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25/10/2012 | FRANCE | N°12DA00644

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (quater), 25 octobre 2012, 12DA00644


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 30 avril 2012, présentée pour Mme Mebarka B veuve A, demeurant ..., par Me E. Pereira, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200040 du 30 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé par l'article 1er de son jugement, la mesure portant interdiction de retour sur le territoire français, a, à l'article 2, rejeté sa demande tendant à l'annulation du surplus de l'arrêté en date du 5 décembre 2011 du préfet de la Somme en tant qu'il a r

ejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obli...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 30 avril 2012, présentée pour Mme Mebarka B veuve A, demeurant ..., par Me E. Pereira, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200040 du 30 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé par l'article 1er de son jugement, la mesure portant interdiction de retour sur le territoire français, a, à l'article 2, rejeté sa demande tendant à l'annulation du surplus de l'arrêté en date du 5 décembre 2011 du préfet de la Somme en tant qu'il a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté dans cette mesure ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme, à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un certificat de résidence algérien ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me Pereira dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre ;

Considérant que Mme A, ressortissante algérienne née le 18 octobre 1954, est entrée sur le territoire français le 26 mai 2007 venant d'Italie munie d'un permis de séjour italien ; qu'elle a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et de visiteur en raison de ses liens familiaux en France ; que, par un jugement du 30 mars 2012, le tribunal administratif d'Amiens a annulé, par l'article 1er du jugement, l'arrêté du préfet de la Somme en date du 5 décembre 2011 la concernant en tant qu'il portait interdiction de retour sur le territoire français ; qu'elle relève appel de ce jugement en tant qu'il a, à l'article 2, rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire contenus dans ce même arrêté ;

Sur le refus de titre de séjour en qualité de " visiteur " :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'arrêté du préfet de la Somme a été pris, Mme A bénéficiait d'un titre de séjour en Italie, pays dans lequel elle avait résidé régulièrement depuis 2003 auprès de l'un de ses fils ; que si elle avait dû quitter ce dernier à raison de son comportement violent, il ne ressort pas des pièces que le préfet de la Somme ait porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre en qualité de " visiteur " dès lors qu'elle conservait en Italie d'autres attaches ;

Sur le refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien : " (...), le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : " Le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; / - et la durée du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales " ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été pris par le préfet de la Somme après que le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a émis un avis défavorable au maintien en France de Mme A au motif que, si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale et que le défaut de cette prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que Mme A, qui souffre de diabète de type 2, entraînant une perte de vision, ainsi que d'hypertension artérielle, fait valoir qu'elle a quitté son pays depuis 2003 et qu'en cas de retour, elle serait sans logement et sans ressources, ce qui provoquerait une interruption durable dans son accès aux soins ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est veuve depuis 2003 et qu'elle a quitté son pays à la suite du décès de son mari ; qu'elle prétend, sans être démentie, avoir été rejetée par la famille de son mari en Algérie ; qu'il ressort également des pièces du dossier que ses enfants, frères ou soeurs, susceptibles de la prendre en charge, résident durablement en Italie mais surtout en France ; qu'il ne ressort pas, en revanche, de ces mêmes pièces que, compte tenu de son âge, de son absence de ressources personnelles, de sa situation familiale et de la durée de son éloignement de l'Algérie, elle ne serait pas isolée en cas de retour et qu'elle pourrait avoir un accès normal aux soins que requiert son état ; que, dans ces conditions, et en dépit de l'accessibilité des soins en Algérie à la généralité de la population, Mme A fait état de circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle qui doivent être regardées comme l'empêchant d'y accéder effectivement ; qu'ainsi, en retenant que l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays de renvoi, sans prendre en compte cette situation particulière, le préfet a méconnu les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour sollicité en qualité d'étranger malade ainsi que l'obligation de quitter le territoire ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'en l'état de l'instruction et compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Somme délivre à Mme A un titre de séjour en sa qualité d'étranger malade dans un délai de deux mois ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui a été confiée à Me Pereira, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des deux instances ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement en date du 30 mars 2012 du tribunal administratif d'Amiens est annulé, d'une part, dans la mesure où il rejette les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté du préfet de la Somme en date du 5 décembre 2011 en tant que celui-ci porte refus de titre de séjour prononcé en application du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, dans la mesure où il rejette les conclusions accessoires de la demande.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Somme en date du 5 décembre 2011 est annulé en tant que celui-ci porte refus de titre de séjour prononcé en application du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Somme de délivrer à Mme A un titre de séjour en sa qualité d'étranger malade dans un délai de deux mois.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mebarka B veuve A, au préfet de la Somme, à la SCP Caron, Daquo, Amouel, Pereira et au ministre de l'intérieur.

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N°12DA00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 12DA00644
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Moreau
Avocat(s) : SCP CARON-DAQUO-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-25;12da00644 ?
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