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28/11/2017 | FRANCE | N°17BX02184

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 17BX02184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 5 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604778 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 11 juillet 2017, MmeA..., représentée par Me Pépin, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 5 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1604778 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2017, MmeA..., représentée par Me Pépin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 5 août 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, un récépissé de demande de délivrance de ce titre, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Elle soutient que :

- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'indique pas les motifs pour lesquels les soins dont elle a besoin seraient désormais disponibles en République du Congo ;

- elle remplit les conditions prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en confirmant les termes de son mémoire de première instance.

Par ordonnance du 28 juillet 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2017.

Des pièces nouvelles, présentées pour MmeA..., ont été enregistrées le 10 otcobre 2017.

Par une décision en date du 22 juin 2017, Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Manuel Bourgeois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante congolaise née le 15 mars 1947, est entrée en France le 23 octobre 2007, munie d'un passeport revêtu d'un visa de 30 jours délivré par le consulat de France à Brazzaville (République du Congo). Elle demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1604778 du 4 mai 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (. . .) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (. . .) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...a subi une thyroïdectomie en 2010, qu'elle souffre d'une gonarthrose qui a déjà nécessité une arthroplastie de chacun des genoux, respectivement en 2008 et 2009, ainsi qu'une reprise chirurgicale en 2012, et entraîne des gonalgies chroniques importantes ainsi qu'une instabilité physique. Elle souffre également d'une dystrophie kystique des seins, d'hypertension artérielle, d'une bronchite chronique et d'obésité morbide.

4. Par un avis du 15 mars 2016, le médecin de l'agence régionale de santé Midi-Pyrénées a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme A...produit, pour la première fois en appel, plusieurs certificats médicaux établis par son médecin traitant qui indique que son état de santé nécessite des soins réguliers et un traitement médicamenteux quotidien (Levothyroxine, Valsartan et Spiriva). Elle soutient que les principes actifs du Valsartan et du Spiriva ne sont pas disponibles en République du Congo et produit à l'appui de cette allégation la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de la République du Congo, révisée en mars 2013, dans laquelle ne figure effectivement ni ces médicaments ni leurs principes actifs. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que Mme A...a subi, antérieurement à l'arrêté litigieux, plusieurs examens médicaux destinés à déterminer si une intervention chirurgicale de reprise, pour descellement, de la prothèse de son genou gauche était nécessaire et que cette intervention a effectivement été réalisée le 30 janvier 2017. Dans ces conditions, le préfet n'apportant aucun élément précis de nature à justifier la disponibilité, en République du Congo, des soins et des médicaments appropriés à l'état de santé de MmeA..., celle-ci est fondée à soutenir que la décision lui refusant le séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est également fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 août 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

7. L'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle se fonde, implique que le préfet de la Haute-Garonne délivre à Mme A...un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pépin, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Pépin d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604778 du 4 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 août 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Pépin la somme de 1 500 euros, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me Pépin. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, rapporteur.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017

Le rapporteur,

Manuel BourgeoisLe président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02184
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : PEPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-28;17bx02184 ?
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