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13/11/2013 | FRANCE | N°13DA00515

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 13 novembre 2013, 13DA00515


Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203640 du 7 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé, à la demande de Mme A...C...née B..., son arrêté du 19 novembre 2012 refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de renvoi d'office et lui a, d'autre part, enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme C...;

2°) de rejeter la

demande présentée en première instance ;

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Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2013, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203640 du 7 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé, à la demande de Mme A...C...née B..., son arrêté du 19 novembre 2012 refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de renvoi d'office et lui a, d'autre part, enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme C...;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance ;

........................................................................................................

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Agnès Eliot, rapporteur public ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en appel :

1. Considérant que le jugement attaqué ayant été notifié le 8 mars 2013 au préfet de la Seine-Maritime, son appel, enregistré le 8 avril 2013 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 10 avril 2013, n'était pas tardif ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 19 novembre 2012 :

2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté, auquel s'est substitué l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 entré en vigueur le 16 juin 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleurs conditions " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans ses deux arrêts du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes ; que, pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné ; qu'en conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans son arrêt du 17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., mariée en 1999 à un ressortissant marocain ayant acquis la nationalité italienne en 2008, est entrée en France au mois d'août 2011, accompagnée de leurs quatre enfants d'âge scolaire, pour y rejoindre son mari qui y résidait depuis le mois d'octobre 2010 ; qu'il n'est pas contesté que M.C..., qui avait travaillé de nombreuses années en Italie, et, après avoir exercé un emploi temporaire en France en avril 2011, était, à la date de l'arrivée de sa famille, activement à la recherche d'un emploi d'agent d'entretien ou de manutentionnaire, bénéficiait d'un contrat d'accompagnement de trois mois à compter du 31 mai 2011 conclu sous l'égide de l'Agence nationale pour l'emploi, et ne se trouvait pas dans l'impossibilité objective d'obtenir un nouvel emploi ; que M. C... devait ainsi être regardé comme ayant, à la date de cette installation, la qualité de travailleur migrant au sens de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011 ; que, compte tenu de la scolarisation des enfants du couple, et quand bien même M.C..., faute d'être parvenu à trouver un nouvel emploi, pouvait être regardé, à la date de la décision préfectorale, comme ayant perdu la qualité de travailleur migrant, Mme C...pouvait prétendre du seul fait qu'elle gardait ses enfants scolarisés à un droit au séjour sur le fondement de l'article 10 du règlement ; que, par suite, en refusant à Mme C...un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime a porté aux droits de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision ; qu'il a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de MmeC..., son arrêté du 19 novembre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt confirmant le motif d'annulation retenu par les premiers juges, lesquels ont enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme C... un titre de séjour, les conclusions de la requérante tendant aux mêmes fins ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

8. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Martelli-Bourgault, avocat de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Martelli-Bourgault d'une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Martelli-Bourgault une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Martelli-Bourgault renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me D...Martelli-Bourgault.

Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°13DA00515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00515
Date de la décision : 13/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8) - Violation - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: Mme Eliot
Avocat(s) : MARTELLI BOURGAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-11-13;13da00515 ?
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