La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2014 | FRANCE | N°13DA00331

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 20 février 2014, 13DA00331


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant à..., par la SELARL Mary et Inquimbert ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202984 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2012 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant les Comores comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;



2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Mari...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant à..., par la SELARL Mary et Inquimbert ; Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202984 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2012 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant les Comores comme pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

1. Considérant que cette décision, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'est sans incidence l'absence de référence à l'indisponibilité du traitement que nécessiterait l'état de santé de Mme A...dans son pays d'origine ;

2. Considérant que le médecin de l'agence régionale de santé, qui n'avait pas à faire état des pathologies de MmeA..., a suffisamment motivé son avis ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas examiné l'ensemble de ces pathologies ; que par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, que par un avis du 11 avril 2012, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que si l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que l'intéressée ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les deux certificats médicaux produits par la requérante ne sont pas de nature à infirmer cet avis ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, que MmeA..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de 36 ans ; que si l'intéressée se prévaut d'attaches historiques avec la France en raison de la nationalité française de son père, il ressort des pièces du dossier que celui-ci est décédé en 2005 ; que Mme A... n'établit pas avoir créé des liens personnels et familiaux en France où elle réside depuis trois ans ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux cités au point 2, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision faisant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la directive du 16 décembre 2008 : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 4) " décision de retour " : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même directive : " 1. Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-672 du 16 juin 2011 prise pour la transposition de cette directive : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d''un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ; 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. (...) /. La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ;

8. Considérant, d'une part, que l'obligation de quitter le territoire français dont est assorti un refus de titre de séjour constitue, avec ce dernier, une décision unique de retour au sens de la directive du 16 décembre 2008 et n'a, par suite, pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle que comporte ce refus ; qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que doit être écarté le moyen tiré de l'incompatibilité avec les objectifs de la directive du 16 décembre 2008 des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque cette obligation assortit une telle décision ;

9. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour est régulièrement motivée ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision en litige n'aurait pas donné lieu à une motivation spécifique et distincte ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant que contrairement à ce que soutient MmeA..., le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en assortissant la décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire, dès lors qu'il a pris en compte sa situation personnelle et familiale ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; " ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

12. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ; que l'article R. 313-13 du même code prévoit également que : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'il s'ensuit que l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, il ne peut légalement se maintenir sur le territoire français, qu'il doit en principe prendre l'initiative de quitter le territoire et qu'il est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'il n'a pas alors à attendre que l'autorité administrative prenne l'initiative de l'informer expressément qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à une telle information préalable, le préfet qui assortit son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, ne méconnaît pas de ce seul fait le droit de l'étranger, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et qui a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, d'être entendu préalablement à cette mesure ; qu'en outre, et dans l'hypothèse où il aurait été porté atteinte dans une situation donnée au droit d'être entendu ainsi reconnu aux étrangers par le droit de l'Union, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, aff. n° C-383/13) qu'il appartient au juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision affectée de ce vice d'apprécier dans chaque cas d'espèce si cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

13. Considérant que Mme A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé la délivrance d'un tel titre et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; qu'elle n'invoque aucun autre élément de nature à établir que son droit à être entendu aurait été méconnu ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que cette garantie, telle qu'elle est consacrée par le droit de l'Union, a été méconnue ;

14. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de Mme A... ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de faits qui en constituent le fondement et précise, notamment, que Mme A... n'établit pas que sa vie ou sa liberté serait menacée ou qu'elle encourrait des risques d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté ;

16. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

17. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision fixant le pays de destination sont dépourvus de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

''

''

''

''

4

2

N°13DA00331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA00331
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: M. Christophe (AC) Hervouet
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SELARL MARY INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-02-20;13da00331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award