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16/10/2012 | FRANCE | N°12DA00175

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 octobre 2012, 12DA00175


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 février 2012 et confirmée par courrier original le 8 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mourad A, demeurant ..., par Me Lachal, avocate ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106020 du 21 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2011 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un

délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annu...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 3 février 2012 et confirmée par courrier original le 8 février 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Mourad A, demeurant ..., par Me Lachal, avocate ; M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106020 du 21 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2011 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2011 du préfet du Nord portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 2 392 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail, président-assesseur,

- et les observations de Me Lachal, avocate, pour M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain né le 20 décembre 1980, a fait l'objet le 18 octobre 2011 d'un arrêté du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire, fixant le pays de destination, lui refusant un délai de départ volontaire et décidant son placement en rétention administrative ; que M. A relève appel du jugement, en date du 21 octobre 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, lui refuse un délai de départ volontaire et fixe le pays de destination ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, sans délai :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " (...) Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 511-1 II 3°, L. 511-1, L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relate les conditions d'entrée en France de M. A, son mariage avec une ressortissante marocaine, le caractère récent du concubinage allégué, la naissance de son fils, indique que le requérant ne souhaite pas retourner dans son pays et précise en quoi il n'est pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; qu'ainsi, elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de faits sur lesquelles elle se fonde et, par suite, est suffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que M. A n'établit pas, par la seule production, hormis celle de son épouse, d'une attestation d'une association, que le préfet du Nord aurait refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour ; que, par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de l'incompétence de l'auteur de cette décision, dirigés, par la voie de l'exception d'illégalité, contre la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, à la date de la décision contestée, ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français et relevait donc du champ d'application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposition visée par l'arrêté ; que, s'il soutient être entré légalement en Espagne, il ne justifie ni avoir souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français prévue au 2ème alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni relever d'un des cas de dispense de souscrire cette déclaration prévus par l'article R. 212-6 du même code ; que le préfet s'est donc fondé, à bon droit, sur les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre la mesure d'éloignement ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, la décision et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne sont pas incompatibles avec la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que M. A déclare être entré récemment sur le territoire français, le 7 septembre 2011 ; que la vie commune alléguée avec Mme Chafia B, ressortissante marocaine résidant en France, qu'il prétend avoir épousée au Maroc en 2006, est récente à la date de la décision attaquée ; que la cellule familiale qu'il soutient avoir constituée en France, composée de Mme B, des deux enfants de cette dernière ainsi que de leur fils, né en 2010, et de leur fille, née en 2012, tous de nationalité marocaine, peut se reformer au Maroc ; que M. A n'établit pas, par ailleurs, être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. A en France, alors même qu'il disposerait d'une promesse d'embauche et qu'il ne constituerait pas une menace à l'ordre public, la décision l'obligeant à quitter le territoire sans délai ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni qu'il a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la gravité des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de son audition par les services de la police aux frontières, que M. A, qui n'établit pas être entré régulièrement sur le territoire national, a fait savoir qu'il n'entendait pas retourner dans son pays ; que, par suite, le préfet du Nord, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas accorder à l'intéressé de délai de départ volontaire ; que si M. A fait valoir qu'il réside chez son épouse, une telle circonstance ne suffit pas à démontrer que le préfet du Nord a fait une appréciation erronée des faits de l'espèce ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'il résulte des motifs qui précèdent que M. A n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire du préfet du Nord à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions relatives aux dépens :

Considérant qu'aucun dépens n'a été engagé dans le cadre de la présente instance ; que dès lors, les conclusions présentées à cet égard par M. A sont dépourvues d'objet et, par suite, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mourad A et au ministre de l'intérieur.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00175
Date de la décision : 16/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Marc Lavail
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-16;12da00175 ?
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