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09/06/2016 | FRANCE | N°14BX02733

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 09 juin 2016, 14BX02733


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par des recours enregistrés les 10 et 27 mars 2014 sous les n°s 2224T et 2255T, la société Passag et la société Distribution Casino France ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision en date du 12 février 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne a accordé à la SCI les Peupliers l'autorisation préalable requise en vue de créer un ensemble commercial de 1529 m² de surface totale de vente, composé d'un supermarché " Super

U " de 1 500 m² et d'une boutique de 29 m² à Brax.

Par une décision en date du 4...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par des recours enregistrés les 10 et 27 mars 2014 sous les n°s 2224T et 2255T, la société Passag et la société Distribution Casino France ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision en date du 12 février 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne a accordé à la SCI les Peupliers l'autorisation préalable requise en vue de créer un ensemble commercial de 1529 m² de surface totale de vente, composé d'un supermarché " Super U " de 1 500 m² et d'une boutique de 29 m² à Brax.

Par une décision en date du 4 juin 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis les recours de la société Passag et de la société Distribution Casino France et a refusé d'autoriser le projet de la SCI les Peupliers.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 septembre 2014 et le 12 janvier 2016, la SCI les Peupliers, représentée par la SCP Coulombie-Gras-Cretin-Becquevort-Rosier- Soland-Gilliocq Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial notifiée le 21 juillet 2014 portant refus du projet de création d'un magasin à l'enseigne Super U de 1 500 m² de surface de vente sur le territoire de la commune de Brax accompagné d'un espace " drive " de 50 m² de surface de plancher et comportant 2 pistes sous-auvent ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sans délai sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeC...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...représentant la SCI les Peupliers, et de MeB..., représentant la SAS Distribution Casino.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 12 février 2014, la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne a autorisé la SCI les Peupliers à procéder à la création d'un ensemble commercial, situé avenue des Landes à Brax, d'une surface de vente totale de 1529 m², comprenant un supermarché à dominante alimentaire à l'enseigne " Super U " d'une surface de vente de 1 500 m² et une boutique de 29 m². Saisie d'un recours dirigé contre cette décision, la Commission nationale d'aménagement commercial, par une décision du 4 juin 2014, a admis les recours de la SAS " Passag " et de la SAS Distribution Casino France et refusé à la SCI les Peupliers l'autorisation préalable requise. La SCI les Peupliers demande l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité des recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. L'article R. 752-8 1 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée énonce que : " (...) la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale correspond à l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ainsi que de la localisation des magasins exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné (...) ".

3. La SAS Passag et la SAS Distribution Casino France, auteurs des recours, exploitent, pour la première, un supermarché de 2 150 m² à l'enseigne " Intermarché " et, pour la seconde, une surface commerciale de 2 914 m² à l'enseigne " Casino " sur le territoire de la commune du Passage, située à cinq kilomètres environ du projet litigieux, en dehors de la zone de chalandise définie dans le dossier de demande d'autorisation présenté par le pétitionnaire. Cette zone de chalandise, approuvée par la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services, qui l'a estimée pertinente au regard des dimensions et de la nature du projet, n'a pas été rectifiée par la commission nationale d'aménagement commercial. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de la forte attractivité exercée sur la clientèle par les pôles commerciaux existants sur la commune d'Agen et sur les communes périphériques de Boé et du Passage, dont ceux des sociétés Passag et Distribution Casino France, que la zone de chalandise ait été délimitée de manière irrégulière ou restrictive. Les sociétés Passag et Distribution Casino France se bornent à mentionner la distance et le temps de trajet en voiture, de 5 à 8 minutes, séparant leurs magasins respectifs du site d'implantation du projet, sans apporter aucun élément d'analyse économique de nature à remettre en cause le pouvoir d'attraction que leur a reconnu la SCI les Peupliers sur les habitants de la commune du Passage et d'Agen. Par suite, ni la SAS Passag ni la SAS Distribution Casino France ne justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir devant la Commission nationale d'aménagement commercial et celle-ci ne pouvait accueillir leurs recours.

4. Si la SAS Pydaust n'apparaît pas comme auteur du recours présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial dès lors que la décision attaquée de ladite commission ne la mentionne pas, il ressort toutefois de la copie du recours adressé le 7 mars 2014 par lettre recommandée reçue le 11 mars suivant par la Commission nationale d'aménagement commercial, que cette société s'était associée à la société Passag pour demander à la commission de refuser le projet de création d'un ensemble commercial présenté par la SCI les Peupliers. Or il ressort des pièces du dossier que la SAS Pydaust, qui exploite un magasin Intermarché dans la commune de Roquefort, laquelle est incluse dans la zone de chalandise, justifiait d'un intérêt à agir à l'encontre de l'autorisation d'aménagement commercial accordée le 12 février 2014 par la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne.

5. Il résulte de ce qui précède que la SCI les Peupliers n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait fait droit à des recours entièrement irrecevables.

