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09/03/2017 | FRANCE | N°15LY03482

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 09 mars 2017, 15LY03482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...et Mme E...D...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les deux arrêtés du 21 avril 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduits.

Par un jugement n° 1503039, 1503040 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par

une requête enregistrée le 29 octobre 2015 et un mémoire enregistré le 10 février 2017, M. et Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...et Mme E...D...épouse C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les deux arrêtés du 21 avril 2015 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduits.

Par un jugement n° 1503039, 1503040 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2015 et un mémoire enregistré le 10 février 2017, M. et MmeC..., représentés par Me Roure, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 septembre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susmentionnés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et un titre de séjour ou, à défaut de réexaminer leur situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- s'agissant du refus de délivrance de titre de séjour : le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'interprété par la circulaire du 28 novembre 2012 ; le préfet n'a pas examiné leur droit au séjour en qualité de salarié sur le fondement du même article ; l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français, est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- et les observations de MeB..., substituant Me Roure, avocat de M. et MmeC... ;

1. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants du Kosovo nés en 1984 et 1985, déclarent être entrés en France, respectivement, le 23 octobre 2008 et le 10 septembre 2009, Mme C... étant alors accompagnée de leurs deux enfants nés en 2006 et 2009 ; que leur demande d'asile a été rejetée par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 juillet 2009 et du 26 mars 2010, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 16 juillet 2012 ; qu'ils ont fait l'objet, chacun, d'un arrêté portant refus de séjour, le 16 avril 2013, assorti de décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui n'ont pas été exécutées ; que par arrêtés du 21 avril 2015, le préfet de la Haute-Savoie a de nouveau refusé de leur octroyer un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti ces refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que M. et Mme C...font valoir qu'ils sont entrés en France depuis, respectivement, sept et six ans à la date des arrêtés en litige, à l'âge de vingt-trois et vingt-cinq ans ; qu'il est constant que trois frères de M.C..., dont deux ont acquis la nationalité française, vivent depuis plus de vingt ans en France avec leurs épouses et leurs enfants, tous de nationalité française ; que M. C...a travaillé comme ouvrier dans l'entreprise de travaux de son frère, entre le 3 novembre 2011 et le 1er mai 2013 ; que si ce contrat a été rompu à la suite du premier refus de séjour dont il a fait l'objet, il bénéficie toujours d'une promesse d'embauche ; qu'il fait preuve d'une bonne intégration dans la vie locale, notamment dans le cadre d'un club de football ; que Mme C... effectue également des missions d'entretien chez des particuliers, rémunérées par des chèques emploi-service ; que leurs deux enfants mineurs, âgés de six et neuf ans à la date de l'arrêté litigieux, ont vécu pratiquement toute leur vie en France et y sont scolarisés ; que, dans ces conditions, en dépit de la précédente mesure d'éloignement dont ils ont fait l'objet, les refus de titre de séjour opposés à M. et Mme C... portent à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis ; qu'ainsi, ils méconnaissent les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ils doivent donc être annulés, de même que, par voie de conséquence, les décisions du même jour leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés litigieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que l'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) " ;

7. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel elle repose, que le préfet délivre à M. et Mme C...une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois à compter de la notification de cet arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme C...au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie en date du 21 avril 2015 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de délivrer à M. et Mme C...une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme E...D...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 16 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mars 2017.

5

N° 15LY03482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03482
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ROURE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-03-09;15ly03482 ?
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