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28/02/2017 | FRANCE | N°16PA00933

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 28 février 2017, 16PA00933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

31 août 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1516682 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé cet arrêté du 31 août 2015 et, d'autre part, a enjoint au préfet de poli

ce de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et famil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

31 août 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1516682 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Paris, d'une part, a annulé cet arrêté du 31 août 2015 et, d'autre part, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.B....

Le préfet de police soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation de M. B...en refusant de renouveler le titre de séjour de ce dernier ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 31 août 2015 au motif que le préfet de police avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation de M.B... ;

- en ne saisissant pas la commission du titre de séjour alors que, ayant présenté sa demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il justifiait d'une résidence habituelle depuis plus de dix ans, le préfet de police a entaché son arrêté d'un vice de procédure ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une insuffisance de motivation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Boissy a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A...B..., de nationalité malienne, entré en France

le 27 décembre 2001 muni d'un visa de court séjour, a présenté le 15 janvier 2002 une demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié qui a été rejetée par l'office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 23 octobre 2002 puis par la commission de recours des réfugiés (CRR) le 11 avril 2003 ; que, le 12 juin 2003, le préfet de police a alors décidé de lui refuser le droit de séjourner en France et l'a invité à quitter le territoire avant le 12 juillet 2003 ; qu'à la suite d'une demande présentée le 31 octobre 2012 sur le fondement de l'article L. 313-14 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a obtenu, le 13 novembre 2012, un titre de séjour en qualité de salarié valable du 13 novembre 2012 au 12 novembre 2013 ; que M. B...a ensuite demandé le renouvellement de ce titre de séjour ; que, toutefois, par une décision du 2 décembre 2014, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a rejeté la demande de renouvellement d'autorisation de travail présentée par l'intéressé ; que,

le 25 mars 2015, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique exercé par M. B...le 28 janvier 2015 contre cette décision du 2 décembre 2014 ; qu'enfin, par un arrêté du

31 août 2015, le préfet de police a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de

M. B...et a assorti cette décision d'une obligation de quitter de le territoire français en fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement ; que, par un jugement du 4 février 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté du 31 août 2015 et a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen accueilli par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'il ressort des dispositions combinées du 6° de l'article R. 5221-3 et des articles R. 5221-4, du 5° de l'article R. 5221-5, alors en vigueur, et de l'article R. 5221-9 du code du travail ainsi que du 1° de l'article L. 313-10 et de l'article R. 313-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors applicable, qu'un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " séjourne régulièrement tant au regard de la législation relative au séjour des étrangers qu'au regard de la législation relative au travail des étrangers sur le territoire français ; que, par ailleurs, sous réserve de la justification des conditions d'exercice de cette activité lorsqu'elle est soumise à une réglementation particulière, l'autorisation de travail délivrée à un étranger lors de sa demande initiale et du premier renouvellement lui permet uniquement, en principe, d'exercer l'activité portant sur le contrat de travail visé, pour une, plusieurs ou toutes les zones géographiques du territoire métropolitain en fonction de la situation de l'emploi tandis que l'exercice de toute activité professionnelle salariée n'est ouvert à l'intéressé qu'à l'occasion du second renouvellement de cette autorisation de travail ; qu'enfin, l'étranger titulaire d'un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " qui se trouve involontairement privé d'emploi a bien le droit - sauf motif d'ordre public, réserve qui vaut de manière générale pour tous les types de titre de séjour- d'obtenir une prolongation de son titre de séjour portant la mention " salarié " jusqu'à épuisement de ses droits à indemnisation ;

3. Considérant que si M. B..., après avoir été autorisé à séjourner provisoirement en France lors de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié, a pu régulièrement travailler de janvier 2002 à décembre 2002, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite de la décision prise par le préfet de police le 12 juin 2003 lui refusant le droit de séjourner en France, il aurait ensuite obtenu, avant le 13 novembre 2012, un titre de séjour l'autorisant à travailler ; qu'au cours de la période allant de mai 2004 à février 2007, il a pourtant exercé les fonctions de manutentionnaire au sein de la société Seron, puis de la société

Le Porc frais, sans bénéficier d'autorisation de travail à ce titre ; que la société Le Porc frais a ainsi mis un terme à ce contrat au motif que l'intéressé ne disposait pas d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France ; qu'entre le 15 décembre 2007 et le 11 avril 2008, il a ensuite été recruté, en vertu d'un contrat à durée déterminée, par la société Les Samouraïs des mers pour exercer, à mi-temps, les fonctions de poissonnier, toujours sans bénéficier d'autorisation de travail à ce titre ; que, du 1er mai au 31 décembre 2008, il exercé les fonctions de vendeur au sein de la société Centrale Investissements en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée sans bénéficier d'autorisation de travail à ce titre ; qu'à compter du 19 octobre 2008 jusqu'au