Sur la légalité de la décision du 4 juin 2014 :

6. L'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat prévoit que : " La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. /Le commerce et l'artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l'emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l'économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. /Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. /Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Selon l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne /b) L'effet du projet sur les flux de transports. (...) /2° En matière de développement durable : /a) La qualité environnementale du projet / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs.". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

7. Pour annuler l'autorisation d'exploiter délivrée par la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne, la commission nationale a estimé, d'une part, que le projet allait entraîner des nuisances visuelles et sonores pour les riverains, du fait de son implantation à proximité immédiate d'un lotissement dont les premières habitations sont situées à une quinzaine de mètres de la façade arrière de l'ensemble commercial, d'autre part, qu'il allait engendrer une importante imperméabilisation des sols et, enfin, qu'il ne présentait pas d'avantages suffisants au regard des autres critères posés par l'article L. 752-6 du code de commerce.

8. D'une part, si le ministre de l'environnement a émis un avis réservé sur le projet après avoir considéré que " la mitoyenneté du bâtiment et de la station service avec la zone d'habitat n'a pas fait l'objet d'un traitement permettant d'atténuer les nuisances visuelles et sonores du projet sur les riverains ", il ressort des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'instruction, que le terrain d'assiette du projet se situe en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune, destinée à l'activité commerciale et tertiaire et que le bâtiment projeté sera implanté en bordure d'une route départementale très fréquentée et en face d'une zone commerciale comprenant, notamment, un restaurant bar, une pharmacie, un tabac presse et un salon de coiffure. Des mesures compensatoires ont été prévues dans le dossier de demande d'autorisation, qui indique, s'agissant des éléments susceptibles de générer des nuisances sonores, qu'ils seront placés en toiture, sur le fond du bâtiment et que les appareils seront sélectionnés pour leur faible vitesse de rotation, ce qui diminuera de manière significative les émissions sonores. Le dossier prévoit également, afin de limiter les nuisances lumineuses, une orientation vers le bas de l'ensemble des éclairages du parking et des façades et un arrêt, chaque soir après la fermeture du magasin, de l'éclairage extérieur et des enseignes. En ce qui concerne la zone de déchargement, dont il est constant qu'elle sera située à proximité du lotissement voisin, il ressort du dossier établi par la société pétitionnaire qu'elle sera protégée sur toute sa longueur par un bardage métallique, ainsi que par un écran végétal d'arbres et d'arbustes à feuilles persistantes qui sera planté en limite de fossé, et que les fréquences de livraison seront limitées à sept livraisons par semaine. Enfin, les éléments produits révèlent un réel effort de végétalisation du site dans son ensemble puisque, outre l'arrière du bâtiment, les abords de la route départementale seront paysagés. Dans ces conditions, la SCI les Peupliers est fondée à soutenir que la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que ce projet compromettait l'objectif de développement durable.

9. D'autre part, si la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet allait provoquer une importante imperméabilisation des sols, il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation que la surface effectivement imperméabilisée sera de 7 519 m², se répartissant en 3 319 m² de surface hors oeuvre nette et 4 200 m² de voiries et parkings, sur une superficie totale de 22 687 m², soit à peine plus d'un tiers. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétendent la SAS Pydaust et le ministère de l'écologie dans son avis, le projet prévoyait bien un dispositif de récupération des eaux de pluies dont il était indiqué que, conformément au dossier d'étude réalisé au titre de la loi sur l'eau, elles seraient acheminées vers un bassin de rétention (ou fossé) permettant de réguler le débit d'évacuation par un débit de fuite adapté et qu'elles seraient rejetées vers le fossé existant au nord-ouest du terrain (noues paysagères). Il est par ailleurs précisé, s'agissant des eaux de ruissellement des voiries et des zones de stationnement, qu'elles traverseront un séparateur à hydrocarbures afin de permettre une dépollution avant le rejet vers le bassin de rétention, mais également afin de parer à une éventuelle pollution accidentelle. Dès lors, la SCI les Peupliers est fondée à soutenir que l'imperméabilisation des sols n'était pas de nature à justifier, dans les circonstances de l'espèce, un refus d'autorisation.

10. Enfin, si la Commission nationale d'aménagement commercial a, en dernier lieu, considéré que le projet ne présentait pas d'avantages suffisants au regard des autres critères posés par l'article L. 752-6 du code de commerce, un tel motif, qui n'est assorti d'aucune précision, n'était pas de nature à fonder le refus d'autorisation litigieux, alors qu'au demeurant il ressort des pièces du dossier que le projet, qui vise à satisfaire une demande forte dans cette zone située en rive gauche de la Garonne, aura des effets positifs sur l'animation de la vie urbaine, qu'il permettra un rééquilibrage entre les enseignes Intermarché et Casino, lesquelles se trouvent en position de duopole sur la région et qu'il participera également au développement économique local en favorisant les partenariats avec les fournisseurs locaux et régionaux.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SCI les Peupliers est fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 4 juin 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

13. Le présent arrêt implique nécessairement que la Commission nationale d'aménagement commercial procède à un nouvel examen du recours de la SAS Pydaust, dont elle se trouve à nouveau saisie, dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI les Peupliers, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SAS Passag, par la SAS Pydaust et par la SAS Distribution Casino France.

15. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI les Peupliers et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 4 juin 2014 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours de la SAS Pydaust dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCI les Peupliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Passag, par la SAS Pydaust et par la SAS Distribution Casino France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 14BX02733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX02733
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET CAROLINE JAUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-09;14bx02733 ?
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