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06/07/2023 | FRANCE | N°22PA04003

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 22PA04003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Aichakim a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a exercé son droit de préemption sur un bien immobilier sis 16 rue Paul Vaillant Couturier et

21 avenue Clémenceau.

Par un jugement n° 2109599 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique en

registrés les 29 août 2022 et 10 janvier 2023, la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par Me Tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Aichakim a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a exercé son droit de préemption sur un bien immobilier sis 16 rue Paul Vaillant Couturier et

21 avenue Clémenceau.

Par un jugement n° 2109599 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 29 août 2022 et 10 janvier 2023, la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par Me Treca, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2109599 du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la requête de la société civile immobilière Aichakim ;

3°) de mettre à la charge de la société civile immobilière Aichakim le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas les dispositions sur lesquelles il se fonde ;

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré de l'incompétence et ont ainsi statué ultra petita, alors que ce moyen n'était en outre pas fondé dès lors que le signataire de la décision contestée avait reçu délégation pour ce faire et que le maire était empêché le jour de la décision ;

- la réalité du projet de création d'un square est établi par les orientations d'aménagement et de programmation n°1 et n° 3.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2022, la société civile immobilière Aichakim, représentée par Me Boukraa conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société civile immobilière Île-de-France qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Horeau substituant Me Treca, représentant la commune de Neuilly-Plaisance.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 23 avril 2021, le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a décidé d'exercer son droit de préemption sur un bien immobilier situé sur la parcelle cadastrée section C

n° 2743 située 16 rue Paul Vaillant Couturier et 21 rue Georges Clémenceau. Par un jugement du

29 juin 2022 dont la commune de Neuilly-Plaisance relève appel, le tribunal administratif de Montreuil, saisi à cette fin par la société civile immobilière Aichakim, a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des mentions du jugement que ce dernier vise et cite les dispositions des articles L. 2122-22 et L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales ainsi que celles des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme. Il est ainsi, contrairement à ce que soutient la commune requérante, suffisamment motivé.

3. En second lieu, en réponse au moyen selon lequel du fait de l'empêchement du maire, c'était au conseil municipal et non à Mme C..., signataire de la décision contestée, de prendre cette dernière, la commune de Neuilly-Plaisance s'était prévalue en première instance des dispositions de l'arrêté du 10 juin 2020 donnant délégation de signature à la première adjointe,

Mme C.... Il en résulte qu'en retenant que ce dernier arrêté ne lui permettait pas de signer les décisions de préemption, et en annulant la décision pour ce motif, les premiers juges ont répondu au moyen tel qu'il avait été soulevé.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges se sont en premier lieu fondés sur la circonstance que le signataire de l'acte, Mme C..., n'avait pas reçu délégation à cette fin.

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2122-23 du même code : " (...) Sauf disposition contraire dans la délibération, les décisions relatives aux matières ayant fait l'objet de la délégation sont prises, en cas d'empêchement du maire, par le conseil municipal. (...) ".

6. Par un arrêté du 27 juin 2020, le conseil municipal a donné délégation au maire pour " exercer les droits de préemption " et précisé " qu'en cas d'empêchement du maire ou des maires-adjoints ayant bénéficié d'une délégation de signature, les maires-adjoins ou conseillers-municipaux dans l'ordre du tableau peuvent être autorisés à décider au titre des attributions déléguées ". Par un arrêté du 10 juin 2020, le maire a donné délégation de signature à sa première adjointe, Mme D... B..., épouse C..., signataire de l'arrêté litigieux " au nom du maire ", pour " signer les documents relatifs à l'élaboration, l'étude et le suivi des dossiers des services relevant de la délégation des associations, des affaires générales, du logement, du CMASC et des séniors, notamment les documents relatifs aux attestations d'accueil et enquêtes de regroupement familial, aux autorisation de ventes au déballage, au débit de boissons temporaire, au gestion des taxis communaux, au certificat d'affichage, à la délivrance des autorisations requises pour toutes les opérations funéraires, ainsi que tous les courriers qui y sont relatifs. / Par cette délégation, Mme D... A..., épouse C..., pourra d'autre part (...) signer tous documents administratifs relatifs aux associations, aux affaires générales, au logement (...) ".

7. D'une part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne ressort pas des mentions de l'arrêté du 10 juin 2020 précitées que ce dernier comportait la signature des décisions de préemption, la décision contestée ayant au demeurant pour objet de réaliser un square et non, comme le relève la commune dans ses écritures, une opération relative au logement.

8. D'autre part, la commune soutient que du fait de l'empêchement du maire, les dispositions de l'article L. 2122-17 précité permettaient à sa première adjointe de prendre la décision contestée. Toutefois, à supposer établi l'empêchement du maire du fait de son hospitalisation, et quand bien même la délibération du 27 mai 2020 prévoyait que la délégation pouvait être exercée par les maires-adjoints, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la signataire de la décision contestée n'avait en tout état de cause pas été habilitée à signer les décisions de préemption, l'article L. 2122-23 prévoyant que les décisions relatives aux matières ayant fait l'objet de la délégation sont prises, en cas d'empêchement du maire, par le conseil municipal.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... ne pouvait légalement signer la décision contestée.

10. Les premiers juges ont en second lieu retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme au motif que la commune n'avait pas défini de projet d'opération ou d'aménagement sur la parcelle concernée.

11. Aux termes des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans leur version alors en vigueur : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du même code dans leur version alors en vigueur : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ".

12. Il résulte des dispositions citées aux points précédents que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

13. La commune de Neuilly-Plaisance invoque les dispositions de l'orientation d'aménagement et de programmation n° 1 " vers l'affirmation d'un axe stratégique aux ambiances différenciées ", notamment de sa séquence 3 " un centre-ville épaissi témoin de l'esprit de village et de la ville-jardin ", selon laquelle " une ambiance végétale devra être réintroduite en travaillant notamment sur la création de promenades vertes " lesquelles " devront être végétalisées " et de l'orientation d'aménagement et de programmation thématique " trame verte et bleue " selon laquelle notamment le projet devra " permettre la cohérence du réseau écologique présent sur la commune " et " s'appuyer sur une structure d'espaces publics (...) végétalisés qui permette d'appréhender les qualités paysagères et écologiques du tissu noséen ".

14. Cependant, quand bien même les caractéristiques précises de ce projet n'avaient pas à être définies à cette date ainsi qu'il a été dit plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier que la création de la nature d'un équipement collectif végétalisé était prévu avant que ne soit prise la décision contestée, aucune des cartes relatives à ces orientations d'aménagement et de programmation ne mentionnant au demeurant de projet sur ou aux abords de la parcelle concernée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Neuilly-Plaisance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 23 avril 2021.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. La société civile immobilière Aichakim n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la commune de Neuilly-Plaisance tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance le versement à la société civile immobilière Aichakim d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de la commune de Neuilly-Plaisance est rejetée.

Article 2 : La commune de Neuilly-Plaisance versera une somme de 1 500 euros à la société civile immobilière Aichakim sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Neuilly-Plaisance, à la société civile immobilière Aichakim et à la société civile immobilière Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04003
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : CABINET WOOG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-06;22pa04003 ?
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