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20/06/2014 | FRANCE | N°14PA00001

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 20 juin 2014, 14PA00001


Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2014, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311386 du 27 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juillet 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait, à l'expiration de ce délai, être reconduite d'office à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par

Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu la requête, enregistrée le 2 janvier 2014, présentée par le préfet de police, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311386 du 27 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juillet 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A...B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait, à l'expiration de ce délai, être reconduite d'office à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;

Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2014 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de Me Provence, avocat de MmeB... ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante géorgienne, a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ; que, par arrêté du

16 juillet 2013, le préfet de police a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que le préfet de police relève appel du jugement du 27 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 18 avril 2005, à l'âge de vingt-sept ans, et a bénéficié de cartes de séjour temporaire portant la mention " étudiant " entre mai 2005 et octobre 2010 pour y effectuer, tout d'abord, des études de " français langue étrangère ", puis y suivre, entre septembre 2005 et juin 2008, l'enseignement de troisième année de licence " LLCE (Langue, Littérature, Civilisation Etrangère) - allemand ", sans obtenir ce diplôme, et, enfin, préparer au cours de l'année universitaire 2008/2009, un diplôme universitaire intitulé " modèles de l'économie numérique ", sans achever ce cycle d'études ; qu'elle a travaillé à temps partiel dans un restaurant, à compter du 27 septembre 2006, en qualité d'hôtesse jusqu'en mars 2010, puis en qualité de serveuse ; que son employeur a sollicité, le 18 octobre 2010, une autorisation de travail en vue de lui permettre d'exercer l'emploi d'adjointe de direction ; qu'en dépit du refus opposé à cette demande, le 4 novembre 2010, par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), l'intéressée a été embauchée dans ce restaurant à temps complet en qualité d'adjointe de direction à compter du 1er juin 2011 ;

5. Considérant qu'à l'appui de la demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " qu'elle a présentée le 1er juin 2013 sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressée a produit un contrat de travail en date du 4 mars 2013 pour un poste d'adjointe de direction au sein du même restaurant ; que, si Mme B... invoque la durée de son séjour en France et fait valoir qu'elle travaille depuis le 27 septembre 2006 dans le même restaurant, au sein duquel des responsabilités plus importantes lui ont été progressivement confiées, ces circonstances ne permettent pas d'établir que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'admission au séjour de l'intéressée en qualité de salariée n'était pas justifiée par des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur ce moyen pour annuler l'arrêté du 16 juillet 2013 en litige ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

7. Considérant que la demande présentée par un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2 ; qu'il s'ensuit que, à Paris, le préfet de police n'est pas tenu de saisir le préfet de Paris afin que ce dernier accorde ou refuse, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance de la carte de séjour temporaire, l'autorisation de travail visée à l'article L. 5221-5 du code du travail ; que, dès lors, le moyen tiré par Mme B... de ce que le préfet de police n'a pas, avant de statuer sur la demande de titre de séjour en litige, saisi le préfet de Paris en vue de l'instruction de sa demande d'autorisation de travail, ne peut qu'être écarté ;

S'agissant de la légalité interne :

8. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; qu'il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu d'éléments de sa situation personnelle dont il justifierait ;

9. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de la circulaire du

28 novembre 2012 susvisée du ministre de l'intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet Légifrance : " (...) les demandes des étrangers en situation irrégulière qui sollicitent une admission exceptionnelle au séjour doivent faire l'objet d'un examen approfondi, objectif et individualisé sur la base des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du CESEDA en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française. / A cet effet, la présente circulaire (...) précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l'application de la loi et dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui vous est reconnu par la législation " ;

10. Considérant qu'au sein du paragraphe 2 de cette circulaire, intitulé " Les critères d'admission exceptionnelle au séjour ", le point 2.2, intitulé " L'admission au séjour au titre du travail ", comporte un point 2.2.1, intitulé " Principes d'éligibilité ", qui indique :

" En application de l'article L. 313-14 du CESEDA, vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger justifie : / - d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche (formulaire CERFA n° 13653*03) et de l'engagement de versement de la taxe versée au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (formulaire CERFA n° 13662*05) ; / - d'une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années ; - d'une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu'exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France. / Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l'intéressé pourra attester d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois (...) / Dans ces conditions, après visa du formulaire CERFA par le service de la main d'oeuvre étrangère, l'un des deux titres de séjour suivants mentionnés à l'article L. 313-10 du CESEDA sera délivré : / - une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" pour les contrats de travail d'une durée supérieure ou égale à douze mois / - une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " pour les contrats de travail d'une durée inférieure à douze mois " ;

11. Considérant qu'aux termes du point 2.2.2 de la circulaire susvisée, intitulé : " Instruction de la demande d'autorisation de travail " : " Vous privilégierez les situations où l'étranger bénéficie d'un contrat à durée indéterminée. S'agissant toutefois de la prise en considération des contrats à durée déterminée, les services de main d'oeuvre étrangère s'assureront d'un engagement sérieux de l'employeur en ne retenant que les contrats d'une durée égale ou supérieure à six mois. / (...) L'autorisation de travail sera accordée au vu des éléments d'appréciation figurant aux alinéas 2° à 6° de l'article R. 5221-20 du code du travail. Pour l'application de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour prévue par la présente circulaire, la situation de l'emploi ne sera pas opposée aux demandeurs qui remplissent l'ensemble de ces critères. / Le critère d'adéquation entre, d'une part, la qualification et l'expérience professionnelle de l'intéressé et, d'autre part, les caractéristiques de l'emploi qu'il souhaiterait occuper, doit être apprécié avec soin, à la lumière des emplois précédemment occupés (...) " ;

12. Considérant que, par les énonciations précitées, le ministre de l'intérieur a, sans limiter le pouvoir d'appréciation des préfets dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d'un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que les énonciations citées aux points 9 à 11 ci-dessus de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 constituent des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir ;

13. Considérant que si Mme B... soutient qu'elle est bien intégrée en France, pays dont elle maîtrise la langue, et fait valoir qu'elle remplissait les différents critères mentionnés au point 2.2.1 de la circulaire susvisée, elle n'établit en tout état de cause nullement que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du critère, auquel elle devait également satisfaire, mentionné au point 2.2.2 de cette circulaire, portant sur l'adéquation entre, d'une part, sa qualification et son expérience professionnelle et, d'autre part, les caractéristiques de l'emploi qu'elle souhaitait occuper ; qu'elle ne disposait en effet d'aucune qualification ni d'aucun diplôme en rapport avec le poste d'adjointe de direction d'un restaurant et qu'elle ne pouvait se prévaloir que d'une expérience limitée dans ce type de poste ;

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré par Mme B... de ce que la décision du 16 juillet 2013 par laquelle le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français doit être annulée comme dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour ; qu'il s'ensuit que doit également être écarté le moyen tiré par l'intéressée de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 16 juillet 2013 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B..., de même que celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être écartées;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311386 du 27 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 14PA00001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00001
Date de la décision : 20/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : PROVENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-06-20;14pa00001 ?
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