10 janvier 2010, il a exercé les fonctions de poissonnier-fileteur-vendeur au sein de la société Samouraïs du Discount sans autorisation de travail ; qu'à compter du 1er décembre 2011, il a été employé par la société FB 64 en qualité de frigoriste ; qu'il ressort également du document qu'il a rempli le 17 octobre 2012 sur le fondement des articles L. 251-1 à L. 252-4 du code de l'action sociale et des familles qu'il a perçu, au cours de l'année 2012, 4 600 euros pour du " travail non déclaré " ; que s'il a demandé le 31 octobre 2012 et obtenu le 13 novembre suivant une autorisation de travail pour exercer les fonctions de vendeur au sein de la société FB 64, il ressort des pièces du dossier qu'il a quitté ce poste le 17 décembre 2012 ; qu'il a ensuite conclu des contrats à durée déterminée pour les périodes allant du 18 juin au 13 juillet 2013, du 1er août au 17 août 2013, du 16 septembre au 31 octobre 2013, du 2 décembre au 31 décembre 2013 pour exercer le métier d'agent de service au sein de la société Aspirotechnique ; qu'entre le

16 septembre 2013 et le 18 avril 2014, il a par ailleurs exercé les fonctions d'agent de service au sein de la société Arcade en vertu d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il a ensuite exercé les fonctions d'agent de service au sein de la société Arc en Ciel Environnement du 1er avril au

25 avril 2015 et du 1er août au 31 août 2015 ; que, le 28 avril 2015, il a été recruté par la société Tiers Temps Bicêtre en qualité d'agent d'entretien en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée conclus du 28 avril au 28 avril 2015, du 29 avril au 18 mai 2015, du 19 au

29 mai 2015, du 1er au 15 juin 2015, du 16 au 30 juin 2015, du 1er au 31 juillet 2015, du 3 au

15 août 2015 et du 17 au 17 août 2015 ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de ce qui a été dit au point 3 qu'entre juin 2003 et novembre 2012, M. B...a séjourné en France en situation irrégulière tant au regard du droit au séjour des étrangers en France qu'au regard du droit du travail ; que les activités d'agent de service ou d'entretien que M. B...a exercées postérieurement à la cessation de ses fonctions au sein de la société FB 64, en décembre 2012, ne correspondent pas à celles figurant dans l'autorisation de travail accordée le 13 novembre 2012 sous le libellé " vendeur -

code ROME D 1106 " ni à celles figurant sur son titre de séjour " employé polyvalent " ; que l'intéressé ne peut dès lors pas être regardé comme ayant, postérieurement au 17 décembre 2012, été dans une situation régulière au regard du droit du travail applicable aux travailleurs étrangers ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...soutient que la cessation de ses fonctions au sein de la société FB 64 ne peut pas être regardée comme une démission mais comme la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, il ne produit au dossier qu'un arrêt du 30 juin 2016 par lequel la cour d'appel de Paris se borne à confirmer un jugement du conseil des prud'hommes du 15 octobre 2013 condamnant une autre société, la société DHK, à lui verser diverses sommes à titre de " dommages intérêts pour absence de visite médicale d'embauche " ; qu'il n'a en revanche produit aucun jugement par lequel le juge judiciaire aurait expressément qualifié son départ de la société FB 64 de prise d'acte ; que, dans ces conditions, M. B...n'établit pas qu'il a été involontairement privé d'emploi en cessant ses fonctions au sein de la société FB 64 ; que, par ailleurs, le 22 septembre 2014, Pôle emploi a refusé de verser à M. B... une allocation de retour à l'emploi au motif qu'il ne justifiait pas d'une durée d'affiliation ou de travail suffisante ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., s'il justifie avoir résidé en France entre 2002 et 2009 et depuis 2012, n'établit pas, par les seuls documents qu'il a produit, avoir séjourné de manière habituelle en France en 2010 et 2011 ;

7. Considérant que, compte tenu de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 3 à 6, M. B..., à l'exception de la période allant de décembre 2001 à juin 2003 et de novembre 2012 à août 2015, n'a pas séjourné de manière régulière sur le territoire français ; qu'à l'exception de la période allant de janvier à décembre 2002 et de celle allant du 13 novembre au

17 décembre 2012, il a travaillé sans autorisation de travail ou sur des emplois pour lesquels il n'avait pas obtenu d'autorisation et qui ne présentent, par eux-mêmes, aucune spécificité ; qu'enfin, si M. B... justifie parler couramment le français, il est célibataire, sans charge de famille, ne justifie par ailleurs pas d'une insertion significative dans la société française et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali où réside notamment sa fratrie et dans lequel il a

lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation de M. B...en refusant de renouveler le titre de séjour de ce dernier ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté en se fondant sur un tel motif ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel ;

En ce qui concerne les autres moyens :

9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de police, saisi d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, est tenu, lorsque le demandeur justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire ;

11. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.B..., qui a demandé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " aurait par ailleurs demandé, à titre subsidiaire, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, d'autre part, que compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, les seuls documents que verse M. B...au dossier au titre des années 2010 et 2011 ne permettent pas d'établir que l'intéressé a eu sa résidence habituelle en France au cours de ces deux années ; que, dans ces conditions, le préfet de police, en ne soumettant pas à la commission du titre de séjour, pour avis, la demande de l'intéressé n'a en tout état de cause pas entaché son arrêté d'un vice de procédure ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M.B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante le versement de la somme que demande M. B...au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1516682 du tribunal administratif de Paris en date du 4 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande et les conclusions d'appel de M. B...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 février 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16PA00933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00933
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : KERROS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-28;16pa00933 ?
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