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20/09/2011 | FRANCE | N°11DA00717

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 septembre 2011, 11DA00717


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Ghislaine A, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100315, en date du 14 avril 2011, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 janvier 2011, par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à

destination duquel elle sera renvoyée et, d'autre part, à ce que le t...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mlle Ghislaine A, demeurant ..., par la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100315, en date du 14 avril 2011, par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté, en date du 5 janvier 2011, par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée et, d'autre part, à ce que le tribunal enjoigne au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté, en date du 5 janvier 2011, du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

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Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président de chambre, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mlle A, ressortissante de la République démocratique du Congo née le 7 octobre 1967, est entrée, selon ses dires, clandestinement sur le territoire français le 7 juin 2005 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 août 2006, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 mars 2008 ; qu'elle a, ultérieurement, sollicité auprès du préfet de l'Oise la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a été autorisée à séjourner sur le territoire français entre le 10 juin 2008 et le 9 juin 2010 pour motifs de santé ; qu'elle a sollicité, le 30 avril 2010, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 5 janvier 2011, le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite ; que, par un jugement en date du 14 avril 2011, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de Mlle A tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2011 ; que Mlle A relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance

n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : (...) le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé ; qu'en vertu de l'article 4 du même arrêté, au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique, désormais remplacé par le médecin désigné de l'agence régionale de santé, émet un avis, transmis au préfet, précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et la durée prévisible du traitement et, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné auxdites dispositions, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant, d'une part, que le secret médical interdit au médecin de l'agence régionale de santé de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; qu'en mentionnant que l'état de santé de Mlle A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant 6 mois et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi, le médecin de l'agence régionale de santé a, contrairement à ce que soutient Mlle A, suffisamment motivé son avis du 22 novembre 2010, au regard des dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999 précitées ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que l'état de santé de Mlle A, qui souffre de troubles psychologiques sérieux, nécessite une prise en charge médicale ; que, pour refuser de procéder au renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet de l'Oise s'est notamment fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, ainsi que l'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 22 novembre 2010 ; que Mlle A soutient, reprenant ainsi les termes de deux certificats médicaux établis le 19 mars 2010 et le 24 janvier 2011 par un même psychiatre, que les troubles psychiatriques dont elle souffre trouvent leur origine dans les violences qu'elle a subies dans son pays d'origine en raison de son engagement auprès de personnes incarcérées et que, pour cette raison, elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié en République démocratique du Congo ; que, toutefois, ses allégations ne sont étayées par aucun élément probant permettant d'en établir la réalité, ni l'existence d'un lien entre les souffrances psychologiques et les violences alléguées ; que, ni le rapport du médecin agréé en date du 14 octobre 2010 faisant état d'une atténuation des troubles présentés par Mlle A du fait de sa prise en charge, ni le certificat médical établi le 24 février 2011 confirmant les diagnostics précédents et mentionnant la nécessité d'une prise en charge régulière psychothérapique avec un traitement psychotrope régulier, ni les ordonnances prescrivant des médicaments antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères et antalgiques ne sont de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, en date du 22 novembre 2010 qui a estimé que la pathologie dont était atteinte Mlle A pouvait être soignée dans son pays d'origine ; que, dès lors, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

Considérant que, si Mlle A fait valoir qu'elle est bien intégrée en France, où elle est entrée en 2005, à l'âge de 37 ans, et où elle a vécu ses six dernières années, en grande partie en situation régulière, et où elle dispose d'un logement et d'un emploi stable, elle n'établit pas être isolée dans son pays d'origine où résident ses quatre filles, nées respectivement en 1990, 1992 et 1996, ses parents, ses frères et soeurs ; qu'elle occupe un emploi sous couvert d'un titre de séjour accordé à titre provisoire pour la durée de son traitement médical ; que, par ailleurs, l'intéressée n'établit pas qu'il lui serait impossible de se loger ou de retrouver un emploi en cas de retour en République démocratique du Congo ; que, dans ces circonstances, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, comme il a été dit précédemment, que l'état de santé de Mlle A, qui soutient souffrir de troubles psychiatriques sérieux, nécessiterait une prise en charge dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne puisse effectivement bénéficier des traitements nécessaires à sa pathologie dans son pays d'origine ; que, dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son état de santé s'opposerait à ce qu'elle soit obligée de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné :1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que Mlle A soutient qu'elle serait personnellement menacée en cas de retour en République démocratique du Congo et qu'elle se trouverait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans le cadre de son engagement aux côtés de personnes incarcérées à la prison de Makala, elle serait intervenue afin que des détenus malades puissent être hospitalisés ; qu'au cours de leur transfert, certains prisonniers se seraient enfuis et qu'elle aurait été tenue pour responsable de ces évasions ; qu'elle aurait alors fait l'objet de plusieurs arrestations et incarcérations, par des membres de la police d'intervention rapide ; qu'au cours de ses périodes d'incarcération, elle aurait subi des sévices physiques, sexuels et psychologiques ; que, toutefois, Mlle A n'assortit ses allégations d'aucun élément probant de nature à établir que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'elle serait personnellement exposée à des peines ou des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, alors que sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle a sollicité et obtenu des autorités de son pays la prorogation de son passeport en 2008 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Ghislaine A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00717
Date de la décision : 20/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-09-20;11da00717 ?
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