenue lorsque la bibliothèque a été transférée en 1985 dans d'autres locaux. Contrairement à ce que soutient la SARL Le café de la Gare, la délibération du 21 avril 1995 par laquelle la commune a consenti à M. A...un bail commercial sur ce bâtiment ne pouvait valoir décision de déclassement implicite, une telle décision ne pouvant qu'être prise de façon expresse. Il résulte de ce qui précède que la convention signée le 23 mars 2005 présente le caractère d'une convention d'occupation du domaine public. Or les contrats portant occupation du domaine public sont par nature précaires et révocables. En conséquence, la société requérante ne peut utilement invoquer la circonstance que la convention signée ne serait pas précaire. Par suite c'est à bon droit que le tribunal administratif a constaté que l'immeuble n'était pas sorti du domaine public de la commune, et qu'en conséquence, aucun bail commercial ne pouvait être régulièrement consenti par celle-ci, seuls des contrats d'occupation précaires et révocables étant compatibles avec la nature publique d'une dépendance domaniale.

6. Si la SARL Le café de la Gare fait valoir que le conseil municipal ne pouvait unilatéralement mettre un terme à un contrat ou le modifier sans son accord, il ressort de la délibération attaquée que le conseil municipal n'a pas entendu résilier le contrat, dont l'échéance était maintenue au 28 février 2014, mais ne laisser perdurer que les clauses du contrat compatibles avec le caractère précaire et révocable d'une autorisation d'occupation du domaine public. Par suite, la requalification du bail commercial en convention d'autorisation d'occupation du domaine public ne saurait être regardée comme étrangère aux compétences du conseil municipal, auquel il appartient de tirer toutes les conséquences de la qualification domaniale qu'il donne aux biens de la commune, sous le contrôle du juge et sous réserve des indemnités éventuellement dues à raison de l'erreur commise initialement en signant un bail commercial.

En ce qui concerne la délibération du 30 septembre 2013 :

7. En premier lieu, la SARL Le café de la Gare soutient que les juridictions administratives ne sont pas compétentes pour connaître d'un litige afférent au refus de renouvellement d'un bail commercial, qui est un contrat de droit privé. Il résulte cependant de ce qui est énoncé au point 5 que la convention signée le 23 mars 2015 doit, nonobstant son intitulé et ses stipulations, être regardée comme une convention d'occupation du domaine public. Or les contrats portant occupation du domaine public sont des contrats administratifs. Par suite, le litige afférent à la délibération décidant de ne pas renouveler un tel contrat relève de la compétence des juridictions administratives.

8. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que le refus de renouvellement aurait dû être décidé selon la procédure afférente aux baux commerciaux et être assorti du versement d'une indemnité d'éviction, il résulte de ce qui a été énoncé au point 5 que la SARL Le café de la Gare ne peut utilement se prévaloir des stipulations de la convention incompatibles avec les caractères précaire et révocable de l'autorisation d'occupation du domaine consentie. La société requérante ne peut pas davantage utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer avérée, qu'aucun manquement ne saurait lui être reproché dès lors que les titulaires d'une autorisation d'occupation temporaire n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre. Par suite, l'absence de renouvellement d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'occupant.

9. En dernier lieu, la SARL Le café de la Gare soutient que le conseil municipal de Saint-Pierre n'était pas compétent pour décider de ne pas renouveler l'autorisation d'occupation temporaire en raison de son incompétence à décider que le bâtiment loué appartenait au domaine public et à requalifier le bail commercial consenti en autorisation d'occupation temporaire. Il résulte cependant de ce qui précède que, d'une part, le bâtiment en cause appartient au domaine public et que, d'autre part, le conseil municipal n'a pas excédé sa compétence en requalifiant le bail commercial signé en convention d'occupation du domaine public. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la délibération du 29 octobre 2012 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 30 septembre 2013.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Pierre, que la SARL Le café de la Gare n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des délibérations du conseil municipal de Saint-Pierre en date des 29 octobre 2012 et 30 septembre 2013.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Le café de la Gare la somme que la commune de Saint-Pierre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la SARL Le café de la Gare soient mises à la charge de la commune de Saint-Pierre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le café de la Gare est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Pierre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 15BX00611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX00611
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-02 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP BELOT CREGUT HAMEROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-26;15bx00611 ?
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