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28/09/2017 | FRANCE | N°17BX01386

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 17BX01386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604785 du 1er février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2017, M. E...C..., représenté par Me A..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604785 du 1er février 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2017, M. E...C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er février 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Gironde en date du 7 septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente de la nouvelle décision, que le préfet lui délivre une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en indiquant qu'il avait présenté une demande sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le formulaire de demande de titre de séjour ne reproduisant pas cet article, le lien entre le mariage et la qualité de conjoint ne peut être effectué ; au demeurant, aucune définition juridique uniforme du terme de conjoint n'existe ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'intensité et la stabilité des liens avec son concubin sont établies alors qu'ils justifient d'une vie commune depuis janvier 2015 et qu'ils ont conclu un pacte civil de solidarité (PACS) en juin 2015 ; la circulaire du 16 janvier 2017, bien que dépourvue de valeur réglementaire, considère que la condition de stabilité est satisfaite lorsque les partenaires de PACS justifient d'un an de vie commune ; s'ils sont sans enfant, la famille ne se réduit pas à la famille nucléaire ou filiale et la relation homosexuelle est constitutive d'une vie familiale ; s'agissant des conditions de vie matérielle en France, alors même que les textes invoqués n'imposent aucune condition de ressources, son concubin justifie de la stabilité de son travail et il a produit une promesse sérieuse d'embauche en contrat à durée indéterminée ; s'il est le père de deux enfants demeurés au Gabon, il n'a plus de contacts avec eux, ce dont témoigne l'absence de voyage au Gabon ; en cas de retour au Gabon, il s'exposerait à des traitements inhumains et dégradants compte tenu de son homosexualité ; ses relations avec sa famille se sont d'ailleurs dégradées en raison de son orientation sexuelle ; à cet égard, le préfet ne fournit aucun élément prouvant qu'il aurait effectué des voyages dans ce pays ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; il maîtrise le français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 15 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2017 à 12 heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2017, le préfet de la Gironde a conclu au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.

M. E...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...C..., né le 24 août 1987, de nationalité gabonaise, est entré en France le 26 janvier 2015, sous couvert d'un visa de court séjour valable 22 jours. Il s'est maintenu sur le territoire français et a sollicité son admission au séjour le 10 février 2016, en faisant valoir la signature d'un pacte civil de solidarité conclu avec un ressortissant français, M. B... D..., le 26 juin 2015. Il relève appel du jugement du 1er février 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. E...C...a coché la case " conjoint de français " figurant sous la rubrique " motif " du formulaire de demande de titre de séjour proposé par la préfecture de la Gironde. Bien que ce formulaire, fourni par l'administration, ne comporte aucune référence aux différents articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne précise donc pas que les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne concernent que les personnes mariées, le terme conjoint renvoie cependant à l'union par les liens du mariage. Au demeurant, à supposer que ce document soit regardé comme manquant de clarté, le préfet de la Gironde a également examiné la situation du requérant au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il apparaissait que cette démarche procédait de l'intention de l'intéressé de se prévaloir des liens affectifs qu'il entretient en France, et notamment de ceux qui l'unissent avec son compagnon de pacte civil de solidarité.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Si la conclusion d'un pacte civil de solidarité par un étranger avec un Français n'emporte pas, à elle seule, délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire, elle constitue un élément de la situation personnelle de l'intéressé dont l'autorité administrative doit tenir compte pour apprécier si un refus de délivrance d'un titre de séjour n'entraînerait pas, compte tenu de l'ancienneté de la vie commune entre les partenaires, une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale.

6. M. E...C...est entré en France le 26 janvier 2015 et soutient connaître depuis cette date son partenaire, qu'il aurait rencontré sur les réseaux sociaux. S'ils ont conclu un pacte civil de solidarité devant notaire le 26 juin 2015, le requérant n'établit toutefois pas de manière probante la réalité d'une vie commune antérieure, laquelle doit donc être regardée comme ne remontant qu'à 15 mois à la date de l'arrêté attaqué. Il ne démontre pas risquer d'être privé, de par son orientation sexuelle, de toute vie sociale et sentimentale effective dans son pays d'origine. La circonstance que l'union homosexuelle ne serait pas reconnue au Gabon n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale. De même, le seul certificat médical du 24 octobre 2016 faisant état d'une cicatrice à l'épaule et à la main droites ne suffit pas à prouver que ces blessures, que l'intéressé a déclaré à un médecin avoir été subies en 2012, soient le résultat de violences perpétrées du fait de son orientation sexuelle. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident ses parents, ses frères et soeurs ainsi que ses deux enfants. Le simple récit qu'il produit à l'appui de sa requête et la production de son passeport ne permettent pas de démontrer qu'il aurait effectivement rompu tout lien avec les membres de sa famille restés dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent tant de sa présence en France que de sa relation avec un ressortissant français, la décision ne peut être regardée comme ayant porté, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, à son droit au respect de la vie privée et familiale dont il est en mesure de justifier sur le territoire français une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, nonobstant la circonstance qu'il disposerait d'une promesse d'embauche, la décision de refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

8. M. E...C...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 précité dès lors que les circonstances évoquées au point 6 ne peuvent être regardées comme des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels au sens de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

10. Pour les motifs exposés au point 6, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. E...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 31 août 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Cindy VIRIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

No 17BX01386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01386
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : HAKIM

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-09-28;17bx01386 ?
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