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06/05/2015 | FRANCE | N°14PA02833

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 06 mai 2015, 14PA02833


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et

7 juillet 2014, présentés par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1318384 du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 30 octobre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à

M. A... E...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...E...devant le Tribunal a

dministratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et

7 juillet 2014, présentés par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1318384 du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 30 octobre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à

M. A... E...et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...E...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du

30 octobre 2013 au motif qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.E... ;

- l'intéressé n'était pas sans savoir que les titres de séjour qui lui avaient été délivrés en qualité d'étudiant entre 2000 et 2010 ne lui donnaient pas vocation à s'établir durablement sur le territoire français ;

- l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français en dépit d'un arrêté du 6 mai 2011 refusant le changement de son statut d'étudiant en celui de salarié ;

- contrairement aux énonciations du tribunal, si l'intéressé verse une promesse d'embauche pour un poste d'agent commercial, cette embauche n'a été suivie d'aucun effet ;

- si l'intéressé a produit un contrat de travail en date du 1er octobre 2012 en qualité de sandwichier, il s'est vu refuser cette autorisation de travail ;

- l'intéressé n'a exercé aucune activité professionnelle depuis 2010 ;

- que s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 27 novembre 2014, admettant

M. E...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2014, présenté pour M. E...par

MeC... ; M. E...conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. E...soutient que :

- la requête du préfet de police est tardive ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- si le préfet soutient qu'il s'est maintenu en situation irrégulière suite à la décision de refus de titre du 6 mai 2011, il omet d'indiquer que cette décision a été annulée par le Tribunal administratif de Paris le 15 décembre 2011 ;

- c'est précisément en raison de la décision du préfet en date du 6 mai 2011, pourtant illégale, que la promesse d'embauche produite au soutien de sa demande de changement de statut étudiant à salarié n'a pas été suivie d'effet ;

- le préfet de police ne saurait lui reprocher de n'avoir exercé aucune activité salariée depuis 2010 dès lors que c'est l'administration, qui en ne respectant pas les termes du jugement du

15 décembre 2011, l'a empêché de présenter une demande en relation avec sa formation ;

- le refus de titre de séjour du 30 octobre 2013 méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2015 :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., substituant MeTerrel, avocat de M.E... ;

1. Considérant que M.E..., ressortissant malien né le 26 mai 1977, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 30 octobre 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

Sur la fin de non recevoir opposée par M.E... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 mai 2014 a été notifié au préfet de police le 27 mai suivant ; que ce dernier disposait d'un délai franc d'un mois à compter de cette date pour saisir la Cour administrative d'appel de Paris d'une requête contre ce jugement ; que, par suite, la requête du préfet de police, enregistrée au greffe de la Cour le 27 juin 2014, n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par M. E... doit, par suite, être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 octobre 2013 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :

4. Considérant qu'il ressort des pièce du dossier que M. E...est entré en France le

29 septembre 2000 ; qu'il est célibataire sans charge de famille en France ; que si plusieurs membres de sa famille résident en France, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents ; que si l'intéressé a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " entre 2000 et 2010, a obtenu une licence de sciences humaines et sociales en 2008 ainsi qu'une maîtrise de droit, économie, gestion en 2011 et a exercé différentes activités salariées à la faveur des autorisations provisoires de travail qui lui ont été délivrées par l'administration, son statut d'étudiant ne lui donnait néanmoins pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que, si l'intéressé fait valoir qu'il disposait, en 2010, d'un contrat de travail pour un poste d'agent commercial correspondant à son niveau d'études, le contrat de travail en date du 27 janvier 2012 produit au dossier concerne un contrat en qualité de sandwichier sans rapport avec ses diplômes et pour lequel l'autorisation de travail lui a été refusée ; qu'il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité, en dernier lieu, son admission au séjour en qualité de salarié ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet de police en date du 30 octobre 2013 était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le

Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur les autres moyens soulevés par M.E... :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour ;

6. Considérant que, par un arrêté du 28 août 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 3 septembre 2013, le préfet de police a donné à M. B...D...délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L.313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;

8. Considérant, comme il a été dit au point 4, que si M. E...a bénéficié d'un titre de séjour " étudiant " entre 2000 et 2010, et a exercé différentes activités salariées à la faveur des autorisations provisoires de travail qui lui ont été délivrées par l'administration, son statut d'étudiant ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ; que l'intéressé est célibataire sans charge de famille en France ; que, nonobstant la présence de plusieurs membres de sa famille en France, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans ; que, par suite, la décision de refus du

30 octobre 2013 n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7°/ de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 311-7 / (...). "

10. Considérant que la circonstance que M. E...a résidé en France sous couvert de cartes de séjour " étudiant " de 2000 à 2010 ne saurait constituer, à elle seule, une considération humanitaire ou un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 4 à 10, M. E...n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

12. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qui reprennent ce qui a été développé à l'encontre de la décision portant retrait de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 30 octobre 2013 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1318384 du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Driencourt, président de chambre,

Mme Mosser, président assesseur,

M.Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mai 2015.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

F.DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02833
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : TERREL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-06;14pa02833 ?
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