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08/07/2014 | FRANCE | N°13DA00772

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 08 juillet 2014, 13DA00772


Vu, I, sous le n° 13DA00772, la requête enregistrée le 21 mai 2013, présentée par le préfet du Nord qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300030 du 17 avril 2013 en tant que le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M. D...F..., ses décisions du 16 avril 2012 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure ;

2°) de rejeter la demande de M.F... ;

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Vu, II, sous l

e n° 13DA01102, la requête enregistrée le 8 juillet 2013, présentée pour M. D... F......

Vu, I, sous le n° 13DA00772, la requête enregistrée le 21 mai 2013, présentée par le préfet du Nord qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300030 du 17 avril 2013 en tant que le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M. D...F..., ses décisions du 16 avril 2012 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure ;

2°) de rejeter la demande de M.F... ;

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Vu, II, sous le n° 13DA01102, la requête enregistrée le 8 juillet 2013, présentée pour M. D... F..., demeurant..., par Me E...C... ; M. F...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300030 du 17 avril 2013 en tant que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2012 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai, respectivement, d'un mois ou de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, et ce, sous une astreinte de 155 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 392 euros, à verser à MeC..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, notamment ses articles 3-1 et 9-1 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

1. Considérant que, par un arrêté du 16 avril 2012, le préfet du Nord a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.F..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure ; que M. F...a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille lequel, par un jugement du 17 avril 2013, a rejeté la demande de M. F... dirigée contre le refus de titre de séjour mais a annulé l'arrêté en cause en tant qu'il obligeait M. F...à quitter le territoire français et fixait le pays de destination de cette mesure ; que, sous le n° 13DA00772, le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les décisions obligeant M. F...à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure ; que, sous le n° 13DA01102, M. F...relève appel du même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

3. Considérant que, par un jugement du 12 octobre 2004, le juge aux affaires familiales a attribué à M.F..., pour son fils mineur français résidant en France, l'exercice d'un droit de visite les première, troisième et cinquième fins de semaine et pendant la moitié des vacances scolaires ; qu'en raison de son état d'impécuniosité, M. F...a été dispensé du versement d'une pension alimentaire ; qu'il ressort, toutefois, des éléments recueillis lors de l'enquête administrative menée par les services de la police aux frontières de Lille, le 13 août 2010, que M. F... ne rendait visite à son fils qu'une fois tous les trois mois dans des lieux publics ; qu'il ne ressort pas des autres pièces versées au dossier par l'intéressé, notamment des factures et attestations produites, que M. F...aurait effectivement contribué à l'éducation et l'entretien de son fils depuis au moins deux ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par conséquent, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour du préfet du Nord a méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée (...) " ;

5. Considérant que si M. F...est entré en France le 26 novembre 1999, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir sa présence habituelle et continue sur le territoire français depuis cette date ; qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F...entretiendrait des relations d'une particulière intensité avec son fils, avec lequel il n'a d'ailleurs jamais résidé ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment des conditions de séjour de M.F..., qui ne justifie d'aucune insertion dans la société française et qui n'établit, ni même n'allègue, être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où il n'est pas contesté que réside toujours une partie de sa famille, le refus de titre de séjour contesté ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. F...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.F... ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aucune des circonstances propres à la situation personnelle de M. F...analysées ci-dessus ne peut être regardée comme justifiant une admission au séjour au titre de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, au sens de ces dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance n'est pas fondé et doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant, ainsi qu'il a été au point 3, que les pièces versées au débat ne suffisent pas à établir l'existence d'une relation suivie entre M. F...et son fils ; que, dans ces conditions, la décision attaquée ne peut être regardée comme méconnaissant l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; que, toutefois, le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des étrangers qui remplissent effectivement la condition mentionnée à ces articles et non du cas de tous les étrangers qui s'en prévalent ; que, par suite, M. F...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2012 du préfet du Nord lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

11. Considérant que M. F...a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale " ; qu'il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ; que, par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu un tel moyen pour annuler son arrêté du 16 avril 2012 en tant qu'il obligeait M. F...à quitter le territoire français et fixait le pays de destination de cette mesure ;

12. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. F...devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. F...ne peut exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale ;

14. Considérant que M. F...n'est pas fondé à soutenir que les décisions en litige ont été prises par une autorité incompétente dès lors que son signataire, M. B...A..., disposait pour ce faire d'une délégation de signature en date du 20 juillet 2011, régulièrement publiée ;

15. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 2 à 9 du présent arrêt pour écarter la demande d'annulation de M. F...du refus de délivrance d'un titre de séjour, les décisions attaquées ne méconnaissent pas les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

16. Considérant que les stipulations de l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux personnes individuelles intéressées ; que, par suite, M. F... ne peut invoquer utilement les stipulations de cet article ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 16 avril 2012 en tant qu'il obligeait M. F...à quitter le territoire français et fixait le pays de destination de cette mesure ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

18. Considérant que le rejet des conclusions présentées par M. F...entraîne, par voie de conséquence, celui de ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide (...) " ;

20. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. F...en faveur de son avocat doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1300030 du 17 avril 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de M. F...et le surplus de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lille sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...F....

Copie sera transmise au préfet du Nord.

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Nos13DA00772,13DA01102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA00772
Date de la décision : 08/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : BERTHE ; BERTHE ; BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-07-08;13da00772 ?
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