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18/10/2013 | FRANCE | N°13PA00692

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 octobre 2013, 13PA00692


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1214351 en date du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

15 juin 2012 par lequel le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien, sous astreint

e de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de m...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me B... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1214351 en date du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

15 juin 2012 par lequel le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police ne s'est pas livré à l'examen de l'ensemble de sa situation ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2013, présenté par le préfet de police, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été signé par une autorité compétente ;

- cet arrêté est suffisamment motivé ;

- il n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2013, présenté pour M.A..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que M. C... A..., ressortissant algérien, né le

3 avril 1983, est entré en France le 5 avril 2004, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour ; que le Tribunal correctionnel de Paris l'a condamné le

19 septembre 2006 à quatre cents euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis puis, le 24 janvier 2007, pour des faits, d'une part, d'outrage et menace de mort ou d'atteinte aux biens à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique ainsi que de port prohibé d'arme, commis le 15 novembre 2006, et, d'autre part, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, commis le 10 janvier 2007 ; qu'en outre, le Tribunal correctionnel de Bobigny l'a condamné le 18 janvier 2010 à cinq ans d'emprisonnement pour violence aggravée ; qu'en dépit de l'avis défavorable de la commission spéciale d'expulsion, M. A... a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion en date du 15 juin 2012 du préfet de police ; que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, par un jugement du 20 décembre 2012 dont il relève appel ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1, après accomplissement des formalités prévues à l'article L. 522-1, est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. " ; qu'aux termes de l'article R. 522-4 du même code : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé au moyen d'un bulletin spécial. La notification est effectuée à la diligence du préfet du département où est située la résidence de l'étranger ou, si ce dernier est détenu dans un établissement pénitentiaire, du préfet du département où est situé cet établissement. A Paris, le préfet compétent est le préfet de police. " ;

3. Considérant que le préfet de police a engagé à l'encontre de M. A..., alors détenu à... ; que le préfet de police était dès lors compétent pour prendre, le 15 juin 2012, après avis donné par la commission spéciale d'expulsion de ce département, un arrêté d'expulsion à l'encontre de M. A..., alors même que l'intéressé avait été admis au bénéfice de la libération conditionnelle à partir du 15 mai 2012 et résidait depuis lors en Seine-Saint-Denis ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du

11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

5. Considérant que l'arrêté d'expulsion contesté vise notamment l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'avis émis le 15 mai 2012 par la commission spéciale d'expulsion ; qu'il énonce en particulier que M. A... a été condamné à quatre reprises de 2006 à 2010 et qu'en raison de l'ensemble de son comportement sa présence sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public ; que cette décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est, dès lors, suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles

L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui, après avoir rappelé les condamnations pénales dont l'intéressé avait fait l'objet, s'est référé dans l'arrêté attaqué à l'ensemble de son comportement, n'ait pas en l'espèce examiné l'ensemble des éléments relatifs au comportement de M. A... et aux différents aspects de sa situation afin de déterminer si, après les infractions commises par ce dernier, sa présence sur le territoire français constituait en juin 2012 une menace grave pour l'ordre public ; qu'ainsi le moyen tiré d'une prétendue erreur de droit, à raison du défaut d'examen de l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... fait valoir que les violences dont il a été reconnu coupable par le jugement du Tribunal correctionnel de Bobigny à l'égard de son ex-épouse, de son beau-frère et d'un pompier doivent s'inscrire dans un contexte passionnel, qu'il reconnaît et regrette ces faits, que tout risque de récidive est exclu au regard de la décision du juge d'application des peines du 27 octobre 2011 ordonnant sa libération conditionnelle et que les agissements sanctionnés par les condamnations antérieures sont exempts de toute violence ; que toutefois, l'intéressé ne produit ni ladite ordonnance du juge d'application des peines ni aucun autre élément permettant à la Cour d'apprécier l'amendement de comportement dont il se prévaut ; qu'ainsi, compte tenu notamment de la gravité des faits à raison desquels M. A...a été condamné, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'à la date de l'arrêté attaqué la présence de l'intéressé en France constituait une menace grave pour l'ordre public ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que M. A... fait valoir qu'il séjourne habituellement en France depuis huit années, que la commission spéciale d'expulsion a rendu un avis défavorable, au motif qu'il est père de deux enfants nés en France, que malgré son divorce, il conserve l'obligation d'entretenir et d'éduquer ces derniers et qu'il a, à cet effet, saisi le juge aux affaires familiales d'une requête après divorce ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., divorcé, n'a pas vu ses enfants depuis son incarcération ; qu'il admet n'avoir formé une requête après divorce que le 24 juillet 2012 et qu'en tout état de cause, il n'établit pas, malgré l'exercice d'une activité professionnelle, contribuer à l'entretien de ses deux fils ; qu'en outre, il a fait l'objet de quatre condamnations pénales de 2006 à 2010, la dernière à cinq années d'emprisonnement pour des faits de violences aggravées ; qu'enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents et ses trois frères, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt ans ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux, eu égard à la menace pour l'ordre public que constitue la présence de M. A...sur le territoire, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation en date du 2 mai 2012, que M. A...n'a pas vu ses enfants depuis son incarcération ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, il ne justifie pas contribuer à leur entretien et la circonstance, postérieure à l'arrêté contesté, qu'il a saisi le juge aux affaires familiales d'une requête tendant à ce qu'il partage avec la mère des enfants l'exercice de l'autorité parentale sur ceux-ci, est sans incidence sur sa légalité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions ci-dessus analysées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président,

- M. Couvert-Castéra, président-assesseur,

- M. Lemaire, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 octobre 2013.

Le rapporteur,

O. COUVERT-CASTÉRALe président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°13PA00692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00692
Date de la décision : 18/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : ABITBOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-10-18;13pa00692 ?
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