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01/02/2024 | FRANCE | N°23PA02387

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 23PA02387


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300980/6-2 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pa

ys de destination, enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de trois m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300980/6-2 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination, enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois et de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 2300980/6-2 du 2 mai 2023 ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme A... en tant qu'elle est dirigée contre les décisions de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination.

Il soutient que le tribunal ne pouvait retenir que Mme A... se maintenait régulièrement sur le territoire français dès lors :

- que les autorités autrichiennes ont saisi les autorités françaises d'une demande de réadmission,

- qu'elle n'a pas sollicité le renouvellement de sa carte de résident expirée le 23 juin 2017,

-qu'elle ne s'est présentée auprès des services de la préfecture que le 9 juin 2022 pour solliciter l'octroi d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Lefort, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés, dès lors notamment qu'est sans influence sur la régularité de son séjour la circonstance qu'elle a fait l'objet d'une procédure de réadmission en France depuis l'Autriche et qu'elle n'aurait pas sollicité le renouvellement de sa carte de résident en 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 novembre 2022, le préfet de police a refusé d'octroyer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante nigériane, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 14 avril 2023 par laquelle le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination, enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, les premiers juges ont relevé, au visa des dispositions du 3°) et du 4°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que Mme A... avait bénéficié d'une carte de résident de dix ans du 24 juin 1997 au 23 juin 2007, renouvelée pour la période du 24 juin 2007 au 23 juin 2017, et qu'elle démontrait par suite avoir résidé régulièrement en France de très nombreuses années.

3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; (...) ".

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si Mme A... a été titulaire de deux cartes de résident ainsi qu'il a été dit au point 2, elle n'avait pas demandé le renouvellement de sa carte de résident expirant le 23 juin 2017 et ne justifiait donc pas résider régulièrement en France depuis plus de dix ans ou depuis plus de vingt ans à la date de l'édiction de l'arrêté contesté. Si elle fait valoir qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique lourde et invalidante qui l'a empêchée d'effectuer seule ses démarches administratives, notamment celles relatives au renouvellement de son titre de séjour expiré, les certificats médicaux produits ne permettent pas d'établir, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, que c'est du fait de sa pathologie qu'elle aurait été empêchée de procéder à de telles démarches, pas plus au demeurant que l'auraient empêchée les perturbations liées à l'épidémie de Covid. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé les décisions contestées pour le motif rappelé au point 2.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-01166 du 3 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme B..., attachée d'administration de l'tat, placée sous l'autorité de la chef de la division de l'immigration familiale, pour signer tous arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement des autres délégataires, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés lorsqu'elle a signé la décision attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

8. Si Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ainsi qu'en atteste l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 octobre 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des ordonnances et des certificats médicaux produits, qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". A supposer même que Mme A... réside en France depuis l'année 1992, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'elle a été titulaire de deux cartes de résident entre 1997 et 2017, elle n'établit pas l'intensité et la réalité de ses liens avec ses deux enfants français nés en 1996 et en 1997.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision la décision fixant le délai de départ volontaire doit, en conséquence, être écarté.

11. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les motifs rappelés au point 7.

13. En second lieu, le moyen, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction présentées en première instance, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2300980/6-2 du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL S. DIEMERT

La greffière

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02387
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23pa02387 ?
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