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13/10/2016 | FRANCE | N°14BX03521

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 14BX03521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2011 par lequel le maire de la commune de Rouffiac-Tolosan a refusé de leur délivrer un permis de construire pour édifier deux maisons individuelles, une piscine et une annexe sur un terrain situé chemin de Pigassou à Rouffiac-Tolosan ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 3 mai 2011 et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Rouffiac-Tolosan de leur d

livrer le permis de construire sollicité.

Par un jugement n° 1103721 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2011 par lequel le maire de la commune de Rouffiac-Tolosan a refusé de leur délivrer un permis de construire pour édifier deux maisons individuelles, une piscine et une annexe sur un terrain situé chemin de Pigassou à Rouffiac-Tolosan ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé le 3 mai 2011 et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Rouffiac-Tolosan de leur délivrer le permis de construire sollicité.

Par un jugement n° 1103721 du 17 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2014, M. et MmeA..., représentés par Me Vignal, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2011 du maire de Rouffiac-Tolosan refusant le permis de construire demandé, ensemble la décision tacite de rejet du recours gracieux formé le 3 mai 2011 ;

3°) d'accorder le permis de construire le projet présenté le 27 janvier 2011 par M. A..., au nom des époux, sur le terrain situé " chemin de Pigassou " à Rouffiac-Tolosan et de modifier l'arrêté en date du 2 mars 2011 en ce sens ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Rouffiac-Tolosan la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de " la condamner aux entiers dépens ".

Ils soutiennent que :

- c'est par une appréciation inexacte des éléments de fait et des règles de droit applicables, que le tribunal les a déboutés de leurs demandes ;

- la procédure d'information prévue par l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales n'a pas été respectée en l'absence de justification par l'autorité municipale de la transmission de l'arrêté du 2 mars 2011 au représentant de l'Etat ;

- les dispositions du plan local d'urbanisme sur lesquelles se fonde le refus de permis de construire sont illégales dès lors qu'elles ne comportent, ni dans le règlement, ni dans les documents graphiques, aucune obligation précise dont le respect peut être concrètement apprécié en ce qui concerne la position des constructions par rapport aux voies, emprises et limites séparatives. C'est donc par rapport aux dispositions d'urbanisme antérieurement applicables, qui se trouvent, par suite, remises en vigueur, que doit être appréciée leur demande de permis de construire ;

- les règles d'urbanisme régissant les parcelles D 1045 et D 1046 litigieuses ne font pas obstacle au projet de construction sollicité. L'article UB1 du plan d'occupation des sols autorise notamment les constructions à usage d'habitation. L'unique motif de refus opposé par la commune tient à la nécessité de protéger l'espace boisé classé auquel l'accès créé sur le chemin de Pigassou, pour le passage au terrain et le passage des réseaux, porterait atteinte. Or seule la bordure dudit chemin a été classée en espace boisé par le document graphique du plan d'occupation des sols. C'est donc à tort que le tribunal a considéré que les travaux projetés consistant dans la réalisation de deux maisons individuelles, d'une piscine et d'un garage conduisaient à un changement d'affectation du sol de nature à compromettre l'intégrité de l'espace boisé classé ;

- l'autorité municipale ne pouvait faire prévaloir le zonage graphique sur les dispositions textuelles du règlement du plan d'occupation des sols, lesquelles autorisent la constructibilité des parcelles, dès lors que cette appréciation portée sur la situation du chemin de Pigassou dans sa totalité, a pour effet d'y interdire de facto toute construction ;

- la seule référence, dans l'arrêté attaqué, aux dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ne suffit pas à justifier le refus de permis de construire dès lors qu'il est de jurisprudence constante que le classement en espace boisé classé n'interdit pas, de facto, tout changement d'affectation ou d'utilisation du sol ;

- ce refus est en contradiction avec l'arrêté en date du 10 novembre 2008 autorisant la division parcellaire, qui a été accordé sur la base d'un dossier mentionnant une desserte des deux lots par le chemin de Pigassou et sur le fondement duquel les travaux de réalisation de l'accès ont été réalisés en janvier 2009 ;

- le refus de permis de construire est entaché d'un détournement de pouvoir ; d'abord, la décision en litige n'a pour objet que de remettre en cause l'accès réalisé en 2009, alors que toute action contentieuse contre l'arrêté du 10 novembre 2008 est désormais prescrite ; ensuite, ni la création d'une voie d'accès à l'intérieur d'un espace boisé, ni le passage de canalisation sur un tel espace, ne peuvent, de façon générale, être interdits et fonder un refus de permis de construire. Enfin, le nouveau motif opposé dans le certificat d'urbanisme délivré le 5 juin 2012, tenant à la dangerosité de l'accès à la voie publique par le chemin de Pigassou, confirme la volonté du maire de rendre inconstructibles les parcelles litigieuses, ces dernières se retrouvant enclavées ; de même, le refus opposé aux consorts C...en 2010 pour la réalisation d'une maison individuelle sur la parcelle D 1046 pour un motif identique à celui de la décision en litige révèle que tout projet de construction sera systématiquement refusé, sans examen de possibles mesures correctives.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2016, la commune de Rouffiac-Tolosan, représentée par Me Maylié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants reprennent en appel leurs moyens et demandes de première instance sans se prévaloir d'aucun élément de fait ou de droit nouveau ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir manque en fait ;

- ni la décision de non-opposition à déclaration préalable qui n'a pas d'autre objet que celui de constater la division, ni la réalisation des travaux sans autorisation, ne créent un droit à l'obtention ultérieure d'un permis de construire ;

- elle sollicite que soit substitué au motif fondant la décision attaquée, le motif tiré de la dangerosité de l'accès, les conditions de visibilité au débouché de la voie projetée étant insuffisantes et le risque ainsi créé pour la sécurité publique étant aggravé par la présence d'un virage ;

- les moyens tirés de ce que le signataire de la décision attaquée ne serait pas le maire et de ce que le refus de permis n'aurait pas été transmis au préfet manquent en fait ;

- le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme au motif que ce document ne comporte pas de règles suffisamment précises relatives à l'implantation des constructions est inopérant dès lors que le refus de permis de construire ne repose pas sur la violation d'une quelconque règle relative à l'implantation des constructions ;

- il n'existe pas de contradiction entre les dispositions du règlement et les " orientations d'aménagement présentées sous forme graphiques " invoquées par les requérants ;

- eu égard à la dimension de la voie, à la largeur du percement du talus boisé classé, à l'absence de description du revêtement de la voie projetée et au fait que la création de cette dernière supposait l'abattage d'un ou plusieurs arbres, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme en refusant le permis de construire sollicité ;

- la demande d'annulation des dispositions d'urbanisme incluses dans le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme relatives à la zone UB portant sur le lieu-dit " chemin de Pigassou " est tardive et irrecevable. Elle n'est pas, au demeurant, assortie des précisions permettant d'en comprendre le sens et la portée exacte.

Par ordonnance du 18 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 26 mai 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Vignal, avocat de M. et Mme A...et celles de Me Maylie, avocat de la commune de Rouffiac-Tolosan ;

Vu la note en délibéré, enregistrée à la Cour le 19 septembre 2016, présentée pour la commune de Rouffiac-Tolosan par Me Maylie ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 janvier 2011, M. et Mme A...ont sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue d'édifier deux maisons individuelles, une piscine et une annexe (garages) sur les parcelles cadastrées section D n° 417, 1041 et 1043 situées Chemin de Pigassou à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne), dont ils sont propriétaires. Ils relèvent appel du jugement en date du 17 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 2 mars 2011 du maire de Rouffiac-Tolosan refusant le permis de construire sollicité.

Sur la légalité du refus de permis de construire :

2. L'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rouffiac-Tolosan relatif aux espaces boisés classés, espaces libres et plantations énonce que : " 1- Espaces boisés classés: / les espaces boisés figurant sur les documents graphiques sont classés à conserver et à protéger et soumis aux dispositions du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (...) ".

3. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. et MmeA..., le maire de Rouffiac-Tolosan s'est fondé, en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, sur ce que l'accès et les réseaux projetés sont de nature à compromettre la conservation et la protection de l'espace boisé classé grevant l'assiette du terrain le long du chemin de Pigassou. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du document graphique du plan local d'urbanisme de la commune que seule une bande étroite de la parcelle appartenant à M. et MmeA..., située en bordure du chemin de Pigassou et présentant les caractéristiques d'un talus boisé, est classée en espace boisé classé. Les plans joints à la demande de permis de construire montrent qu'aucune des constructions envisagées par les pétitionnaires n'est implantée dans cette partie du terrain d'assiette du projet et que la voie d'accès prévue, et déjà réalisée en 2009 après la non-opposition du maire à la division du terrain, n'empiète que de façon limitée sur l'extrémité de cet espace boisé classé. Contrairement à ce que soutient la commune, ni les travaux d'aménagement du chemin litigieux ni l'enfouissement des canalisations nécessité par la réalisation des réseaux n'apparaissent de nature à compromettre la conservation de l'espace boisé classé. Dans ces conditions, et alors au demeurant que les parcelles voisines du terrain d'assiette du projet, également bordées par le même espace boisé classé, supportent des constructions bénéficiant d'accès sur le chemin de Pigassou, le maire de Rouffiac-Tolosan a méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme en refusant, pour ce motif, de délivrer le permis de construire sollicité.

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. La commune de Rouffiac-Tolosan demande que soit substitué au motif initial de refus du permis de construire tiré de la méconnaissance de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, un motif tiré de la dangerosité de l'accès projeté. Toutefois, faute pour la collectivité de préciser quelles dispositions légales ou réglementaires le projet de construction présenté par M. et Mme A...n'aurait pas respectées, il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motif qu'elle présente, au demeurant insuffisamment étayée pour démontrer le risque allégué.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens n'est, en l'état de l'instruction, susceptible de fonder l'annulation du refus de permis de construire.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2011 du maire de Rouffiac-Tolosan.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Il n'appartient pas au juge administratif d'accorder le permis de construire sollicité et de modifier l'arrêté en date du 2 mars 2011 en ce sens. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme A...doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeA..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Rouffiac-Tolosan demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Rouffiac-Tolosan le versement d'une somme de 1 500 euros à M. et Mme A...au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1103721 du 17 octobre 2014 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du 2 mars 2011 du maire de la commune de Rouffiac-Tolosan sont annulés.

Article 2 : La commune de Rouffiac-Tolosan versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et à la commune de Rouffiac-Tolosan.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre2016.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 14BX03521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX03521
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Dispositions législatives du code de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : VIGNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-13;14bx03521 ?
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